Friday, February 29, 2008

LA VILLE DANS UN BIDON


Quand vous circulez dans le sud de la Thaïland, vous découvrez une nouvelle signalisation routière totalement inédite ailleurs dans le monde; celle liée à l'évacuation d'urgence. Ces nouveaux panneaux sont évidement directement liés au tsunami de 2004, et montre combien aujourd'hui la menace est aujourd'hui rentrée dans la vie quotidienne des thaïlandais du sud, mais aussi des milliers de touristes qui fréquentent cette zone.

Sur le plan architectural et des infrastructures, ce sont de nouvelles logiques constructives qui ont été mises en place, avec un gros travail de renforcement des traditionnels pilotis et tout un ensemble de passerelles et de promontoires permettant d'échapper à la vague.

Si aujourd'hui, une très large majorité des bâtiments ont été reconstruits, la menace est toujours présente dans les esprits et a donné lieu à un certain nombre de concours d'archi autour de la reconstruction d'urgence.

Parmi les propositions récentes, celle du designer Toby McInnes se distingue par sa simplicité et son faible coûts puisqu'elle se décline autour d'un simple de bidon - appelé Bedu - qui pourrait contenir tous les éléments de survie après une catastrophe. Réponse pas forcément spectaculaire, mais probablement plus facile à mettre en place que celles imaginées tout récemment pour New-York (voir ou )



Pour l'instant ce genre d'équipement peut prêter à sourire, mais pourrait dans les dix ans à venir se banaliser dans certains coins de la planète. Les Nations Unis ont, en effet, mandaté récemment des scientifiques auprès d'un certain nombre de grandes métropoles asiatiques pour savoir comment celles pourraient faire face à un tsunami, et notamment qu'elles étaient les infrastructures d'urgence qui seraient déployées en cas de drame.

Tuesday, February 26, 2008

SAN FRANCISCO, THE NEXT HYDROGEN CITY ?

San Francisco comme vous ne l'avez jamais vu.



Le fantasme de l'énergie nucléaire comme réponse idéale aux défis énergétiques et écologiques qui nous attendent, n'étant pas forcément partagé par le monde entier, certains imaginent d'autres solutions pour demain. Des solutions pas forcément applicables tout de suite, mais qui montrent que d'autres schémas de pensée sont possibles (voir post précédent)

J'en veux pour preuve les pistes explorées par certaines équipes américaines à l'occasion du concours City of the Future, organisé aux Etats-Unis par History Chanel.
Ce concours visait à imaginer le visage de Washington, Atlanta et San Francisco en 2108.

Le lauréat est le cabinet d'architecture IwamotoScott avec son projet Hydro-Net, proposant une ville de San Francisco entièrement alimenté une l'hydrogène astucieusement produite par l'énergie fournie par la rencontre des courants du Pacific et des vents californiens.
Ci dessous vous trouverez les explications de ce projet Hydro-Net, accompagné d'illustrations très pédagogiques sur le pourquoi et le comment de ce réseau d'un nouveau genre.

"Symbiotic and multi-scalar, SF HYDRO-NET is an occupiable infrastructure that organizes critical flows of the city. HYDRO-NET provides an underground arterial traffic network for hydrogen-fueled hover-cars, while simultaneously collecting, storing and distributing water and power tapped from existing aquifer and geothermal sources beneath San Francisco. A new aquaculture zone with ponds of algae and forests of sinuous housing towers reoccupy Baylands inundated by rising sea levels. Hydrogen fuel is produced by the algae, and is stored and distributed within the nanotube wall structure of HYDRO-NET's robotically-drilled tunnels. At key waterfront and neighborhood locales, HYDRO-NET emerges to form linkages between the terrestrial and subterranean worlds. Here new architectures bloom as opportunistic urban caves and outcroppings, fostering new social spaces and densified urban forms, fed by the resources and connectivity provided by HYDRO-NET. These locally responsive and distributed nodes and tendrils facilitate both the preservation and organic evolution of San Francisco."






En coupe, cela donnerait cela :
(cliquer sur les images pour les agrandir)




Et extérieurement, cela pourrait ressembler à cela face au Pacific ...

... et cela côté downtown

Pour aller plus loin, voir toutes les images du projet, .

Monday, February 25, 2008

HONG-KONG : REFABRICATING CITY

Juste ces quelques photos d'échafaudages en bambou de Vinko T, pour vous signaler la tenue actuellement de la Shenzhen & Hong Kong Bi- city Biennale of Architecture. Pas forcément une grande édition, mais un prétexte pour faire un stop dans une des villes les plus excitante au monde.

Saturday, February 23, 2008

ET SI LES NUCLEOCRATES JOUAIENT ENFIN AUX JEUX VIDÉO ?






Les images ci-dessus sont extraites d'un jeu vidéo appelé S.T.A.L.K.E.R. - Shadow Of Chernobyl, dont le titre dit assez bien où se déroule l'action et dans quel contexte. C'est pas forcément le jeu le plus drôle qui soit, mais il a au moins un mérite, celui de vous permettre de visiter la zone qui entoure la fameuse centrale Lénine qui a explosé le 26 avril 1986, et qui est aujourd'hui toujours strictement interdite. L'action du "jeu" se déroulant en 2012, on voit que les concepteurs n'ont pas forcément misé sur une amélioration très rapide de la situation des villes alentours.

Bref vous aurez compris que nous sommes dans l'univers d'un accident post-nucléaire bien réel, et ce avec les conséquences sanitaires et écologiques que l'on connaît déjà aujourd'hui, mais aussi avec d'autres conséquences que nous découvriront peut-être dans les années qui viennent.

Alors pourquoi je vous raconte cela ? Parce que je viens de tomber sur un article du Monde qui nous annonce que les autorités nucléaires françaises via le CODIRPA (Comité directeur pour la gestion de la phase post-accidentelle d'une situation d'urgence radiologique) s'apprêtent à esquisser une " "doctrine" afin de se préparer à gérer les conséquences d'une catastrophe nucléaire sur son sol." (sic)

Et le journaliste de préciser que cette doctrine "témoigne d'un changement radical dans la façon dont les autorités envisagent l'aléa nucléaire. Pendant des décennies, elles se sont montrées obsédées par la sûreté, insistant sur les mécanismes de défense et des statistiques rassurantes, l'accident n'ayant qu'une chance sur un million d'advenir, assurait-on fréquemment. Elles se placent désormais dans la perspective où il surviendrait bel et bien, avec des conséquences environnementales et sanitaires de moyen et long terme."

Oui, vous avez bien lu !!! 22 ans après Tchernobyl, aucune autorité française n'avait jusque là travaillé sur les conséquences à long terme d'un accident dans une centrale nucléaire !!! "Jusqu'à présent, les textes géraient la phase d'urgence d'un accident, jusqu'à la fin des rejets radioactifs, ce qui donne lieu à une dizaine d'exercices par an, témoigne Jean-Luc Lachaume, directeur général adjoint de l'ASN. Le post-accidentel, c'est explorer ce qui se passe ensuite : comment revenir à une situation vivable, si tant est qu'elle le soit, dans les zones touchées."

Quand un peu plus loin dans l'article, on apprend que la France travaille sur des scénarios d'accidents très soft par rapport à ce qui s'est passé en Ukraine, la surprise se double d'effarement. Non seulement, on a rien fait pendant deux décennies, et maintenant qu'on s'y met, on ne travaille que sur des hypothèses en deçà des vrais risques qui nous menacent.
Mais comme l'explique, pour le regretter, l'un des participants à ce groupe de travail, "il est dur d'appréhender le sacrifice d'un territoire pour plusieurs siècles, voire des millénaires".

No comment, si ce n'est pour vous rappeler notre Atelier du 23 mai prochain sur le thème "Et si on avait pas assez peur ?", avec Jean-Pierre DUPUY, auteur de "Pour un catastrophisme éclairé"
(voir )

PS / Et pour répondre à la question du titre : oui, il serait bien que les nucléocrates français jouent aux jeu vidéo. Ils y découvriraient d'autre visions et d'autres futurs possibles que ceux imaginés par leur certitude d'ingénieur.

PS 2 / Très bon reportage sur la zone de Techernobyl

Sunday, February 17, 2008

FLANAGAN, LA TASMANIE ET L'ARCHITECTE

L'Australie compte aujourd'hui deux très grands écrivains; Tim Winton et Richard Flanagan

Mais autant le premier déploie l'action de ses romans aux quatre coins du globe (de la côte ouest australienne aux îles grecques, en passant par la France ou l'Irlande) autant le second est attaché à sa terre natale; la Tasmanie

Une Tasmanie dont il nous cache aucune facette, que ce soit la vie dans les bagnes installés par les Anglais ou le massacre des aborigènes (voir, entre autres Le Livre de Gould, A contre-courant).

Mais Richard Flanagan c'est aussi un homme fasciné par les paysages de son île et révolté par les massacres que l'industrie du bois fait subir aux grandes forêts du sud et notamment à la Styx Valley of Giants

Dans un texte publié dans le New-York Times dés 2004, il dénonçait le déboisage intensif de cette zone où l'on trouve les plus grands Eucalyptus du globe. "C’est ici que poussent les majestueux Eucalyptus regnans. Culminant à près de 100 mètres de haut, ces arbres sont les plus grands arbres à bois dur du monde. Ceux que l’on trouve ici, et qui appartiennent aux dernières forêts d’Eucalyptus regnans adultes, n’étaient que de jeunes scions lorsque les pères pèlerins ont débarqué à Plymouth. Avec leur base colossale et leurs racines s’évasant comme des contreforts, si haut que nous devons les escalader, les gigantesques regnans semblent jaillir de l’océan de fougères et de plantes tropicales qui les entourent. Je pose la main sur le tronc couvert de mousse de l’un de ces arbres extraordinairement vivants, dont dix hommes se tenant la main ne réussiraient pas à faire le tour, m’attendant presque à sentir battre un pouls. Ici, la vie se laisse toucher du doigt, une sensation impossible à communiquer.

Pourtant, tout comme une grande partie des anciennes forêts d’eucalyptus et de la forêt pluviale de Tasmanie, ces arbres sont l’objet d’une destruction progressive. La plupart finissent sous forme de papier et de carton. Environ 2 kilomètres plus loin, nous débouchons sur une large zone déboisée, aussi ravagée qu’un champ de bataille de la Première Guerre mondiale. Je m’enfonce jusqu’au genou dans une couche de branches brisées, de boue, de cendres, d’immenses lambeaux d’écorce calcinée de dizaines de mètres de long, de flaques d’eau et de troncs de fougères arborescentes. La forêt a été remplacée par ce magma criblé d’énormes souches noircies, témoins figés de cette apocalypse. Les arbres ont brûlé il y a plusieurs semaines, mais de la fumée s’élève encore de la terre carbonisée. Cette image tragique convient bien à cette île de paradoxes.
"

Aujourd'hui, cette exploitation écologiquement aberrante de la forêt continue et chaque week-end des centaines de personnes se réunissent dans cette vallée pour tenter de faire cesser le "massacre". Les militants les plus motivés s'installent carrément dans les arbres afin d'éviter les coupes.

Et c'est pour eux que le jeune architecte Andrew Maynard a imaginé ces maisons "clipsables" sur ces immenses Eucalyptus. Un projet qui ne verra probablement jamais le jour, mais qui est très révélateur de l'engagement écologique de toute une nouvelle génération d'architectes australiens qui tente d'inscrire ses pas dans ceux de Glenn Murcutt, et de son fameux "fonctionnalisme écologique"

Sur l'engagment écologique des architectes australiens voir notre Cahier Burned Australia

PS / Pour ceux qui ne connaîtraient pas Tim Winton, un conseil; jetez-vous sur "Par dessus le bord du monde" (Dirt Music, en VO). C'est une Australie totalement différente de celle de Flanagan, mais c'est tout aussi superbe et prenant !

Saturday, February 16, 2008

CATASTROPHIC CITIES : TOKYO EN RUINES

Si depuis le 11 septembre et Katrina ce sont les Etats-Unis qui semblent être les plus à la pointe en matière de réflexions sur les catastrophes urbaine (voir , ), c'est un autre pays qui a intégré depuis beaucoup plus longtemps les liens entre catastrophes et urbanisme.

Cet autre pays est, bien sur, du Japon qui, entre les menaces permanentes de séismes et le choc des deux bombes atomiques lâchées sur Hiroshima et Nagasaki, a d'ailleurs développé toute une pop culture autour des catastrophes urbaines. On peut citer Godzilla, Le Tombeau des Lucioles ou Akira.


Aujourd'hui la principale menace reste les tremblements de terre qui sont quasi hebdomadaires et dont les conséquences peuvent parfois être dramatiques.

A Kobé en 1995, le séisme a fait plus de 5 300 morts, 40 000 blessés, fragilisé plus de 80 000 bâtiments et engendré plus de 100 milliards de $ de dégâts.


Même si les Japonais ont intégré depuis longtemps cette menace, comme le montre les vieilles croyances populaires sur les origines des séismes symbolisées, entre autres, par le poisson-chat Namasu dont l'effigie fut promenée dans les rues de la ville le lendemain même du drame, le tremblement de terre de Kobé fut l'occasion pour beaucoup de s'interroger sur la forme des villes et leur fragilité extrême. Preuve en fut donnée quelques mois plus tard, lors de la Biennale d'Architecture de Venise de 1996, où le Pavillon japonais mettait en scène un vaste tas de gravas avec juste cette accroche "Comment penser l'avenir de la ville après cela ?" On n'en sortait pas totalement indemne, et la visite des autres pavillons avait ensuite un drôle de goût.

Loin de l'imagerie manga ou du film SF, cette obsession prend aujourd'hui de nouvelles formes artistiques, comme le montre le très impressionnant travail du photographe Hisaharu Motoda qui a revisité les endroits les plus emblématiques de Tokyo pour en proposer une vision post-apocalypse. C'est terrifiant, et on a presque envie de voir sortir de ces ruines les deux enfants du Tombeau des Lucioles ou Akira et sa bande d'allumés. Cela prouverait qu'il reste encore un peu de vie.


Pour plus d'infos, voir Hisaharu Motoda

Saturday, February 09, 2008

ET SI LES CATASTROPHES ÉTAIENT DES OPPORTUNITÉS POUR PENSER AUTREMENT ?

Les faits n'ont rien à voir entre eux, mais ajoutés les uns aux autres, ils commencent à faire sens. Alors de quoi s'agit-il ? Et bien d'une chose tout simple; celle de l'obsession actuelle des américains pour les catastrophes et leurs conséquences sur le visage de nos villes.

Illustration avec trois exemples de nature différente mais qui développent tous les trois une vision assez noire de notre avenir urbain

Tout d'abord cette récente campagne de la Red Cross US qui a placé des camions publicitaires recouverts de photos-montages de rues dévastées juste dans le prolongement de ces mêmes rues !!!
Effet garanti !


Le deuxième exemple est la très percutante campagne teasing de lancement du film Cloverfield, relayée par des affiches présentant un New-York dévasté.



Le troisième exemple est le documentaire Life After People passé la semaine dernière sur History Chanel.


Cette émission reprenait très directement les thèses d'Alan Weisman dans son livre The World without us (Livre publié en France par Flammarion sous le titre Homo Disparitus)


Extrait "L’idée que la nature puisse un jour ne faire qu’une bouchée d’une entité aussi colossale et concrète qu’une ville moderne n’est pas facile assimiler. Comment imaginer la disparition de New York quand elle se dresse, titanesque, devant nous ? Les événements de septembre 2001 nous ont montré ce dont les hommes sont capables, avec leurs explosifs, mais qu’en est-il de processus aussi rudimentaires que l’érosion ou la pourriture ? L’effondrement brutal des tours jumelles nous conduisit nous interroger sur les terroristes plutôt que sur les points faibles qui pourraient condamner notre infrastructure tout entière. Et encore cette catastrophe, jusqu’alors inconcevable, se limita-t-elle quelques bâtiments. Cependant, la nature pourrait bien mettre moins de temps que nous ne l’imaginons se débarrasser des créations des urbanistes."

Le tout pourrait être complété par le succès du bouleversant et magnifique roman de Cormac McCarthy, The Road, couronné par le Pulitzer Price 2007.
(Ouvrage paru en France aux éditions de l'Olivier, sous le titre de La Route, dans une excellente traduction de François Hirsch)


Alors face à ce phénomène et cette fascination pour les catastrophes, les explications sont nombreuses; 11 septembre, Katrina, réchauffement climatique, incendie californien, dégradation des côtes de Floride, peur du terrorisme ...
Mais moi ce qui me marque - et c'est tout l'objet de ce post - c'est que ces menaces sont aujourd'hui intégrées et servent de support à de la prospective urbaine.

Déjà en 2006, quand History Chanel avait lancé son concours The City of the Future sur le visage des grandes métropoles en 2106, l'une des équipes avait présenté une vision d'un New-York noyé sous les eaux et qui se réinventait autour d'un modèle très vénitien et lacustre (images ci-dessous).


Fin 2007, c'était au tour de la ville de New-York de lancer son concours "What if New-York ..." sur le thème, on ne peut plus explicite, de "Post-disaster housing design concept" (voir les deux post précédents) .


Un concours qui a donné lieu à la publication d'images assez chocs sur un New-York post cata, mais des images - et c'est en cela que c'est intéressant - pas du tout noires ou glauques, mais plutôt très positives et assez joyeuses. Un peu comme si les catastrophes n'étaient pas des drames mais au contraire de formidables opportunités pour repenser autrement nos villes, leur architecture et leur urbanisme.

Voir l'ensemble des propositions,

Ci-dessous, le projet Cloud City imaginé par le Studio Lindford



Pour nous c'est une formidable leçon et l'occasion de réenvisager les catastrophes urbaines. Un chantier que nous avions ouvert pendant le Tour du monde sous le nom de Catastrophic Cities.

Ce vaste sujet fera bientôt l'objet de plusieurs Ateliers, dont l'un le vendredi 23 mai sur le thème "Et si on avait pas assez peur dans nos réflexions prospectives ?" , avec Jean-Pierre Dupuy, professeur de philosophie sociale et politique à l'École polytechnique et à l'Université de Stanford, et auteur de "Pour un catastrophisme éclairé".


Sur ce sujet de la catastrophe comme moteur d'un nouvel urbanisme, voir aussi