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Monday, December 22, 2008
LA VRAIE VIOLENCE INDIENNE (suite)
Dans un récent post, je vous faisais part de ma surprise sur les commentaires généralement entendus en Occident sur l'Inde et sa "fabuleuse croissance" et dans lesquels sont très souvent oubliés le côté très inégal de cette croissance, celle-ci ne profitant en réalité qu'à une extrême minorité.
Une réalité souvent occultée et pourtant facilement constatable dans toutes les plus grandes villes indiennes notamment avec la multiplication des enclaves pour nouveaux riches, soit sous forme de vastes projets immobiliers directement inspirés des gated cities américaines (photos ci-dessus), soit sous forme de ZEC, ces fameuses zones économiques spéciales qui se multiplient notamment dans le nord du pays et qui vont aboutir à un véritable urbanisme à deux vitesses tant sur le plan économique que politique.
L'excellent magazine Tehelka vient de consacrer à cette croissance urbaine un très bon papier signé Manshi Asher. Je vous en soumet deux extraits traduits par les bons soins du toujours aussi incontournable Courrier International.
(...) "Le plus grave dans cette affaire réside dans le fait que les ZES ne sont pas les simples centres industriels que l’on nous dépeint. Près de la moitié de chaque terrain pourrait être réservée à d’autres activités commerciales comme le logement ou le divertissement. Ces projets pourraient devenir des quartiers fermés, directement gérés par les promoteurs privés. Toutes les décisions concernant le travail, l’environnement et l’aménagement seraient prises par un commissaire au développement. La loi sur les ZES, adoptée en 2005, stipule que ces enclaves sont considérées comme des “villes industrielles” et, à ce titre, indépendantes des pouvoirs municipaux ou de toute autorité autonome locale. Un autre problème concerne la planification. S’appuyant sur l’exemple de la région de Delhi, où 18 projets de ZES sont envisagés, M. Sivaramakrisnan, directeur du Centre for Policy Research [un think tank influent de la capitale indienne], explique que les organes de planification existant n’ont pas été consultés pour décider de l’implantation de ces zones. “Les promoteurs n’ont qu’à mettre le doigt sur une carte pour que le gouvernement fasse évacuer la zone, sans la moindre considération pour les habitants, les usagers et l’activité locale”, déplore Narender Parmar, agriculteur et chef d’un mouvement de protestation dans l’Etat de l’Himachal Pradesh, dans le nord du pays. Ce qui nous ramène au cœur du problème : la loi sur les ZES ne dit curieusement rien sur les questions essentielles comme l’utilisation initiale des terres ou les détails concernant les transferts de propriété aux promoteurs." (...)
(...) "Les ZES ne sont pas le seul sujet à controverse dans la société indienne. En concentrant toute une série de principes capitalistes, elles ont suscité un débat plus large sur l’accumulation de capital par certains grâce à la dépossession des autres. Il est révélateur de voir que l’ensemble des médias – en général plus intéressés par les histoires de Bollywood et les comptes rendus des matchs de cricket – a pris le temps de rapporter le mécontentement croissant des citoyens. Ce problème a malheureusement été réduit à un simple contentieux entre industriels et agriculteurs. Il suffit pourtant de s’intéresser au problème de fond pour comprendre dans quel bourbier politique nous a plongés la folie des ZES."
On est loin de la béatitude exprimée par Thomas Friedman dans son fameux World is flat consacré, en grande partie, au développement hight-tech de l'Inde.
Sur ce sujet voir, aussi, "Et si les villes privées et fortifiées devenaient une banalité ?"
PS / Côté roman, pour avoir un vrai portrait de l'Inde, il faut lire absolument The White Tiger (Le tigre blanc) d'Aravind Adiga. On est loin des belles images et on découvre la réalité de ce pays, à savoir la corruption généralisée, le développement économique au profit exclusif d'une minorité et la violence envers les plus pauvres.