"Le nomade se distribue dans un espace lisse, il occupe, il habite, il tient cet espace, et c'est là son principe territorial. Aussi est-il faux de définir le nomade par le mouvement.
Toynbee a profondément raison de suggérer que le nomade est plutôt celui qui ne bouge pas.
Alors que le migrant quitte un milieu devenu amorphe ou ingrat, le nomade est celui qui ne part pas, ne veut pas partir, s'accroche à cet espace lisse où la forêt recule, où la steppe ou le désert croissent, et invente le nomadisme comme réponse à ce défi.
Bien sûr, le nomade bouge, mais il est assis, il n'est jamais autant assis que quand il bouge.
Le nomade sait attendre, et a une patience infinie.
Immobilité et vitesse, catatonie et précipitation, « processus stationnaire », la station comme processus, ces traits de Kleist sont éminemment ceux du nomade."
Deleuze-Guattari, "Mille plateaux" - éd. Minuit - 1980
On en reparle le 23 janvier prochain lors de l'Atelier Transit-City organisé autour de la question "Et si nous n'avions pas les bons mots pour penser les mutations urbaines à venir ?"