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Thursday, December 10, 2009
ÉMEUTES - ÉLÉMENTS DE RÉFLEXIONS 02
Dans le cadre des Ateliers Transit-City, il y a toujours une période que je trouve passionnante qui est celle de la préparation des Cahiers qui oblige à aller chercher des infos là ou habituellement les autres ne vont pas forcément.
En prévision de notre prochaine réunion sur le thème "Et si nous entrions dans une nouvelle époque d'émeutes urbaines ?", je me suis ainsi penché sur ce qu'avait pu produire un certaine pop-culture sur ce thème.
Il y eut certains succès, comme le fameux "The French Democracy" qui a fait le tour du monde, mais aussi un certain nombre de projets destinés à ne jamais aboutir car trop ambitieux par rapport aux moyens, comme le "Paris Riots - Le jeu officiel des émeutes de Paris".
Le seul jeu sorti sur ce sujet vient des Etats-Unis, Urban Chaos traditionnel first-person shooter côté flic et qui, il faut bien le dire, est une sombre merde qui ne brille ni par son graphisme ni par l'approche du sujet. Les émeutiers qui ont tous la tête de Jason Voorhees avec leur masque de hockey sur glace sont assimilés à des terroristes et votre mission est de "defeat them by whatever means necessary in order to win his city back, capturing gang leaders and rescuing injured civilians along the way".
Le problème est que si cette façon policière de voir les choses est totalement stupide et caricaturale, elle se retrouve dans pas mal de productions grand public et notamment dans celle de l'inénarable Luc Besson qui sous ses allures de "rebel ami des jeunes et de la banlieue" se met toujours du côté des forces de l'ordre et du pouvoir.
Le summum de cette démarche est atteinte notamment par ces deux films Banlieue 13 et sa suite, B13-U, dont je vous ai déjà parlé récemment là, mais qui méritent qu'on y revienne.
Le contexte de B13-U est assez simple. On est en 2013 et certains quartiers de la banlieue parisienne entourés de haut mur sont tombés sous la coupe de gangs qui se sont partagés le territoire. L'idée n'est pas inintéressante et reprend celle développée par John Carpenter dans ses deux opus Escape from New York et Escape from L.A., ou dans un jeu comme Mad World, d'une ville volontairement abandonnée à des délinquants par les pouvoirs publics.
Cette idée est d'autant plus intéressante qu'elle prend aujourd'hui une vraie résonance politique avec la multiplication des murs urbains (voir à Rio de Jameiro, là). La dénonciation d'un hyper-apartheid urbain aboutissant à l'effet inverse de celui recherché - il est rare qu'une population stigmatisée ne se révolte pas à un moment ou à un autre - aurait pu être l'axe de B13-U. Malheureusement ce ne fut pas le cas. Et c'est d'autant plus dommage que le récent District 9 a montré avec brio qu'on pouvait faire un excellent film d'actions sur ce sujet de la ségrégation.
L'autre problème est que pour soutenir son film, et à l'image du jeu GTA 4 et de ses dérivés sur les univers urbains un peu interlopes - voir là, la production Besson a monté un site destiné à illustrer cette partition du territoire via une carte.
Et cette carte interactive est probablement le summum de tous les clichés vus et entendus sur les banlieues. Les noirs, les arabes, les néo-nazis, les asiatiques qui contrôlent chacun une zone et le trafic qui y lié, sont présentés d'une façon tellement grotesque qu'on se dit dans un premier temps que cela ne peut être que du second degrés. Mais non, c'est juste du Besson qui se veut dénonciateur et qui ne fait que reproduire la pire imagerie raciste développé par certains. (cliquer sur les photos ci-dessous pour lire la façon dont est présenté chaque groupe ethnique.)
Et je vous épargne toute l'histoire du film, celle-ci se résumant à deux gentils flics qui viennent protéger ces populations contre un pouvoir forcément mauvais, le président de la république joué par Philippe Torreton envisageant d'envoyer plusieurs missiles sur ces ghettos pour lutter contre la guerre des gangs !!!! C'est affligeant et terrifiant de connerie, surtout quand on connaît la réalité et plus particulièrement l'attitude de nombreux policiers et leurs contrôles au faciès !!!
Et là je comprends que, lors d'un récent tournage, les équipes de Besson se soient faites caillasser par une partie des jeunes présents - voir là. Et je comprends mieux son attachement aux Minimoys, c'est moins dangereux et un peu plus son univers.
Voilà c'était un post un peu énervé, mais parfois cela fait du bien surtout quand on connaît la réalité de ces quartiers - voir là.
Et sur ce sujet, vous pouvez aussi lire un petit bouquin qui vient juste de sortir et qui est pas mal du tout : Murs de Wendy Brown publié aux Prairies ordinaires