C’est une évidence aujourd’hui : on continue à appeler forêt des territoires qui ne sont plus des forêts, juste des plantations d’arbres alignés ayant vocation à être débitées au bout de trente ou trente cinq ans.
C’est ce que montre admirablement le documentaire "Le Temps des forêts".
Avec les nouvelles logiques industrielles de la filière bois organisées autour de plantations totalement artificielles, les bucherons ont depuis une vingtaine d'années laissé place à de nouvelles machines monstrueuses qui rase tout et massacre réellement tout sur leur passage.
C’est ce que décrit très bien l’excellent livre de Gaspard d'Allens,"Mains basse sur nos forêts", en s’intéressant notamment à la phase d’abattage des arbre.
(...) « Qui dit plantation dit coupe rase, c’est le prolongement logique de ces monocultures où tous les arbres ont le même âge. On n’a plus besoin de trier, on fauche. » Dans les forêts, de lourds engins à chenilles comme des tanks sont apparus, des abatteuses-groupeuses, des débardeurs à grappin, des ébrancheuses à flèche.
Leurs noms ? « HR46x », « Ponsse Scorpion King », « 16 Ergo » ou « Hs10 cobra ».
En moins d’une minute, ces abatteuses, monstres hybrides, mi-tractopelles mi-moissonneuses, peuvent arracher un résineux. Entre ses mâchoires métalliques, l’arbre semble être un simple cure-dent.
L’abatteuse saisit le tronc, le scie à la base avec une lame intégrée puis le fait glisser le long de ses deux rouleaux. Sans le laisser toucher le sol, elle l’épluche de ses branches et de ses aiguilles avant de le billonner en morceau et de l’entasser. Une efficacité redoutable.
Une violence aussi. « Ce sont les logiques de l’industrie minière, une forme d’extractivisme qui méprise le vivant.” (...)
(...) "Une abatteuse coupe, billonne et empile entre 250 et 300 m³ par jour. Elle remplace jusqu’à dix bûcherons manuels. Ces machines ont pris le dessus au début des années 2000 après la tempête Martin de décembre 1999" (...) - là.
Voir la vidéo promotionnelle de l'abatteuse de John Deer, là.
"Ces machines, qui ressemblaient, il y a trente ans, à des tas de ferraille difficilement manœuvrables, sont maintenant à la pointe de la technologie avec des GPS intégrés, des ordinateurs, des joysticks et des bras articulés téléguidés." - là.
"Dans les lycées professionnels, les formations évoluent. Elles proposent de devenir chauffeur d’abatteuse. « Guider un tel engin tout terrain est un vrai privilège », vantent les plaquettes de présentation, « c’est avoir le pouvoir de déplacer des géants ».
Au salon de l’Agriculture à Paris, les concessionnaires ont une place de choix. Ils possèdent l’un des rares stands de la filière bois.
Sur des PlayStation mises à la disposition du public, on voit des dizaines de jeunes s’activer sur les manettes en quête d’un sentiment de puissance. Sur l’écran, les arbres succombent aux assauts numériques des machines." - là.
On y retrouve la même logique que celle qui règne depuis deux décennies dans l'agriculture. A savoir l'utilisation du jeu vidéo pour mieux préparer les futurs agriculteurs à une production totalement industrialisée et connectée - voir sur ce sujet : "C'est quoi l'agriculture aujourd'hui ?"
La bonne nouvelle pourrait être qu'émergent aujourd'hui des alternatives beaucoup plus light et soutenables notamment autour du cheval - voir "Et si le cheval redevenait utilitaire ?" Mais évidement ce mouvement est actuellement très très marginale.
On reviendra beaucoup plus longuement sur cette évolution de l'exploitation forestière, là.