Ces plans sont quelques-uns des très nombreuses projets imaginés par Etienne-Louis Boullée mais - faut-il le préciser ? - jamais réalisés. Je les ai récupéré sur l'excellent site de la BNF consacré à cet architecte. Allez-y, c'est un pur moment de bonheur et d'intelligence.
Alors pourquoi je vous parle de Boullée aujourd'hui ? Pour une raison toute simple. C'est que l'autre nuit dans l'avion j'ai revu l'étonnant The Belly of an Architect écrit et réalisé par Peter Greenaway.
Le film raconte la passion et les souffrances physiques et morales d'un architecte américain, admirablement interprété par Brian Dennehy, chargé de monter à Rome une exposition sur Boullée.
Honnêtement le film, sorti en 1987, a plutôt mal vieilli et se révèle, avec vingt ans de recul, plutôt creux. Reste la beauté des images et des plans (cinématographiques, ceux là) de Rome, mais aussi l'admirable bande son réalisée par Wim Mertens, le génial Phil Glass belge. (Voir une vidéo qui rend bien l'ambiance du film, là)
Tout cela m'a donné envie de me replonger dans le travail d'Etienne-Louis Boullée, et de vous faire partager cette redécouverte. Voilà qui est fait.
Architecture, Mobilité, Nomadisme, Urbanisme, Nouveaux Imaginaires urbains, Nouvelles Fictions, Prospective, Nouveaux imaginaires du corps, Nouveaux imaginaires du sport
Sunday, May 31, 2009
Thursday, May 28, 2009
DETROIT : THE NEXT GARDEN CITY ?
L'illustration et les deux plans ci dessus ont été réalisés par Ebenezer Howard qui fut l'instigateur du mouvement des garden city apparu en Angleterre à la fin du XIX° siècle.
Cette démarche urbaine qui voulait associer les avantages de la villes et de la campagne, pourrait se résumer ainsi
"La cité-jardin de Howard est définie par les principaux points suivants :
- une maîtrise publique du foncier (ce dernier appartient à la municipalité afin d'éviter la spéculation financière sur la terre.)
- la présence d'une ceinture agricole autour de la ville (pour l'alimenter en denrées).
- une densité relativement faible du bâti (environ 30 logements à l'hectare, bien que ce point ne soit jamais mentionné, mais seulement déduit).
- la présence d'équipements publics situés au centre de la ville (parcs, galeries de commerces, lieux culturels)
- la maîtrise des actions des entrepreneurs économiques sur l'espace urbain : Howard est un partisan de la liberté d'entreprendre tant que l'activité ne nuit pas à l'intérêt collectif. La présence ou non d'une entreprise dans la ville est validée ou refusée par les habitants via la municipalité.
À terme, la cité-jardin ne devait pas rester un élément solitaire, mais devait faire partie d'un réseau plus large constitué de cités-jardins identiques de 30 000 habitants sur 2400 hectares, elles-mêmes situées autour d'une cité-jardin plus grande d'environ 58 000 habitants. L'ensemble étant relié par un réseau ferré dense." (source là)
Et bien, c'est cette philosophie, que beaucoup d'urbanistes avaient enterré depuis plusieurs décénnies, qui semble, aujourd'hui, réapparaître du côté de Detroit. En effet, celle qui fut longtemps surnommée Motor City, doit faire face à tel un déclin urbain encore un peu plus accentué par la crise de l'industrie automobile (voir là et là), qu'elle est obligée de repenser entièrement son futur. Le NYTimes lui consacrait, en novembre dernier, un long papier titré "The future if Detroit falls".
Il y a quelques jours, c'est le Detroit Free Press qui interpellait ses lecteurs avec un provocateur Urban villages in Detroit's future ?. L'article débutait ainsi : "In a new vision of Detroit's future, a team of visiting urban planners suggests the city might one day resemble the English countryside, with distinct urban villages surrounded by farms, fields and meadows. The idea may sound improbable, but Alan Mallach, a New Jersey-based planner who led the visiting team, said Detroit is evolving in that direction anyway, with large chunks of the city now largely abandoned."
Et le journal de présenter la carte ci-dessous réalisée par The Detroit Sustainable Design Assessment Team très directement inspirée par Ebenezer Howard. (cliquer sur la carte pour l'aggrandir)
Alors sérieux ou pas sérieux ? Qu'importe ! Ce qu'il faut surtout retenir, c'est que la crise actuelle oblige juste à repenser entièrement l'urbanisme du XX° siècle, et que, dans ce cadre, les Etats-Unis ne sont pas forcément - en tout cas sur le plan des idées et des images - les plus en retard. (Voir notamment là)
Cette démarche urbaine qui voulait associer les avantages de la villes et de la campagne, pourrait se résumer ainsi
"La cité-jardin de Howard est définie par les principaux points suivants :
- une maîtrise publique du foncier (ce dernier appartient à la municipalité afin d'éviter la spéculation financière sur la terre.)
- la présence d'une ceinture agricole autour de la ville (pour l'alimenter en denrées).
- une densité relativement faible du bâti (environ 30 logements à l'hectare, bien que ce point ne soit jamais mentionné, mais seulement déduit).
- la présence d'équipements publics situés au centre de la ville (parcs, galeries de commerces, lieux culturels)
- la maîtrise des actions des entrepreneurs économiques sur l'espace urbain : Howard est un partisan de la liberté d'entreprendre tant que l'activité ne nuit pas à l'intérêt collectif. La présence ou non d'une entreprise dans la ville est validée ou refusée par les habitants via la municipalité.
À terme, la cité-jardin ne devait pas rester un élément solitaire, mais devait faire partie d'un réseau plus large constitué de cités-jardins identiques de 30 000 habitants sur 2400 hectares, elles-mêmes situées autour d'une cité-jardin plus grande d'environ 58 000 habitants. L'ensemble étant relié par un réseau ferré dense." (source là)
Et bien, c'est cette philosophie, que beaucoup d'urbanistes avaient enterré depuis plusieurs décénnies, qui semble, aujourd'hui, réapparaître du côté de Detroit. En effet, celle qui fut longtemps surnommée Motor City, doit faire face à tel un déclin urbain encore un peu plus accentué par la crise de l'industrie automobile (voir là et là), qu'elle est obligée de repenser entièrement son futur. Le NYTimes lui consacrait, en novembre dernier, un long papier titré "The future if Detroit falls".
Il y a quelques jours, c'est le Detroit Free Press qui interpellait ses lecteurs avec un provocateur Urban villages in Detroit's future ?. L'article débutait ainsi : "In a new vision of Detroit's future, a team of visiting urban planners suggests the city might one day resemble the English countryside, with distinct urban villages surrounded by farms, fields and meadows. The idea may sound improbable, but Alan Mallach, a New Jersey-based planner who led the visiting team, said Detroit is evolving in that direction anyway, with large chunks of the city now largely abandoned."
Et le journal de présenter la carte ci-dessous réalisée par The Detroit Sustainable Design Assessment Team très directement inspirée par Ebenezer Howard. (cliquer sur la carte pour l'aggrandir)
Alors sérieux ou pas sérieux ? Qu'importe ! Ce qu'il faut surtout retenir, c'est que la crise actuelle oblige juste à repenser entièrement l'urbanisme du XX° siècle, et que, dans ce cadre, les Etats-Unis ne sont pas forcément - en tout cas sur le plan des idées et des images - les plus en retard. (Voir notamment là)
Tuesday, May 26, 2009
LONDON, THE NEXT BIGEST FARM IN THE WORLD ?
Et si arriver à Londres en avion en 2050, ça ressemblait à cela ?
C'est en tout cas, l'une des hypothèses de travail faite dans le cadre de la très stimulante exposition London Yields: Urban Agriculture organisée au Building Center.
L'idée de base de l'expo est toute simple : "Britain needs to seriously invest in agriculture infrastructure if we are to avoid food crisis. This exhibition demonstrates how food production can be incorporated into the urban environment at both an industrial and domestic level."
De façon plus précise l'enjeu est expliqué comme suit "Cities are the most likely to feel the effects of any food shortages. In 2000 consultants Best Foot Forward estimated that Londoners consumed 6.9 million tonnes of food per year, of which 81% came from outside the UK. With a weakening pound importing food has become increasingly expensive. The transformation of cities from consumers of food to generators of agricultural products not only increases food security but contributes to sustainability, improved health and poverty alleviation."
Dans ce cadre, l'exposition présente différentes évolutions possibles de cette agriculture urbaine dans la métropole londonienne.
L'une des idées les plus intéressante est celle développée par Ian Douglas-Jones avec son projet Towards New Capital. L'une des plus intéressante à la fois par le contexte politique de départ et par les réponses imaginées.- Le contexte le voilà :
"The old banks are fucked, the old capitalism has collapsed, the climate is in a mess, there are no jobs, there is no pay, the certainties of community is a big fraud, thirty years of market driven morality is revealed as a mirage"- Le constat sur la situation actuelle le voilà :
" 81% of the food we consume is imported. 1/3 of all the food we buy is thrown away. Londons sustaining footprint is 125 times its physical footprint.We are not substainible
Utopia does not exist
This is not a masterplan"
Cela a au moins le mérite de la clarté et pourrait s'appliquer à toutes les grandes métropoles mondiales.- L'ambition est celle là :
"We need to respond to this current era of economic, social and climatic uncertainty. Notions of production and consumption must be realigned. Investment must shift, new capital must be sought.
To gauge this realignment, a new meridian scribes the earth, a new point of reference, at 51°29'43.23"N ,0° 0'59.93"W, the new line of measurement is not of time, but of quality and essence, of wealth of community and sustainability.
T.N.C. reacts to bolster our confidence in the future. At once blatant and stealthy, a tactic is deployed city wide, appropriating now defunct acres of retail space, and the cities untapped resource of it rooftops, for food production and distribution. In essence a branding strategy for re-localization of or most basic production requirement: food.
At a community scale, the city as villages concept is rekindled with a new exemplary village: The Isle of Dogs is appropriated, and encircled by a green ring of land reclaimed from the Thames, A grand gesture that enables the provision of food and energy for the new exemplary community within, at its heart; the embodiment of social and environmental capital. A renewed sense of civitas is manifest in new enviro-social forum. At once global and local, it is the new bench mark for progress, in a direction towards new capital."
A noter qu'à lui tout seul, ce jeune architecte anglais pose les questions qu'aucune des dix équipes consultées dans le cadre du Grand Paris n'a osé poser, et montre la platitude des réponses apportées et surtout l'incapacité des soit-disants grands architectes d'avoir une vraie vision prospective.- La réponse imaginée la voilà :
"Project to 2070, imports of food dried up forty years ago, our self reliance has nessecitated the development of uber dense enclaves of selfsubsistance, and self sustinace, each enclave provides the optimum population density with the exact ammount of energy and food.
How can we ensure our future without subjugating our culture and our quality of life?
Enclaves reach critical mass of populous to ensure a rich and vibrant urban life, the convivial city epitomised, experienced through its connected plazas, parks and squares, the roofscape provides for food and energy, whilt serving as a playgrounbd for the time rich live/workers.
At what cost? all the desires wants and needs are provided for, resisdence in the enclaves are highly coveted, a new super gated community, played out in full, the ruinous city left behind serves only as a reminder to the failed unsustained urbanism of the 20th century....
An exodus for the 21st century ? "- Les illustrations de cette ambition vous les trouverez ci-dessous. Les planches ci-dessous expliquent comment arriver au projet final (illustré au début de ce post).
Sans doute moins ambitieux sur le plan urbanistique, mais tout aussi stimulant, à noter aussi les propositions de Soonil Kim avec son projet très technique de King's Vineyard London.
Voilà ses explications "Inspired by the urban grains especially the railway network from both St. Pancras and King’s Cross Station around the site, the design is a formal continuation of the topography while reinforcing the colonisation of air space by winery branches. The audacious structure, the winery and the vineyard for red wine grapes are connected by a suspended transport network enabling the use of ground space for a public park. With a capacity to produce 10,000 bottles of red wine annually the project re-articulates private and public space blending productive infrastructure with quality areas to Londoners and tourists."
Alors se dirige-t-on dans les années qui viennent à voir des vaches dans les étages ? Peut-être. Voir sur ce sujet le stimulant Hungry City - How food shape our lives qui revient longuement sur les liens entre alimentation et urbanisme.
Ce qui est certain, en tout cas, c'est que les projets de farm tower ne cessent de se multiplier (voir là, là et un très bon article là).
Sur le sujet des nouvelles formes de l'agriculture en ville, voir aussi là.
C'est en tout cas, l'une des hypothèses de travail faite dans le cadre de la très stimulante exposition London Yields: Urban Agriculture organisée au Building Center.
L'idée de base de l'expo est toute simple : "Britain needs to seriously invest in agriculture infrastructure if we are to avoid food crisis. This exhibition demonstrates how food production can be incorporated into the urban environment at both an industrial and domestic level."
De façon plus précise l'enjeu est expliqué comme suit "Cities are the most likely to feel the effects of any food shortages. In 2000 consultants Best Foot Forward estimated that Londoners consumed 6.9 million tonnes of food per year, of which 81% came from outside the UK. With a weakening pound importing food has become increasingly expensive. The transformation of cities from consumers of food to generators of agricultural products not only increases food security but contributes to sustainability, improved health and poverty alleviation."
Dans ce cadre, l'exposition présente différentes évolutions possibles de cette agriculture urbaine dans la métropole londonienne.
L'une des idées les plus intéressante est celle développée par Ian Douglas-Jones avec son projet Towards New Capital. L'une des plus intéressante à la fois par le contexte politique de départ et par les réponses imaginées.- Le contexte le voilà :
"The old banks are fucked, the old capitalism has collapsed, the climate is in a mess, there are no jobs, there is no pay, the certainties of community is a big fraud, thirty years of market driven morality is revealed as a mirage"- Le constat sur la situation actuelle le voilà :
" 81% of the food we consume is imported. 1/3 of all the food we buy is thrown away. Londons sustaining footprint is 125 times its physical footprint.We are not substainible
Utopia does not exist
This is not a masterplan"
Cela a au moins le mérite de la clarté et pourrait s'appliquer à toutes les grandes métropoles mondiales.- L'ambition est celle là :
"We need to respond to this current era of economic, social and climatic uncertainty. Notions of production and consumption must be realigned. Investment must shift, new capital must be sought.
To gauge this realignment, a new meridian scribes the earth, a new point of reference, at 51°29'43.23"N ,0° 0'59.93"W, the new line of measurement is not of time, but of quality and essence, of wealth of community and sustainability.
T.N.C. reacts to bolster our confidence in the future. At once blatant and stealthy, a tactic is deployed city wide, appropriating now defunct acres of retail space, and the cities untapped resource of it rooftops, for food production and distribution. In essence a branding strategy for re-localization of or most basic production requirement: food.
At a community scale, the city as villages concept is rekindled with a new exemplary village: The Isle of Dogs is appropriated, and encircled by a green ring of land reclaimed from the Thames, A grand gesture that enables the provision of food and energy for the new exemplary community within, at its heart; the embodiment of social and environmental capital. A renewed sense of civitas is manifest in new enviro-social forum. At once global and local, it is the new bench mark for progress, in a direction towards new capital."
A noter qu'à lui tout seul, ce jeune architecte anglais pose les questions qu'aucune des dix équipes consultées dans le cadre du Grand Paris n'a osé poser, et montre la platitude des réponses apportées et surtout l'incapacité des soit-disants grands architectes d'avoir une vraie vision prospective.- La réponse imaginée la voilà :
"Project to 2070, imports of food dried up forty years ago, our self reliance has nessecitated the development of uber dense enclaves of selfsubsistance, and self sustinace, each enclave provides the optimum population density with the exact ammount of energy and food.
How can we ensure our future without subjugating our culture and our quality of life?
Enclaves reach critical mass of populous to ensure a rich and vibrant urban life, the convivial city epitomised, experienced through its connected plazas, parks and squares, the roofscape provides for food and energy, whilt serving as a playgrounbd for the time rich live/workers.
At what cost? all the desires wants and needs are provided for, resisdence in the enclaves are highly coveted, a new super gated community, played out in full, the ruinous city left behind serves only as a reminder to the failed unsustained urbanism of the 20th century....
An exodus for the 21st century ? "- Les illustrations de cette ambition vous les trouverez ci-dessous. Les planches ci-dessous expliquent comment arriver au projet final (illustré au début de ce post).
Sans doute moins ambitieux sur le plan urbanistique, mais tout aussi stimulant, à noter aussi les propositions de Soonil Kim avec son projet très technique de King's Vineyard London.
Voilà ses explications "Inspired by the urban grains especially the railway network from both St. Pancras and King’s Cross Station around the site, the design is a formal continuation of the topography while reinforcing the colonisation of air space by winery branches. The audacious structure, the winery and the vineyard for red wine grapes are connected by a suspended transport network enabling the use of ground space for a public park. With a capacity to produce 10,000 bottles of red wine annually the project re-articulates private and public space blending productive infrastructure with quality areas to Londoners and tourists."
Alors se dirige-t-on dans les années qui viennent à voir des vaches dans les étages ? Peut-être. Voir sur ce sujet le stimulant Hungry City - How food shape our lives qui revient longuement sur les liens entre alimentation et urbanisme.
Ce qui est certain, en tout cas, c'est que les projets de farm tower ne cessent de se multiplier (voir là, là et un très bon article là).
Sur le sujet des nouvelles formes de l'agriculture en ville, voir aussi là.
Monday, May 25, 2009
DESTROY THE TOWER
L'image ci-dessus est celle de l'exposition "L'Invention de la tour européenne" qui a ouvert la semaine dernière au Pavillon de l'Arsenal. Superbe dossier sur le sujet à télécharger là
Je ne vais pas vous parler de l'expo (je l'ai pas encore vu), mais de cette affiche qui mélange les genre et les époques et qui m'a immédiatement fait penser à ces planches destinées à décrire les ambiances des films ou des jeux vidéo. Je me suis dit "Chouette, le Pavillon prend enfin l'archi comme j'en ai envie. Pas comme une histoire technique, mais comme une fiction, comme un vaste terrain de jeu."
Et j'ai immédiatement eu envie d'imaginer une affiche plus trash, plus sombre, plus prospective, avec des vaisseaux et des dirigeables passant entre les tours. En gros, un peu comme l'image ci-dessous réalisée par Pavel Elagin.
Et puis, au fil de mes rêveries, je me suis dit qu'en fin de compte l'expo que je rêverais de voir sur les tours du futur, c'est quand celles-ci seront détruites, quand elles seront en ruines.
J'en ai marre de toutes ces belles tours blanche, de toutes ces tours en verres, de toutes ces tours avec des jardins à tous les étages.
J'ai envie qu'on me parle du futur autrement.
J'ai envie qu'on me parle du Grand Paris pas comme un avenir désirable, mais comme un truc sombre, violent, mal fréquenté.
J'ai envie qu'on me parle de la ville et de la vie telle qu'elle pourrait être après 20 ans de crise, avec un pétrole réservé aux riches et une ségrégation sociale et raciale digne de l'Inde actuelle.
Bref j'ai envie d'un vrai truc qui me force à penser autrement avec des scénarios urbains qui sortent de l'ordinaire, et pas à cette espèce de robinet d'eau tiède et bien pensant que fut la consultation sur le Grand Paris.
J'ai envie de voir une expo sur Paris en temps de guerre en 2045.
J'ai envie de voir une expo sur Paris entouré de murailles face aux barbares de la banlieue.
J'ai envie de voir une expo sur un Paris ultra pollué, ultra violent, ultra inégalitaire.
J'ai envie de fictions noires qui réveillent, qui secouent et qui obligent à sortir de la torpeur et du ronron ambiant.
Alors voilà, je vous ai mis des images de villes détruites, prises là.
Pourquoi tant de haine, me direz vous ? Parce que quand j'étais gamin (12 ou 13 ans, je ne me souviens plus), j'ai vu à Beaubourg une expo extraordinaire d'Anne et Patrick Poirier composée de vastes maquettes de villes en ruine, réalisées en charbon fossilisé et charbon de bois. L'oeuvre - si je ne me trompe pas - s'appelait "Domus Aurea - construction IV"
Et ce fut un vrai choc.
Et moi aujourd'hui, j'ai envie de retrouver ce choc, cette émotion.
J'ai envie de sortir d'une expo d'urbanisme ou d'archi bouleversé.
J'ai envie de retrouver l'émotion et le ressort intellectuel que m'ont donné les Poirier et leurs oeuvres quand j'étais adolescent.
Car, en y réfléchissant bien, c'est en grande partie l'émotion ressentie à ce moment qui m'a donné envie de faire ce que je fais aujourd'hui, c'est à dire réfléchir à la ville un peu autrement, et surtout pas comme un architecte ou un spécialiste de quoi que ce soit. Je ne suis qu'un amateur, et le resterai toujours, pour garder - je l'espère - cette fraîcheur qui donne juste envie de faire un peu bouger les choses.
"Cette installation monumentale, inspirée d'une visite à la Maison Dorée à Rome, ancien palais de l'Empereur incendiaire Néron, n'est pas une reproduction précise du lieu réel mais permet d'explorer sur le mode imaginaire et sensible ce que ruines et vestiges évoquent.
Aujourd'hui, les œuvres de ce couple d'artistes s'inspirent de faits qui pointent le fragile équilibre du monde dans lequel nous vivons. Ils reconstituent les traces à la manière d'un miroir déformant, pour nous tenir en éveil et ne pas oublier la violence de l'Histoire.
Leurs réalisations depuis plus de trente ans résultent d'un constat de l'Ephémère, de la fragilité de nos existences. Que reste t'il quand tout est détruit ?" (source là)
Sur ce sujet voir, entre autres, là et là.
Je ne vais pas vous parler de l'expo (je l'ai pas encore vu), mais de cette affiche qui mélange les genre et les époques et qui m'a immédiatement fait penser à ces planches destinées à décrire les ambiances des films ou des jeux vidéo. Je me suis dit "Chouette, le Pavillon prend enfin l'archi comme j'en ai envie. Pas comme une histoire technique, mais comme une fiction, comme un vaste terrain de jeu."
Et j'ai immédiatement eu envie d'imaginer une affiche plus trash, plus sombre, plus prospective, avec des vaisseaux et des dirigeables passant entre les tours. En gros, un peu comme l'image ci-dessous réalisée par Pavel Elagin.
Et puis, au fil de mes rêveries, je me suis dit qu'en fin de compte l'expo que je rêverais de voir sur les tours du futur, c'est quand celles-ci seront détruites, quand elles seront en ruines.
J'en ai marre de toutes ces belles tours blanche, de toutes ces tours en verres, de toutes ces tours avec des jardins à tous les étages.
J'ai envie qu'on me parle du futur autrement.
J'ai envie qu'on me parle du Grand Paris pas comme un avenir désirable, mais comme un truc sombre, violent, mal fréquenté.
J'ai envie qu'on me parle de la ville et de la vie telle qu'elle pourrait être après 20 ans de crise, avec un pétrole réservé aux riches et une ségrégation sociale et raciale digne de l'Inde actuelle.
Bref j'ai envie d'un vrai truc qui me force à penser autrement avec des scénarios urbains qui sortent de l'ordinaire, et pas à cette espèce de robinet d'eau tiède et bien pensant que fut la consultation sur le Grand Paris.
J'ai envie de voir une expo sur Paris en temps de guerre en 2045.
J'ai envie de voir une expo sur Paris entouré de murailles face aux barbares de la banlieue.
J'ai envie de voir une expo sur un Paris ultra pollué, ultra violent, ultra inégalitaire.
J'ai envie de fictions noires qui réveillent, qui secouent et qui obligent à sortir de la torpeur et du ronron ambiant.
Alors voilà, je vous ai mis des images de villes détruites, prises là.
Pourquoi tant de haine, me direz vous ? Parce que quand j'étais gamin (12 ou 13 ans, je ne me souviens plus), j'ai vu à Beaubourg une expo extraordinaire d'Anne et Patrick Poirier composée de vastes maquettes de villes en ruine, réalisées en charbon fossilisé et charbon de bois. L'oeuvre - si je ne me trompe pas - s'appelait "Domus Aurea - construction IV"
Et ce fut un vrai choc.
Et moi aujourd'hui, j'ai envie de retrouver ce choc, cette émotion.
J'ai envie de sortir d'une expo d'urbanisme ou d'archi bouleversé.
J'ai envie de retrouver l'émotion et le ressort intellectuel que m'ont donné les Poirier et leurs oeuvres quand j'étais adolescent.
Car, en y réfléchissant bien, c'est en grande partie l'émotion ressentie à ce moment qui m'a donné envie de faire ce que je fais aujourd'hui, c'est à dire réfléchir à la ville un peu autrement, et surtout pas comme un architecte ou un spécialiste de quoi que ce soit. Je ne suis qu'un amateur, et le resterai toujours, pour garder - je l'espère - cette fraîcheur qui donne juste envie de faire un peu bouger les choses.
"Cette installation monumentale, inspirée d'une visite à la Maison Dorée à Rome, ancien palais de l'Empereur incendiaire Néron, n'est pas une reproduction précise du lieu réel mais permet d'explorer sur le mode imaginaire et sensible ce que ruines et vestiges évoquent.
Aujourd'hui, les œuvres de ce couple d'artistes s'inspirent de faits qui pointent le fragile équilibre du monde dans lequel nous vivons. Ils reconstituent les traces à la manière d'un miroir déformant, pour nous tenir en éveil et ne pas oublier la violence de l'Histoire.
Leurs réalisations depuis plus de trente ans résultent d'un constat de l'Ephémère, de la fragilité de nos existences. Que reste t'il quand tout est détruit ?" (source là)
Sur ce sujet voir, entre autres, là et là.
Tuesday, May 19, 2009
NEW FLOATING CITIES
Oui, je vous le concède très volontiers, les images ci-dessus sont laides, très laides même.
On dirait des illustrations de plaquettes de programmes immobiliers ou de centres commerciaux. Tout cela est aseptisé et sans aucun goût. Mais c'est fait pour !!! Ces illustrations sont, en effet, censées plaire à tout le monde et, surtout, destinées à rassurer le plus grand nombre de gens ... et notamment ceux qui craindraient de s'ennuyer sur un paquebot !!
Car vous l'aurez compris, il ne s'agit pas ici de présenter un nouveau coeur de ville piétonnier ou une galerie marchande, mais un paquebot, le Oasis of the Seas. Celui-ci deviendra, lors de son lancement à l'automne prochain, le plus gros navire de croisière jamais mis en service dans le monde.
Les aménagements imaginés par RCI pour son navire correspondent au changement de statut qu'a connu le paquebot lors de ces trois dernières décennies. De moyen de transport, il est devenu un lieu de destination en se transformant peu à peu en un véritable village de vacances mobile.
Cela fait longtemps que les compagnies de croisières ne vendent plus la mer à leurs clients, mais plutôt les activités qu'ils trouveront à bord des navires, et ce à l'image d'un Club Méditerranée qui ne vend pas un pays ou une région, mais ses villages avec leurs animations. Peu importe que cela soit au Sénégal ou en Thaïlande.
Aujourd'hui avec l'Oasis of The Seas, RCI franchit une nouvelle étape. Du village de vacances, le paquebot devient une véritable ville nomade. Tout est fait - et c'est un vrai paradoxe - pour que les passagers oublient qu'ils sont sur un bateau !! Et ce avec des codes très urbains et qui évoquent peu a priori les vacances. Un peu comme si les croisières avaient vocation, dans les années qui viennent, à se rapprocher en terme de positionnement marketing des fameux city breack, ces courtes escapades urbaines qui connaissent un véritable succès depuis plusieurs années.
Mais quand on sait que la signature publicitaire de RCI est "The Nation of why not" (voir l'image supra), on ne s'étonne plus de rien. A tel point qu'on pourrait se demander si demain les paquebots ne ressembleront pas à ce qu'avait présenté l'agence .NL lors de la dernière Biennale d'Architecture de Venise.
On a juste envie de pousser le délire toujours plus loin en imaginant de vrais paquebots grands comme des mégapoles, un peu à l'image de ce que Disraeli a imaginé avec sa BD Leviathan, dans laquelle la ville-paquebot détruit la vraie ville. (planches ci-dessous)
Sur ce sujet des liens entre ville et paquebot, vous pouvez toujours jeter un coup d'oeil, là et là.
Sunday, May 17, 2009
ET SI POUR LES JAPONAIS LA ROUE N'ÉTAIT QU'UNE PARENTHÈSE ?
Tout a commencé il y a une quinzaine de jours à Tokyo en lisant ces lignes : "Pourquoi le Japon a-t-il délaissé l'une des inventions majeures de l'histoire de l'humanité - la roue -, en sorte qu'au milieu du XIX° siècle, l'essentiel des transports s'y faisait encore à bras d'homme ?"
Cette phrase est la première de la préface que Jean-Marie Bouissou, directeur de recherche à Science po, consacre au livre d'Alan Macfarlane "Enigmatique Japon". Ces quelques lignes m'ont fait d'autant plus d'effets que je les ai lues le jour même ou je découvrais le Walking Assist Device de Honda.
Les explications d'Alan MacFarlane sur cette curiosité historique vous les trouverez, en partie, là : Why the Japanese gave up the use of the wheel. Mais dans son livre il est beaucoup plus complet. En substance, il explique qu'en raison de la géographie très escarpée du pays, les paysans japonais ont toujours été obligés de cultiver des terrains très pentus. Des terrains donc par nature peu favorables à l'élevage et à l'entretien d'animaux de traits, mais aussi aux engins à roues. C'est ainsi que les Japonais n'ont jamais adopté la brouette (oui, je sais, mais là on parle pas cul !!! ) alors que celle-ci avait été importée sur l'archipel dès la fin du XIII° siècle par les Chinois.
Et MacFarlane de s'interroger sur la mobilité des hommes et des marchandises dans une civilisation qui refuse la roue : "How then was the immense traffic in goods and people in Japan carried ? Apart from a very limited use of horses, and good water transport, the answer is basically on the human back and shoulders. The main method was by poles and racks."
Et d'observer en tant que bon historien britannique "From this brief account, it can be seen that Japan was at the opposite extreme to Europe, and especially England. Almost all those labour-saving technologies which helped England out of hard physical labour were either not utilized, or hardly employed.
Wind power, water power, animal power - all were little used by the Japanese, although they had known how to use them and were aware of their benefits from at least the seventh century.
It was not a question of information.
Deeper pressures in the social and economic structure led them to rely almost entirely on the muscles of human beings, rather than letting 'nature' take some of the strain."
Mon premier réflexe a été d'aller chercher des images du Japon au début du XIX siècle, notamment auprès des artistes les plus représentatifs des années 1810/1830. C'est ainsi que je me suis replongé dans les Trente-six vues du mont Fuji de Katsushika Hokusai, et dans les Cinquante-trois relais du Tôkaidô réalisés par Andô Hiroshige. (Voir ci-dessous)
Et là l'évidence m'est apparue, sur aucune d'elles on ne voit quelque chose qui ressemble de près ou de loin à une roue. Tout quasiment se fait à dos d'homme et, exceptionnellement, à dos d'animal.
Et cette absence de roue est encore plus perturbante quand vous comparez ces estampes aux gravures faîtes à la même époque en Europe (voir ci-dessous) dans lesquelles on voit, certes, des chaises à porteurs, mais surtout des coches, des carrioles, des turgotines et des diligences.
Devant une telle découverte, j'ai tenté de repenser les récentes innovations japonaises en matière de mobilité autour de cette question toute simple : et si pour les Japonais la roue n'était, en fin de compte, qu'une parenthèse ? Et si pour eux la mobilité de demain passer par le dépassement de la roue ?
Voilà le premier résultat, encore très/trop superficiel, de mes premières réflexions autour de cette question.
Quand l'avenir passe par la marche.
Je ne vais pas revenir plus longuement sur le Walking Assist Device de Honda, ni sur l'influence des mangas dans cette créativité, sujet que j'ai déjà souvent abordé (voir là et là).
Le vrai choc pour moi aujourd'hui est de découvrir que cette histoire a des racines beaucoup plus profondes que je ne l'imaginais. Et c'est qui me fait regarder toute la pop culture japonaise d'une autre façon, non plus comme une rupture relativement récente (avec Astro Boy comme point de départ), mais, au contraire, comme la prolongation d'une histoire plus ancienne fondée sur une défiance vis à vis de la roue et une idéalisation de l'homme marchant avec ou sans prothèse.
Quand l'avenir passe par le vol.
L'autre élément, qui a fait tilt dans mon esprit, est la façon dont les Japonais ne cessent de présenter depuis une dizaine d'années l'avenir du train autour de la sustentation magnétique, c'est à dire autour de la fin de la roue. Un peu comme si celle-ci était un réel frein à l'évolution du train (ou du métro). (voir ci-dessous avec, entre autres, les photos de différents maglev et du Linimo mis en place lors de l'expo d'Aïchi en 2005)
Et c'est en repensant à cette idée de dépassement la roue, que j'ai réalisé qu'une bonne part de la pop culture japonaise actuelle poursuivait depuis plusieurs décennies ce phantasme, notamment avec des séries aussi emblématiques que Galaxy Express 999.
Mais on retrouve aussi cette même idée dans bon nombre de films de Hayao Miyazaki, et notamment On Your Mark, ou la liberté est symbolisée soit par un camion qui vole, soit par un ange qui quitte ... une voiture.
Alors vous allez me dire; "Mais toute la science fiction porte ses idées !!" et "Il y a très peu d'engins à roues dans Star Wars !!" Certes -je vous le concède.
Mais toute la différence entre le Japon et les autres pays, c'est que cette idée de ne plus avoir besoin de la roue a des conséquences très très concrètes dans la façon dont les japonais pensent l'avenir, et que cela semble même irriguer une bonne part de leur pensées sur la mobilité du futur.
Et cela me laisse d'autant moins insensible que - rappelons-le - c'est au Japon que s'invente depuis 50 ans la modernité de la mobilité actuelle.
- Qui a inventé le train rapide ?
- Qui a inventé le walkman ?
- Qui a inventé le téléphone mobile ?
- Qui a lancé en masse la voiture propre ?
Et oui, les Japonais !!! Et devant une telle réalité, difficile de penser à l'avenir de la mobilité sans s'intéresser aux nouveaux imaginaires japonais.
PS : Voir dans cette veine et plus en détail, les projets de Norio Fujikawa, là.
Cette phrase est la première de la préface que Jean-Marie Bouissou, directeur de recherche à Science po, consacre au livre d'Alan Macfarlane "Enigmatique Japon". Ces quelques lignes m'ont fait d'autant plus d'effets que je les ai lues le jour même ou je découvrais le Walking Assist Device de Honda.
Les explications d'Alan MacFarlane sur cette curiosité historique vous les trouverez, en partie, là : Why the Japanese gave up the use of the wheel. Mais dans son livre il est beaucoup plus complet. En substance, il explique qu'en raison de la géographie très escarpée du pays, les paysans japonais ont toujours été obligés de cultiver des terrains très pentus. Des terrains donc par nature peu favorables à l'élevage et à l'entretien d'animaux de traits, mais aussi aux engins à roues. C'est ainsi que les Japonais n'ont jamais adopté la brouette (oui, je sais, mais là on parle pas cul !!! ) alors que celle-ci avait été importée sur l'archipel dès la fin du XIII° siècle par les Chinois.
Et MacFarlane de s'interroger sur la mobilité des hommes et des marchandises dans une civilisation qui refuse la roue : "How then was the immense traffic in goods and people in Japan carried ? Apart from a very limited use of horses, and good water transport, the answer is basically on the human back and shoulders. The main method was by poles and racks."
Et d'observer en tant que bon historien britannique "From this brief account, it can be seen that Japan was at the opposite extreme to Europe, and especially England. Almost all those labour-saving technologies which helped England out of hard physical labour were either not utilized, or hardly employed.
Wind power, water power, animal power - all were little used by the Japanese, although they had known how to use them and were aware of their benefits from at least the seventh century.
It was not a question of information.
Deeper pressures in the social and economic structure led them to rely almost entirely on the muscles of human beings, rather than letting 'nature' take some of the strain."
Mon premier réflexe a été d'aller chercher des images du Japon au début du XIX siècle, notamment auprès des artistes les plus représentatifs des années 1810/1830. C'est ainsi que je me suis replongé dans les Trente-six vues du mont Fuji de Katsushika Hokusai, et dans les Cinquante-trois relais du Tôkaidô réalisés par Andô Hiroshige. (Voir ci-dessous)
Et là l'évidence m'est apparue, sur aucune d'elles on ne voit quelque chose qui ressemble de près ou de loin à une roue. Tout quasiment se fait à dos d'homme et, exceptionnellement, à dos d'animal.
Et cette absence de roue est encore plus perturbante quand vous comparez ces estampes aux gravures faîtes à la même époque en Europe (voir ci-dessous) dans lesquelles on voit, certes, des chaises à porteurs, mais surtout des coches, des carrioles, des turgotines et des diligences.
Devant une telle découverte, j'ai tenté de repenser les récentes innovations japonaises en matière de mobilité autour de cette question toute simple : et si pour les Japonais la roue n'était, en fin de compte, qu'une parenthèse ? Et si pour eux la mobilité de demain passer par le dépassement de la roue ?
Voilà le premier résultat, encore très/trop superficiel, de mes premières réflexions autour de cette question.
Quand l'avenir passe par la marche.
Je ne vais pas revenir plus longuement sur le Walking Assist Device de Honda, ni sur l'influence des mangas dans cette créativité, sujet que j'ai déjà souvent abordé (voir là et là).
Le vrai choc pour moi aujourd'hui est de découvrir que cette histoire a des racines beaucoup plus profondes que je ne l'imaginais. Et c'est qui me fait regarder toute la pop culture japonaise d'une autre façon, non plus comme une rupture relativement récente (avec Astro Boy comme point de départ), mais, au contraire, comme la prolongation d'une histoire plus ancienne fondée sur une défiance vis à vis de la roue et une idéalisation de l'homme marchant avec ou sans prothèse.
Quand l'avenir passe par le vol.
L'autre élément, qui a fait tilt dans mon esprit, est la façon dont les Japonais ne cessent de présenter depuis une dizaine d'années l'avenir du train autour de la sustentation magnétique, c'est à dire autour de la fin de la roue. Un peu comme si celle-ci était un réel frein à l'évolution du train (ou du métro). (voir ci-dessous avec, entre autres, les photos de différents maglev et du Linimo mis en place lors de l'expo d'Aïchi en 2005)
Et c'est en repensant à cette idée de dépassement la roue, que j'ai réalisé qu'une bonne part de la pop culture japonaise actuelle poursuivait depuis plusieurs décennies ce phantasme, notamment avec des séries aussi emblématiques que Galaxy Express 999.
Mais on retrouve aussi cette même idée dans bon nombre de films de Hayao Miyazaki, et notamment On Your Mark, ou la liberté est symbolisée soit par un camion qui vole, soit par un ange qui quitte ... une voiture.
Alors vous allez me dire; "Mais toute la science fiction porte ses idées !!" et "Il y a très peu d'engins à roues dans Star Wars !!" Certes -je vous le concède.
Mais toute la différence entre le Japon et les autres pays, c'est que cette idée de ne plus avoir besoin de la roue a des conséquences très très concrètes dans la façon dont les japonais pensent l'avenir, et que cela semble même irriguer une bonne part de leur pensées sur la mobilité du futur.
Et cela me laisse d'autant moins insensible que - rappelons-le - c'est au Japon que s'invente depuis 50 ans la modernité de la mobilité actuelle.
- Qui a inventé le train rapide ?
- Qui a inventé le walkman ?
- Qui a inventé le téléphone mobile ?
- Qui a lancé en masse la voiture propre ?
Et oui, les Japonais !!! Et devant une telle réalité, difficile de penser à l'avenir de la mobilité sans s'intéresser aux nouveaux imaginaires japonais.
PS : Voir dans cette veine et plus en détail, les projets de Norio Fujikawa, là.