Tuesday, December 09, 2025

ET SI DEMAIN, LES MARQUES DE SPORT FAISAIENT DE LA GUERRE DES UNIVERS FICTIONNELS ?

Ce post fait d'une certaine façon le lien entre notre précédente Rencontre :
et la prochaine :

Alors et si demain, les marques de sport faisaient de la guerre des univers fictionnels tout comme aujourd'hui Nike tente de faire du foot un univers fictionnel ?

Dit autrement : et si la guerre – comme fiction, comme esthétique, comme pratique physique – était le prochain grand territoire narratif à accaparer dans un monde saturé de menaces ?

On peut en tout cas faire l'exercice de l'imaginer.

- On peut imaginer qu'en 2032, Nike propose des "Military Solutions" qui ne seraient pas une gamme de produits, mais un système complet de préparation paramilitaire gamifié. 
Nike se positionnerait comme le fournisseur de l'entraînement nécessaire pour les défis réels du futur (crises climatiques, effondrement des infrastructures, isolement...). 
L'idéal sportif ne serait plus l'athlète de haut niveau, mais le citoyen préparé.

- On peut aussi imaginer qu'en 2035, Adidas crée "Neo-Sparta", une série de nouvelles épreuves entre groupuscules plus ou moins survivalistes, mais en milieu urbain. 
Adidas se concentrerait sur l'idée de la résilience collective et de l'autosuffisance, fusionnant la performance physique avec la gestion des ressources et le bien-être communautaire. 
C'est l'harmonie du groupe qui serait valoriser face à l’explosion des normes et des menaces.

- On peut toujours imaginer qu'en 2036, Salomon lance "Apex Citizen Trials », des supers UTMB agrémentés d’épreuves et d’exercices proches de ceux réalisés par les Groupement de commandos de montagne
Salomon utiliserait son expertise en sport outdoor pour créer des rites de passage modernes qui testent l'aptitude physique et mentale à naviguer et survivre en milieu hostile (y compris urbain dégradé). 
C'est le dépassement par la confrontation à un environnement de plus en plus hostile qui fonderait un nouveau récit de l'outdoor.


Ce qui rend ces scénarios stimulants pour la réflexion n'est pas leur caractère plus ou moins dystopique, mais bien leur puissance marketing. 

Car en fictionnalisant la guerre, les marques créeraient une consommation sportive radicalement nouvelle.

On n'achèterait plus un produit, mais une identité guerrière clairement identifiée. 

Un univers narratif où chacun aurait un rôle. 

Et un idéal qui donnerait un sens presque existentiel aux entrainements.

Le consommateur ne consommerait plus passivement, il s'engagerait totalement – physiquement, émotionnellement, voire tribalement. 

Parallèlement au client-sportif traditionnel, émergerait la figure du consommateur-combattant ou résistant.


Les marques ne vendraient plus de la performance ou du wellness, mais de la préparation

- Pas pour un marathon, mais pour face à l'effondrement. 

- Pas pour la santé, mais pour la survie. 

- Pas pour le plaisir, mais pour être prêt. 

Ca serait un nouveau récit de consommation beaucoup plus puissant que "sois en forme" ou "dépasse-toi". 


Dans cette économie de l'angoisse monétisée, chaque achat deviendrait un acte de préparation, chaque entraînement une assurance vie, chaque communauté de marque une tribu de survie potentielle.

Et c'est là que les univers fictionnels guerriers pourraient devenir très puissants sur le plan  commerciale : ils transforment l'anxiété collective en désir d'achat de réassurance. 

- Plus le monde est menaçant, plus tu as besoin du gear tactique de Salomon

- Plus les tensions montent, plus tu veux t'entraîner comme un Nike Operator

- Plus l'avenir est incertain, plus tu investis dans ton appartenance à la tribu Adidas Neo-Sparta

Les marques ne créent pas l'angoisse, mais elles la capteraient et la transformeraient en récits désirables, en esthétiques cool, en communautés rassurantes

Et ce marketing de l'effondrement ® pourrait valoir des centaines de milliards demain 

Imaginer la guerre comme univers fictionnel pour les marques n'est donc pas un délire, mais bien un avenir possible du sport... surtout si la fiction vend désormais mieux que la performance !!


On en reparlera le mercredi 18 mars 2026, .

Saturday, December 06, 2025

ET SI NIKE FAISAIT DU FOOT UN UNIVERS FICTIONNEL ?

Lorsque que nous avons annoncé que lors des Rencontres consacrées à la question "C'est quoi une marque de sport demain ?", nous allions entre autres nous demander "Et si Nike devenait un concurrent de Marvel et de Star Wars ?", on ne va pas vous cacher que cela a créé un certain désarroi chez beaucoup de nos interlocuteurs.

"Pourquoi et comment comparer Nike à Marvel ?" nous demandaient-ils.

Lors de ces Rencontres, le toujours très pertinent Paul Vacca a expliqué pourquoi cette comparaison était au contraire totalement évidente au vu de la façon dont les univers de marques se construisent aujourd'hui.

Et pour ceux qui en douteraient encore, Nike vient d'en apporter la meilleure démonstration en lançant sa collection "Hollywood Keepers", une pré-collection de maillots de gardien de but aux couleurs réinventées d'équipes nationales.

C'est très malin.

D'abord, parce qu'en lançant un maillot streetwear sans contrainte - les vrais maillots ne seront vendus qu'en 2026 -, Nike impose un style avant de se soumettre aux contraintes techniques de la compétition.

Ensuite, parce qu'en faisant des gardiens de but des héros, Nike a choisi le seul joueur qui a un maillot différent des autres et donc un excellent moyen de vendre toujours plus de références originales.

Enfin, parce qu'en lançant des maillots aux designs uniques avec des motifs culturels forts (tigres coréens, lions anglais...), Nike transforme les équipes nationales en plateformes culturelles.

En gros, Nike dit : "Le maillot n'est plus juste un uniforme sportif, c'est l'affirmation d'une nouvelle identité culturelle" qui n’a plus rien à voir avec les codes nationaux d’antan.

Et c'est là que ça devient très intéressant !


Le foot devient un univers fictif plus qu'un sport

- La performance s'efface devant la mythologie. Nike ne vend plus "le maillot que portent les champions" mais "l'univers dans lequel tu veux exister". Les gardiens "Hollywood" n'existent pas  - c'est une fiction nostalgique des grands goals des années 90. 

Nike crée des personnages, pas des athlètes.

- Le terrain disparaît comme le montre la chronologie : collection streetwear en décembre 2025, maillots de match "plus tard" en 2026. Le stade devient presque accessoire. Le vrai terrain, c'est Instagram, TikTok, la rue. 

Le match n'est plus qu'un prétexte narratif.

- Le foot comme franchise Marvel. Chaque équipe nationale devient un "univers" avec ses codes visuels, ses mythes. 

Nike transforme le football en multivers de marques. « Tu ne supportes plus une équipe, tu achètes un univers esthétique. »


Et pourquoi ça change tout.

- L'authenticité est inversée. Avant c'était : "C'est beau parce que c'est porté sur le terrain". Maintenant c'est : "C'est légitime sur le terrain parce que c'est déjà cool dans la rue"

- Le fan / supporter devient cosplayeur. Il ne porte plus le maillot pour ressembler à M'bappé. Il porte une pièce d'un univers fictionnel dont M'bappé est juste un player parmi d'autres.

- Le sport devient du lore, c'est à dire un ensemble d'histoires, de légendes et de mythes qui entourent un univers fictif. Cette notion du "lore" est apparue pour analyser les jeux vidéo et l'univers de la fantasy

Ce qui compte désormais c'est l'histoire qu'on raconte, pas le score. 

Nike fabrique des légendes avant même qu'elles existent.

Avant, le foot créait ses légendes par les exploits.

Maintenant, Nike crée d'abord des légendes, et le foot suit. 


La vraie révolution

Le foot pour Nike demain, c'est Disney qui possèderait la NBA

Le sport réel n'est que la légitimation d'un empire de fiction. 

Les vrais concurrents de Nike ne sont plus les autres marques de sport - ce sont Netflix, Fortnite et tous les grands créateurs d'univers comme Star Wars et Marvel.

CQFD

Et ça peut être assez vertigineux quand on y pense : si la fantaisie vend mieux que la performance, pourquoi Nike aurait-il encore besoin... de vrais matchs ?

Friday, December 05, 2025

SOLDATS, SPORTIFS : LA MÊME ÉVOLUTION ?

Et si les soldats et les sportifs connaissaient les mêmes évolutions ?

Pour prolonger - avec exactement la même grille de lecture - la réflexion esquissée dans notre précédent post sur l'évolution de la figure du soldat entre le XX° et XXI° siècle.

- L'incarnation.


Le sportif du XX° siècle est un pur produit de l'ère des masses et de la standardisation olympique. Il marque la transition de l'amateurisme aristocratique aux grandes compétitions nationales télévisées. Son essor coïncide avec l'apogée du sport-spectacle et de la Guerre Froide, période où la performance sportive était un enjeu géopolitique. Ce sportif incarne l'athlète générique d'une nation, portant fièrement ses couleurs dans des disciplines codifiées.

Le sportif du XXI° siècle est un phénomène de l'ère digitale, né de la culture des réseaux sociaux, du personal branding et de la data. Il est paradoxalement le reflet d'une génération qui refuse les restrictions des fédérations traditionnelles et revendique l'authenticité, la personnalisation extrême de l'entraînement et la monétisation directe. Il veut avoir un contrôle total de ses données individuelles.


- Le modèle économique.


Le sportif du XX° siècle est le triomphe des fédérations nationales et du sponsoring de masse. Il appartient au marché du sport-spectacle et des grands contrats collectifs. Sa valeur économique individuelle est encadrée par des structures pyramidales, mais il représente une rentabilité basée sur l'audience télévisuelle massive et les revenus publicitaires. Il est l'exemple parfait du champion formaté pour le grand public.

Le sportif du XXI° siècle est le modèle de l'économie de plateforme et du revenu diversifié. Les réseaux sociaux, NFTs, contenus premium et partenariats directs transforment l'athlète en une marque personnelle dont la valeur ajoutée repose sur l'engagement communautaire, l'authenticité perçue et la rareté des accès VIP. L'investissement dans quelques athlètes ultra-médiatisés remplace le soutien diffus aux équipes nationales.


- Le mode opérationnel.


Le sportif du XX° siècle est un produit de l'ère des équipes nationales et de la compétition olympique, incarnant l'archétype du conflit sportif symétrique entre États-nations. Il est formé pour opérer au sein d'une structure fédérale rigide où la conformité aux normes, le respect du règlement et la subordination à l'entraîneur national sont primordiaux. Sa valeur réside dans sa capacité à exécuter un plan de jeu collectif standardisé et à contribuer au tableau des médailles de sa nation.

Le sportif du XXI° siècle est le produit de l'ère des compétitions hybrides, des sports émergents et de l'influence médiatique décentralisée. Il est de plus en plus un performer spécialisé et technologique, dont l'efficacité repose sur sa capacité d'auto-analyse biométrique et sa maîtrise des flux de données de performance. Sa valeur ajoutée n'est pas dans le conformisme, mais dans le niveau d'innovation individuelle, l'équipement personnalisé (capteurs, intelligence artificielle, coaching algorithmique) et la précision de la narration personnelle ciblée.


Thursday, December 04, 2025

PETITS SOLDATS / XX° SIÈCLE vs XXI° SIÈCLE

Quand on se demande "Et si demain, la guerre changeait le sport ?" comme nous le ferons lors des prochaines Rencontres de la Prospective Sportive ®, cela suppose a minima de s'interroger sur les évolutions des conflits et sur celles des militaires.


Cette réflexion peut se faire sous de multiples formes, celle notamment de prendre une figure iconique du combattant, comme le fameux petit soldat en plastique vert remis au gout du jour par Toy Story et Lego, et essayer de comprendre ce qu’il

symbolise dans la société - voir et .


Mais on peut aussi comparer cette figure avec un autre jouet, notamment celle du combattant Lego customisé par BrickArms et voir comment il peut nous aider à penser le combattant du XX° siècle vs celui du XXI°.


Tentons l’exercice.


- L'incarnation.


Le petit soldat en plastique vert est un pur produit du XX° siècle, de l'après-guerre et de l'âge d'or du plastique. Il marque la transition des soldats de plomb et de métal chers et très fragiles à celui de jouet bon marché. Son essor coïncide avec l'apogée de la culture de masse américaine et la Guerre Froide, période où l'imagerie militaire était omniprésente. Ce soldat incarne le G.I. Joe générique fantassin d’une « nation » indéfinie.


Le soldat Lego customisé BrickArms () est un phénomène du XXIe siècle, né de la culture de l'Internet, de la micro-entreprise et de la niche. Il est paradoxalement le reflet d'une génération post-Lego qui refuse les restrictions de l’entreprise danoise de vendre des armements réalistes modernes. Il répond à une demande de technicité individuelle.


- Le modèle économique.


Le petit soldat en plastique vert est le triomphe des économies d'échelle. Il appartient au marché du jouet de masse et du bas coût. Sa valeur économique est infime par unité, mais il représente une rentabilité basée sur le volume de production et la vente en vrac. Il est l'exemple parfait du produit jetable.


Le soldat Lego/BrickArms est le modèle de la micro-économie de niche et du produit premium. L'accessoire BrickArms transforme la figurine Lego en un objet de collection dont la valeur ajoutée repose sur le travail de design, la précision du moulage et la rareté relative. 


- Le mode opérationnel.


Le petit soldat en plastique est un produit de l'ère des armées de masse et de la guerre industrielle, incarnant l'archétype du conflit symétrique entre États-nations. Il est formé pour opérer au sein d'une structure hiérarchique rigide où la conformité et la substitution des unités sont fondamentales. Sa valeur réside dans sa capacité à exécuter des ordres standardisés et à contribuer au volume de feu ou à l'occupation du terrain. 


Le soldat Lego/BrickArms est le produit de l'ère des conflits asymétriques, des opérations spéciales et de la guerre de l'information. Il est de plus en plus un opérateur spécialisé et technologique, dont l'efficacité repose sur sa prise de décision individuelle et sa capacité à analyser des flux de données complexes. Sa valeur ajoutée n'est pas dans le volume, mais dans le niveau de compétence individuelle, l'équipement personnalisé (drones, communications chiffrées, capteurs) et la précision de l'intervention ciblée.


Question : cette grille de lecture est-elle applicable aux sportifs ?


On poursuit la réflexion dans de prochains posts.

Wednesday, December 03, 2025

EN SACHET

sachet 


standardisation 


masse anonyme


simulation de conflits


postures d'action idéalisées


interchangeabilité


héroïsme stérilisé 


éphémère 


jetable 


Et si la figure du petit soldat en plastique vert permettait de réinterroger la figure du sportif ?


Où quand les jouets de mon enfance en disaient probablement beaucoup plus sur notre société et le sport que ce que je pouvais bien en comprendre à l'époque...


Et si demain, la guerre changeait le sport ?

Monday, December 01, 2025

ET SI DEMAIN, LA GUERRE CHANGEAIT LE SPORT ?

Les prochaines et dixièmes Rencontres de la Prospective Sportive ® auront lieu le 18 mars 2026 autour de la question "Et si demain, la guerre changeait le sport ?"

Ces Rencontres seront notamment l'occasion de présenter comment nous travaillons sur le thème de la guerre dans le cadre de notre démarche des "deux trilogies" - voir, .

Elles seront aussi le prolongement et l'enrichissement sportifs des réflexions engagées depuis plus de 10 ans par Transit-City sur les façons dont les guerres contemporaines irriguent nos imaginaires et nos pratiques.


Voir nos réflexions : 

On vous en dit beaucoup plus très vite.

Ces Rencontres auront lieu comme d'habitude au Petit Bain.

Thursday, November 27, 2025

FAUT-IL PENSER LES STADES COMME LES USINES DU XXI° SIÈCLE ?

Quand ce qui fut longtemps le lieu des machines devient la référence pour penser les lieux du corps.


Ou quand l’architecture d’un stade, même lorsqu'elle s'habille de symboles passés comme les cheminées, n'est jamais neutre et en dit parfois beaucoup plus sur les évolutions des imaginaires d’une société que bien des analyses.


Le projet du nouveau stade du Birmingham City FC.