Friday, March 28, 2003

LES NOUVEAUX IMAGINAIRES DE LA MOBILITÉ


A l’heure où la culture du manga, du jeu vidéo, du sportswear, de l’internet et de la téléphonie mobile envahit les sociétés occidentales, les façons d’appréhender la mobilité urbaine connaissent une évolution sans précédent. 

La nouvelle donne socioculturelle des années 2000, à grands renforts de marketing et de pubs, amène en effet à s’interroger sur la pertinence des logiques traditionnelles de déplacement.

Depuis le XIXe siècle, pour faciliter la mobilité en ville, les opérateurs de transport public raisonnent en termes de tramway, bus, métro ou encore « bus à haut niveau de service ». Leur leitmotiv : des transports toujours plus rapides, fluides, accessibles, sûrs, non polluants, automatiques, avec des systèmes d’information-voyageurs performants, des services en station et à l’intérieur des véhicules, etc. Ces ambitions louables ont certes contribué à améliorer la qualité des offres et à promouvoir l’utilisation des transports collectifs.

Mais est-ce aujourd’hui dans ces modes de déplacement lourds que se reconnaissent les nouvelles générations ? Tramways et métros correspondent-ils encore aux imaginaires modernes de la mobilité urbaine ?

N’en déplaise aux opérateurs de transport public, ce sont désormais Google, Nike, Sony ou Apple qui surfent sur les thèmes de la fluidité et de l’autonomie et qui sont devenus les univers de référence en matière de mobilité. 

En l’espace de quelques années, ces marques se sont accaparées les valeurs de « mouvement » et ont profondément modifié la façon d’envisager les déplacements en ville.

A tel point que ce sont elles qui réinventent aujourd’hui la mobilité urbaine : dans l’imaginaire des jeunes, se déplacer signifie désormais chausser sa paire de basket, avoir son baladeur mp3 sur les oreilles. C’est un fait, tramways et métros ne font plus rêver. Les générations actuelles ne se projettent plus dans ces moyens de transports qui n'ont pas su renouveler leurs imaginaires désuets.

Le constat est là : un profond décalage s’est installé entre les logiques traditionnelles de transport public et les nouvelles aspirations des jeunes.

Pour les opérateurs de transport, il n’y a donc pas d’autre solution que d’intégrer cette nouvelle culture mondiale et ludique de la mobilité. S’ils veulent ne pas être hors-jeu, une révolution de leur appréhension des déplacements est à effectuer. Sans doute cela passe-t-il d’abord par une politique d’innovation et de marketing totalement décomplexée : libérer la créativité, proposer des services et produits audacieux, bousculer les attentes, raconter les transports différemment, engager un autre rapport aux déplacements, etc. Autant de pistes possibles pour se forger une image moderne auprès des collectivités locales et des voyageurs. Et pour reprendre la main sur les entreprises de grande consommation, de loisirs et de communication qui accaparent pour le moment les images novatrices de la mobilité. Inventer les déplacements de demain : telle est semble-t-il la condition pour que le transport public suscite de nouveau le désir et fasse encore un peu rêver.