Monday, July 28, 2008

UN MONDE SANS CATASTROPHE



Il y avait, en gros, jusque là deux façons de gérer l'accident ou la catastrophe urbaine dans les jeux vidéo; soit en les déclenchant, soit en essayant de les circonscrire.

Et sur ce terrain Sim City fut un des jeux phare de ces quinze derniers années, avec au fil des différentes éditions une sophistication toujours plus grande en matière d'accidents et de menaces de catastrophes.

Ainsi dans l'excellent Sim City 4 s'ajoutaient aux traditionnels incendies, émeutes, tornades et autres tremblements de terre, aussi bien des accidents de la route que des menaces écologiques liées aux industries polluantes. Tous ceux qui y ont joué le savent, la présence de l'industrie chimique dans une ville ne contribue pas à remonter le morale des ménages, et si vous avez installé une centrale nucléaire, vous recevez au bout d'un certain temps, des messages réguliers vous disant que votre centrale risque d'exploser, car en bout de vie. Bref il y a pas besoin d'être un écolo hyper sensibilisé pour comprendre que globalement "industrie pétrolière = grosse pollution" et "nucléaire = danger permanent".

Les différents types de pollutions sont d'ailleurs de telles contraintes dans Sim City, que dans la toute dernière version, il est possible d'installer des panneaux solaires sur les toits des immeubles. Des panneaux - mais aussi de nouvelles éoliennes - sponsorisés par ... le pétrolier BP, qui a vu dans ce jeu une superbe occasion de faire un peu de greenwashing.

Et c'est sans doute cette initiative de BP, qui a, entre autres, donné l'idée au groupe pétrolier américain Chevron , non pas s'implanter dans un jeu déjà existant, mais de développer le sien propre sous le nom de EnergyVille.


Le challenge, comme vous vous en doutez, est assez simple : il s'agit de développer une ville en gérant au mieux la production énergétique en intégrant les contraintes environnementales et ... sécuritaires. Et vous disposez pour cela de cinq sources d'énergies; la biomasse, le charbon, l'hydrogène, le gaz naturel, le nucléaire, le pétrole, le solaire, l'éolien et deux autres sources indéterminées qui pourraient apparaître dans les années qui viennent, mais qui ne sont pas utilisables aujourd'hui. Voilà pour l'esprit du jeu.

Deux remarques sur ce jeu

La première,
concerne Chevron qui est certainement pour beaucoup d'entre vous, simplement une marque d'essence, mais qui est, en fait, un énorme groupe chapeautant 6 marques (Chevron, Texaco, Standard, Gulf, Unocal 76 et Caltex) dont l'histoire lointaine ou récente est, en gros, la synthèse de toutes les perversions du capitalisme américain et des pires pratiques qu'un groupe pétrolier puisse faire pour se développer.
On passera rapidement sur les financements occultes des pires régimes de la planète (du financement de Franco lors de la guerre civile espagnole au soutien de Saddam Hussein après la première guerre du Golf par un judicieux détournement de l'embargo décidé par l'ONU), pour n'évoquer, dans la période récente, que le mépris total des droits de l'homme (avec, entre autres, des soupçons d'assassinats au Nigéria) et de l'environnement (en Amérique latine particulièrement). (Voir les détails de toutes ces histoires ou , entre autres.)

Une histoire pas très reluisante à laquelle il faut ajouter - car c'est ce qui nous intéresse ici - une politique très agressive visant à démanteler tous les réseaux de transports publics dans de nombreuses villes américaines. Chevron fait, en effet partie de ces compagnies qui achetèrent dans les années 40 des réseaux de tramways pour s'empresser de les fermer une fois acquises, afin d'accélérer le développement de l'automobile.
Une stratégie que le groupe a renouvelé dans les années 70 vis à vis des start up qui se développaient dans les énergies renouvelables, en les rachetant pour mieux les étouffer. (En France, Total a eu exactement la même stratégie.)



Et si aujourd'hui le groupe a décidé de prendre un virage un peu plus écolo, celui-ci est encore très très embryonnaire et complètement marginal par rapport à son activité principale axée encore à 99% sur le pétrole. EnergyVille n'est donc qu'un advergame (contraction de advertising et de game) destiné à essayer de se refaire une image verte à peu de frais. Mais cela, je pense que vous l'aviez tous compris dès le début.

Ma deuxième remarque concerne, la façon dont Chevron présente les avantages et les risques des différentes énergies, notamment le nucléaire. (voir l'image ci-dessous)


Et là on voit tout de suite que le court texte sur le nucléaire n'a pas été rédigé par un groupe français, (Aréva, Alsthom ...), car on y parle dépassements des coûts de construction et d'exploitation, mais aussi des déchets nucléaires. Bref d'une certaine réalité du nucléaire régulièrement occultée par le lobby nucléaire hexagonal.

Si j'ai cité Aréva, c'est évidement que dans son design, EnergyVille rappelle très directement le film publicitaire réalisé par la firme française destiné à nous présenter l'énergie nucléaire dans un monde sans menaces, sans dangers, sans accidents, sans fuites, sans rejets intempestifs, sans pollution des nappes phréatiques, sans déchets ... bref un nucléaire au merveilleux pays de Oui-Oui.



Car pour Aréva, les déchets radioactifs pendant plusieurs milliers d'années, ce n'est pas un problème (et c'est vrai que ce n'est pas le sien en France, puisque ceux-ci sont pris en charge par l'Andra) En effet, vous aurez peut-être remarqué que dans ce film, le problème des déchets est évacué sous forme de pointillés "vers site de stockage" (vous apprécierez, aussi, le singulier de "site", comme si un seul suffisait ... )


Mais comme ici nous parlons communication, je préfère m'effacer devant les analyses assez fines faites par des juristes sur le fond des messages d'Areva, notamment au vu des recommandations du BVP (Bureau de Vérification de la Publicité). Et là, c'est assez cruel.

Cette publicité contrevient à l'article 2.6 des recommandations BVP « La publicité ne doit pas donner ou paraître donner une garantie totale ou complète d'innocuité dans le domaine de l'environnement, lorsque les qualités écologiques du produit ne concernent qu'un seul stade de la vie du produit ou qu'une seule de ses propriétés. »

En effet, elle occulte les autres problèmes environnementaux liés à la production d'énergie nucléaire (déchets radioactifs, risques, production des minerais d’uranium ...).

En outre, cette publicité contrevient à l'article 2-1 des recommandations écologiques car l’utilisation de la formule « un avenir sans CO2 » laisse entendre que le nucléaire va régler le problème des émissions de CO2 dans l'avenir.
Or, ce n'est pas la réalité. D'une part, de nombreux usages de l’énergie ne seront pas couverts par l’électricité nucléaire, et d'autre part, la ressource nucléaire est limitée et les capacités de développement du secteur également.

Pour aller plus loin sur la façon dont les grandes entreprises détournent les recommandation du BVP en matière de communication sur la protection de l'environnement voir .

Et matière de petits schémas, je vous conseille donc plutôt ce le tableau ci-dessous qui propose une vision un peu plus réaliste des dangers liés à la production d'électricité via le nucléaire.
(cliquer sur l'image pour l'agrandir)


Mais le meilleurs jeu sur l'industrie nucléaire civile est probablement S.T.A.L.K.E.R, dont je vous ai déjà parlé dans un précédent post (voir ). Un jeu qui se déroule dans la région de Tchernobyl en 2012, soit 26 ans après la catastrophe. Evidement c'est un peu moins rose que chez Aréva, mais probablement aussi un peu plus réaliste.






Et quand vous aurez fini de jouer, vous pourrez toujours vous jeter sur l'excellent "Retour de Tchernobyl" de Jean-Pierre Dupuy.


Pour aller plus loin sur cette notion de catastrophe, voir .

Tuesday, July 22, 2008

BACK TO PARK AVENUE ?







C'est étonnant comme parfois on peut raconter l'histoire d'une mutation en cinq photos. Celle dont je veux vous parler aujourd'hui concerne celle de l'imaginaire de la rue à New-York. D'un imaginaire dominant qui voulait jusque là qu'une rue soit surtout consacrée au trafic automobile, on semble passer aujourd'hui à la vision de la rue jardin, à l'image de ce que fut Park Avenue avant 1922. Et oui, car on l'oublie trop souvent, si cette avenue porte ce nom, c'est qu'avant cette date elle était un véritable jardin (voir deuxième photo en partant du haut).
Ce n'est qu'en 1922, qu'elle fut réaménagée pour laisser place aux autos, avec juste un petit bout de verdure dans la partie centrale.

Actuellement cette logique du "tout auto" est sérieusement remise en cause, notamment sous l'influence des vélos (voir notre post sur le sujet ), comme le montre, notamment, les réaménagements actuels sur certaines avenues (voir photo, supra).

Mais un certain nombre de New-Yorkais rêvent d'aller plus loin, et notamment de transformer certains tronçons de Broadway en véritable park avenue avec terrasses et bistrots comme cela a été fait dans d'autres coins de la ville (photo du bas).

Et afin de donner à ce débat encore un peu plus d'ampleur, vient d'être lancé un concours d'idées intitulé Designing the 21st century street sur certains axes de Brooklyn avec pour ambition de voir émerger de "new conceptual and physical approaches to planing healthy, safe and substainable streets."



Une consultation qui révéle, une nouvelle fois, l'exceptionnelle capacité des américains à lancer des démarches participatives pour repenser leurs espaces publics (voir le récent "Complete your street"), quitte parfois à en laisser carrément la mis en place aux riverains (voir ).

Saturday, July 19, 2008

NEW APARTHEID ?

Hier Nelson Mandela a fêté ses 90 ans.

Cette nuit, l'équipe des Springboks sud-africains a joué son match contre les Wallabies australiens avec le numéro 46664 inscrit sur le maillot de chacun de ses joueurs. Ce numéro fut la matricule de Mandela pendant ses 26 années passées en prison.

Aujourd'hui, on peut lire dans Le Monde sous le titre "Des militants anti-apartheid juifs sud-africains "choqués" par leur visite en Cisjordanie occupée", ce reportage.
Geoff Budlender se refuse à "faire l'analogie avec le système d'apartheid", estimant que ce n'est pas "approprié". Mais Barbara Hogan, qui a passé huit ans dans les prisons sud-africaines parce qu'elle protestait contre la ségrégation raciale, a été stupéfaite de constater qu'existaient en Cisjordanie des routes séparées pour les colons et pour les Palestiniens, que ces derniers devaient obtenir des permis de l'administration israélienne pour se déplacer, ce qui lui a rappelé le système des "pass" pour les Noirs en Afrique du Sud.

"Les non-Blancs vivaient dans des zones séparées, mais il n'y a jamais eu en Afrique du Sud de routes séparées, de "barrière de sécurité", de check-points, de plaques d'immatriculation différentes, de cantonnements dans des zones délimitées", s'étonne cette députée de l'ANC. "Tout cela est absurde et je me demande jusqu'où cela va aller, ce que ça va donner", s'interroge Barbara Hogan, qui se dit "choquée" par ce qu'elle a vu dans les rues de Hébron : "l'injustice, la haine, le désespoir". Elle se souvient de "la crainte dans les yeux des enfants", du silence régnant dans les rues du camp de Balata, à Naplouse. "Cette ville est assiégée. Les militaires contrôlent toutes les collines, tous les check-points. On ne peut pas entrer et sortir comme l'on veut. Cela n'a jamais existé en Afrique du Sud", ajoute Nozizwe Madlala-Routledge, ancienne vice-ministre de la santé et députée de l'ANC.

Ce qui a frappé ces vétérans de la lutte anti-apartheid est le poids de l'occupation, l'importance des restrictions et la volonté d'établir une séparation complète. "La présence de l'armée partout, ces files d'attente aux check-points, ces raids de soldats sont pour moi pire que l'apartheid. Cela ne fait aucun doute. C'est plus pernicieux, plus sophistiqué grâce aux ordinateurs, qui n'existaient pas à l'époque. Ce sont des méthodes déshumanisantes", insiste le juge Dennis Davis. Ce n'est pas son premier voyage et il trouve la situation "plus sombre qu'elle n'a jamais été". "J'ai l'impression que nous sommes en 1965 en Afrique du Sud, lorsque la répression s'est intensifiée après la condamnation de Nelson Mandela. Il a passé vingt-sept ans en prison. A Naplouse, Saïd Al-Atabeh (membre du Front populaire de libération de la Palestine, condamné à perpétuité pour des attentats perpétrés en 1977 et qui avaient fait un mort et des blessés) est incarcéré depuis trente et un ans. Après le jugement de Mandela, il a encore fallu vingt ans pour que des sanctions internationales soient imposées contre le régime de l'apartheid. Ici, je ne vois aucune solution en perspective", dit-il.

"Le bout du tunnel est plus noir que noir", renchérit Mondli Makhanya, rédacteur en chef du Sunday Times, l'hebdomadaire dominical le plus populaire d'Afrique du Sud, avant d'ajouter : "Nous, nous savions qu'un jour, cela allait se terminer, que les lois de l'apartheid allaient disparaître. Ici, ce n'est pas codifié, c'est l'occupation qui fait que le Palestinien est un être de seconde zone."

Voir aussi , sur les routes "arabs only".

En image, sur le plan urbain, cela donne cela.



Sur les nouvelles logiques urbaines, voir , et notre dossier Wall City.

Sur le développement des gated communities en Afrique du Sud, voir et , entre autres.

Thursday, July 17, 2008

ET SI NIKE DEVAIT BEAUCOUP A ARCHIGRAM ?

En regardant le Centre G. Pompidou, dont l'architecture est très directement inspirée par les géniales visions du groupe Archigram, je n'avais encore jamais imaginé que celui-ci puisse être à l'origine d'un des plus grand succès commercial de Nike, à savoir la Air Max.

Et pourtant ...

La Air Max, doit tout à Beaubourg

Cela peut apparaître a priori complètement aberrant, sauf quand c'est Tinker Hatfield, le patron du design de l'équipementier américain, qui l'explique lui même. 

Sans Beaubourg, pas de coussin d'air visible dans la semelle.

Sans Beaubourg, pas de mélange de couleurs flashy. 

Bref, sans Beaubourg, il n'y aurait pas eu de révolution des codes de la basket. 

C'était il y a vingt ans, on l'a maintenant oublié. 

La vidéo de l'interview passionnante de T. Hatfeld est visible .


LA SEMAINE DE QUATRE JOURS POUR ÉCONOMISER L'ESSENCE



Quand tout s'écroule, tout va très vite. Qui aurait imaginé, il y a encore quelques semaines, que certains districts scolaires américains seraient conduits à instituer la semaine de quatre jours afin de réduire les déplacements de leurs élèves ? Peu de personne, sans doute.

Et c'est pourtant ce qu'est en train d'envisager le Shenandoah County Public Schools (Virginia). Son objectif est de réduire de 25% la facture énergétique des écoles du conté, en limitant, notamment, le trafic des fameux Yellow Bus School qui assurent le ramassage scolaire aux Etats-Unis.

Toutes les infos sur cette initiative qui annonce peut-être une vraie révolution de fond sur les nouveaux rythmes de vies liés à une mobilité réduite par nécessité, .

Friday, July 11, 2008

QUAND TOUT UN MODÈLE S'ÉCROULE ... (03)

Quand un modèle s'écroule, il est toujours intéressant d'observer les stratégies des différents acteurs pour éviter les conséquences de tous les changements qu'impliquent la fin d'une certaine histoire. Et la fin actuelle de l'énergie pas cher, et plus particulièrement du pétrole est, de ce côté là, une période riche et assez passionnante à suivre.

Deux exemples tout récents et de nature très différente.

D'abord côté consommateur, cette nouvelle offre de MyGallons.com pour éviter de payer son essence plus cher avec une approche qui est loin d'être inintéressante puisqu'il s'agit d'acheter aujourd'hui via une pre paid card un certain volume d'essence pour l'année qui vient, mais au prix du jour. Tous les détails sur le fonctionnement . Reste à savoir si la réponse sera longtemps viable pour ce nouvel opérateur.



Ensuite cette tentative assez dérisoire, mais ô combien symbolique, de la chaîne Tru.TV de relancer sous forme d'un reality show appelé Black Gold, le mythe des pionniers du pétrole.




Quand on regarde l'émission, on pense plutôt à There Will be Blood, qu'à une solution pour l'avenir. Mais bon, toutes les chaînes n'ont pas l'ambition d'ABC.


L'avenir se dessine ailleurs, et notamment sur de nombreux sites internet qui travaillent sur les scénarios de cette fin annoncée du pétrole. La vitalité et la créativité américaine est, une nouvelle fois, un vrai modèle avec de nombreuses initiatives sous forme de livres et de vidéos. (voir et , notamment)

Voir le très bon site Life after the oil crash, où vous pourrez, entre autres, vous procurer le stimulant "A Crude Awakening". Mais vous pourrez aussi y découvrir toute une littérature sur le sujet totalement inconnue en Asie et en Europe, montrant combien l'hyper-dépendance des américains au pétrole les rend aujourd'hui très inquiets sur leur modèle et sur leur avenir. Voir .


Tuesday, July 08, 2008

QUAND LE SEGWAY SE MILITARISE


Vous connaissez tous le Segway.

Et j'imagine que, comme moi, vous pensiez que c'était seulement fait pour des américains un peu bétas qui refusaient de marcher et trouvaient merveilleux de mettre un casque pour aller à 10 km/h.


Et c'était lourdement se tromper, car le Segway est devenu un vrai véhicule policier, annonçant peut-être d'un certaine façon la futur Jeep eco-light sur lequel réfléchit l'US Army pour remplacer ces Hummers trop voraces en pétrole (voir ).
Jusque là aux Etats-Unis, il était surtout utilisé dans les endroits clos, comme les aéroports et les centres commerciaux.


Les Japonais l'utilisent actuellement pour surveiller certaines zones du sommet du G8. C'est déjà plus champêtre (Appréciez la taille des pneus !!!)


Mais ceux qui en ont tirer toute la substantifique moelle sont sans contestation, et une fois de plus, les Chinois, qui dès qu'il s'agit de répression, ne sont jamais en retard. Pour lutter contre les dissidents, ces Segway policiers seront certainement plus utiles qu'une lignée de chars.


Moi quand j'ai vu cela , j'ai immédiatement pensé à certaines scènes de Minority Report. On retrouve la même ambiance et la même logique répressive.



Reste aux dissidents et démocrates chinois à s'entraîner pour faire comme John Anderton et utiliser ces engins contre leurs utilisateurs.