Tuesday, August 27, 2019

ET SI ON DÉCOLONISAIT LA TECHNIQUE ?

Dans un tout récent article publié dans Le Monde, la philosophe Nadia Yala Kisukidi propose de "décoloniser la philosophie" - voir, .

L'article est passionnant, car si Kisukidi ne parle que de philosophie, sa portée dépasse évidement largement la philosophie. 

Elle pose de multiple questions sur la façon dont l'Occident s'est construite une histoire philosophique en reléguant le reste du monde dans un second plan lointain et quasiment anecdotique.

Ces questions peuvent s'appliquer à d'autres histoires que celle de la philosophie, notamment à celle de l'histoire des techniques.

La preuve en est ces quelques extraits du texte de Nadia Yala Kisukdi dans lequel j'ai remplacé le mot "philosophie" par le mot "technique".

- Texte original de N Y Kisukidi
"Quelle histoire raconte-t-on quand on raconte l’histoire de la philosophie ? Quand cette histoire commença-t-elle ? Qui sont les philosophes – les acteurs principaux de cette histoire ? "

Texte modifié
"Quelle histoire raconte-t-on quand on raconte l’histoire des techniques ? Quand cette histoire commença-t-elle ? Qui sont les inventeurs – les acteurs principaux de cette histoire ? "


Texte original de N Y Kisukidi
"L’histoire de la philosophie trace des frontières entre une humanité philosophique dont l’homme européen constitue le « type absolu », opposé aux simples « types anthropologiques » incarnés par tous les autres peuples du monde."

Texte modifié
"L’histoire des techniques trace des frontières entre une humanité technicienne dont l’homme européen/occidental constitue le « type absolu », opposé aux simples « types anthropologiques » incarnés par tous les autres peuples du monde."


En conclusion de son article, Nadia Yala Kisukidi propose de "décoloniser la philosophie, c’est-à-dire éclater les hiérarchies du savoir qui placent l’Europe au centre et décrètent l’inconsistance historique, culturelle et scientifique du reste du monde." Et de préciser "Au-delà de sa dimension déconstructiviste, critique, un tel projet invite à redessiner les cartographies de la vie intellectuelle à l’échelle globale."

On pourrait la paraphraser en proposant de "décoloniser la technique afin de redessiner les cartographies des technologies à l’échelle globale."

L'idée n'est évidement pas de nier les révolutions industrielles de l'Occident et ses formidables avancées depuis quatre siècles, mais de cesser de penser que ce sont les seules réponses possibles aux défis de demain.

Il y a là des champs de réflexions prospectifs extrêmement forts pour les années à venir.

On en reparlera beaucoup plus longuement lors de notre Atelier du 13 septembre organisé autour de la question "Et si c'était à Branly que s'inventaient nos futures mobilités ?"