Les faits n'ont rien à voir entre eux, mais ajoutés les uns aux autres, ils commencent à faire sens. Alors de quoi s'agit-il ? Et bien d'une chose tout simple; celle de l'obsession actuelle des américains pour les catastrophes et leurs conséquences sur le visage de nos villes.
Illustration avec trois exemples de nature différente mais qui développent tous les trois une vision assez noire de notre avenir urbain
Tout d'abord cette récente campagne de la Red Cross US qui a placé des camions publicitaires recouverts de photos-montages de rues dévastées juste dans le prolongement de ces mêmes rues !!!
Effet garanti !
Le deuxième exemple est la très percutante campagne teasing de lancement du film Cloverfield, relayée par des affiches présentant un New-York dévasté.
Le troisième exemple est le documentaire Life After People passé la semaine dernière sur History Chanel.
Cette émission reprenait très directement les thèses d'Alan Weisman dans son livre The World without us (Livre publié en France par Flammarion sous le titre Homo Disparitus)
Extrait "L’idée que la nature puisse un jour ne faire qu’une bouchée d’une entité aussi colossale et concrète qu’une ville moderne n’est pas facile assimiler. Comment imaginer la disparition de New York quand elle se dresse, titanesque, devant nous ? Les événements de septembre 2001 nous ont montré ce dont les hommes sont capables, avec leurs explosifs, mais qu’en est-il de processus aussi rudimentaires que l’érosion ou la pourriture ? L’effondrement brutal des tours jumelles nous conduisit nous interroger sur les terroristes plutôt que sur les points faibles qui pourraient condamner notre infrastructure tout entière. Et encore cette catastrophe, jusqu’alors inconcevable, se limita-t-elle quelques bâtiments. Cependant, la nature pourrait bien mettre moins de temps que nous ne l’imaginons se débarrasser des créations des urbanistes."
Le tout pourrait être complété par le succès du bouleversant et magnifique roman de Cormac McCarthy, The Road, couronné par le Pulitzer Price 2007.
(Ouvrage paru en France aux éditions de l'Olivier, sous le titre de La Route, dans une excellente traduction de François Hirsch)
Alors face à ce phénomène et cette fascination pour les catastrophes, les explications sont nombreuses; 11 septembre, Katrina, réchauffement climatique, incendie californien, dégradation des côtes de Floride, peur du terrorisme ...
Mais moi ce qui me marque - et c'est tout l'objet de ce post - c'est que ces menaces sont aujourd'hui intégrées et servent de support à de la prospective urbaine.
Déjà en 2006, quand History Chanel avait lancé son concours The City of the Future sur le visage des grandes métropoles en 2106, l'une des équipes avait présenté une vision d'un New-York noyé sous les eaux et qui se réinventait autour d'un modèle très vénitien et lacustre (images ci-dessous).
Fin 2007, c'était au tour de la ville de New-York de lancer son concours "What if New-York ..." sur le thème, on ne peut plus explicite, de "Post-disaster housing design concept" (voir les deux post précédents) .
Un concours qui a donné lieu à la publication d'images assez chocs sur un New-York post cata, mais des images - et c'est en cela que c'est intéressant - pas du tout noires ou glauques, mais plutôt très positives et assez joyeuses. Un peu comme si les catastrophes n'étaient pas des drames mais au contraire de formidables opportunités pour repenser autrement nos villes, leur architecture et leur urbanisme.
Voir l'ensemble des propositions, là
Ci-dessous, le projet Cloud City imaginé par le Studio Lindford
Pour nous c'est une formidable leçon et l'occasion de réenvisager les catastrophes urbaines. Un chantier que nous avions ouvert pendant le Tour du monde sous le nom de Catastrophic Cities.
Ce vaste sujet fera bientôt l'objet de plusieurs Ateliers, dont l'un le vendredi 23 mai sur le thème "Et si on avait pas assez peur dans nos réflexions prospectives ?" , avec Jean-Pierre Dupuy, professeur de philosophie sociale et politique à l'École polytechnique et à l'Université de Stanford, et auteur de "Pour un catastrophisme éclairé".
Sur ce sujet de la catastrophe comme moteur d'un nouvel urbanisme, voir aussi là