DES METROPOLES CARAVANES
"(...) A côté des villes sédentaires, il s'agissait, pour la plupart, de villes-nomades ou saisonnières, qui se déplaçaient sans cesse, sur le modèle de la caravane. (...)
Cette structure caravanière de la ville a survécu à la colonisation.
C'est elle, et l'imaginaire qui la sous-tendait, qui aujourd'hui renaît dans des conditions fort singulières dans les grandes métropoles d'Afrique.
Dans ce modèle, tout se déplace.
La ville se ruralise et le village s'urbanise.
Les gens vont et viennent, ils traversent constamment toutes sortes de frontières.
Tout est mis en circulation.
La logique du marché partout s'étend.
Tout ou presque peut être vendu ou acheté.
Tout s'échange.
Tout est provisoire.
Tout peut être rafistolé et recyclé.
Rien n'est perdu pour de bon, et de déchet en tant que tel, il n'en existe point.
Tout est négociable et les choses vont dans toutes les directions à la fois, à des rythmes et vitesses elles aussi multiples.
L'une des illustrations les plus vives de cette multiplicité des formes et de cette radicale ouverture est le trafic.
Souvent, ce sont des métropoles sans cartes physiques.
La différence entre la rue et le trottoir est des plus minces.
Les coupures intermittentes d'électricité aidant, les feux de signalisation sont rares.
Toutes sortes de véhicules sillonnent les rues que se disputent piétons, motocyclistes, vendeurs ambulants, voire parfois volaille et animaux domestiques.
Cohabitation, frictions, collisions et flux vont ensemble, souvent en l'absence de toute régulation.
Là où existent un minimum de règles, celles-ci font sans cesse l'objet de torsion, surtout lorsqu'elles entravent le mouvement.
Tout est donc subordonné à l'impératif de la circulation.(...)"
"Afropolitains" - Achille Mbembe.
"
Et si notre avenir urbain s'inventait en Afrique ?"