Quand on réfléchit à l'hypothèse de l'émergence d'une industrie post-fordiste dans le secteur automobile, il y a deux attitudes possibles :
1 - La première attitude possible est de regarder dans les pays riches, c'est à dire dans les pays qui sont rentrées dans une logique post-fordiste et qui tente de renouveler leur modèle de conception et de production industrielle. Dans le cas de l'automobile, on peut être ainsi amené à citer les démarches de Dassault System (voir là) ou de Local Motors (voir là, et les photos ci-dessus), deux sociétés qui chacune avec leurs outils ont la volonté de casser le process fordist de la production de voiture.
Mais cette approche semblerait vouloir dire que l'innovation ne peut venir que des pays riches et occidentaux, et surtout du monde lié au net. Ce qui serait bien évidement un erreur. Erreur, parce que "le sud" ne cesse d'innover car les solutions du "nord" sont souvent peu adaptées aux marchés dominés par la pauvreté. La rareté est de plus en plus source d'innovation obligeant à trouver de nouvelles réponses (Voir : "En quoi la pauvreté et la rareté vont-elles radicalement changer nos business model ?" et "Rareté, pauvreté et innovation : on travaille et on réfléchit comment ?") et de nouvelles coopérations sud/sud (Voir : "Sud/Sud : et si c'était là que s'inventait un nouveau modèle de croissance ?")
2 - La deuxième attitude possible serait alors de se tourner vers ce sud qui ne se reconnait pas dans les produits venus du nord, et qui tente de réinventer un nouveau modèle fondé sur la rusticité, la frugalité et le low-tech. (voir : "Et si c'était dans les casses de Dakar que s'inventait la voiture de demain ?")
Et c'est exactement la démarche engagée par un jeune entrepreneur au Kenya qui, partant du principe que la mobilité africaine avait un certain nombre de spécificités auxquels les produits venus du "Nord" étaient incapable de répondre car beaucoup trop chers, à décider de créer une voiture low-tech et ultra low-cost dédiée spécialement au marché africain, sous le nom de Mobius Motors.
Je vous avais déjà parlé de ce projet il y a maintenant près de quatre ans (voir : "Et si la pauvreté et la rareté servait de base à un post-fordism low-tech ?")
Aujourd'hui le projet Mobius Motors a bien grandi. Les tâtonnements et les bricolages du départ ont fait place aujourd'hui une démarché extrêmement structurée concrétisée par la construction d'une première micro chaine de montage à Mombassa destinée à produire la Mobius 2 - voir là sur la démarche de Mobius.
Il y a quelques jours, Mobius Motors reçu le soutien financier d'un milliardaire américain pour lancer réellement sa production - voir là.
On a peut-être là le début d'une nouvelle histoire industrielle fondée sur une vraie frugalité technique et financière pour ce qui va devenir l'un des plus grands marché du monde, celui de l'Afrique. Rappelons juste qu'aujourd'hui l'Afrique sub-saharienne, c'est 800 millions de personnes. En 2050, ca sera 1,8 milliard d'habitants.
Ce post s'inscrit à la fois dans la lignée des travaux que conduit Transit-City sur l'évolution du monde du travail - voir là -, mais aussi dans la lignée des études que nous menons en Afrique, notamment dans le secteur de l'urbanisme et des transports.
Voir aussi, là.