Notre futur ressemblera-t-il au monde de Mad Max 2, dont les photos ci-dessus sont extraites, c'est à dire à un monde ou l'absence de pétrole déclenchera une violence extrême et permanente pour le contrôle de quelques litres d'essence ?
C'est en tout cas l'une des hypothèses que fait le sociologue anglais John Urry dans le livre qu'il vient de publier avec Kingsley Dennis et titré, "After the car".
Au delà du cas de la voiture, c'est toute une réflexion autour de la fin du pétrole et des nouvelles mobilités qui pourraient en sortir, que développent les deux auteurs. La vraie originalité du bouquin tient à son chapitre 7 dans laquelle ils développent des scénarios très contrastés de mobilité très loin de ce qui est produit, en général, par les universitaires. (Voir "Mobilité urbaine: cinq scénarios pour un débat", travail auquel j'ai participé, mais dont les résultats m'ont toujours paru beaucoup trop sages).
Parmi les scénarios imaginés il y a celui d'un futur ultra-violent. Urry l'explique dans un interview à Libération comme cela : "Dans le futur «barbare», il y a une pénurie de pétrole, de gaz et d’eau et des guerres intermittentes. Il y a une rupture des connexions entre mobilité, énergie et communication qui permettent aujourd’hui d’enjamber le monde.
Le niveau de vie s’effondre, les déplacements se relocalisent, des seigneurs de la guerre locaux pullulent et contrôlent les nouvelles formes de mobilité et des gouvernements faibles.
Les infrastructures s’effondreront et les régions seront de plus en plus séparées les unes des autres. Les voitures et les camions, les bus et les trains rouilleront dans les déserts ou seront emportés par les inondations. Comme c’était préfiguré dans Mad Max 2."
En lisant ces quelques lignes, je n'ai pas pu de m'empêcher de me rappeler l'émotion ressenti il y a maintenant deux ans, au cimetière de trains dans le désert d'Uyuni, au sud de la Bolivie. Un lieu extraordinaire qui vous fait comprendre très directement la fragilité de tout les système de transport.
Evidement tous les scénarios ne sont pas aussi sombres, Urry et Dennis imaginant même un monde pacifié autour d'une mobilité de proximité basée sur l'autosuffisance locale.
"Le voyage sera fortement limité. Les modes de vie et de mouvement seront réduits en échelle. On choisira ses amis parmi ses voisins, le travail sera à proximité, l’éducation donnée sur place, les saisons dicteront ce qu’on mangera et la plupart des biens et services seront simplifiés et produits localement.
Le PIB sera plus modeste mais le bien-être sera amélioré pour ceux qui feront partie de ce «small is beautiful» futur.
Ce futur sera peut-être imposé à mesure que le pétrole se raréfiera, que les voitures rouilleront, que les avions seront immobilisés au sol et que les environnementalistes en quête de ce genre d’autosuffisance locale l’emporteront."
Dans ce scénario, si on le pousse jusqu'au bout, on est évidement plus proche du village des Hobbits que de Blade Runner. Mais cette référence à des petites structures urbaine fondées sur la proximité piétonne, n'est pas insignifiante et fait même partie d'un vrai courant de réflexion prospective, notamment en Europe du Nord et chez les anglo-saxons, comme le montre, par exemple, la Clear Village Foundation.
De façon plus large, Urry se demande aussi si la fin du pétrole, ne signifie pas la fin de toute une phase historique : "A présent, 95 % du voyage personnel dépend du pétrole ; avec sa raréfaction, le XXe siècle mobile pourrait en effet s’arrêter et les espoirs d’un mouvement en continuelle augmentation pourraient bien passer la marche arrière.
Pendant un siècle, le monde riche est devenu fou jusqu’à ce que ses contradictions fassent leur effet.
Les vies mobiles pourraient être par conséquent juste un interlude court, quoique remarquable, de l’histoire de l’humain et de ses étonnantes machines mobiles."
On est pas obligé d'être d'accord - la mobilité et le nomadisme des hommes même a très grande échelle est bien antérieure à la découverte du pétrole - mais au moins ce genre d'analyse a le mérite de pousser jusqu'au bout la question des futurs de nos mobilités et du changement radical de modes de vie que cela pourrait nous imposer.
On retrouve donc dans ce livre, les questions que nous nous posons depuis plusieurs années au sein de Transit City, notamment à travers des Ateliers aussi différents que "Pourquoi la voiture a-t-elle aussi peu évolué depuis 50 ans ?", "Et cela ressemblera à quoi la grande distribution avec un litre d'essence à 4 Euros ?", "Et cela ressemblera à quoi le voyage dans 25 ans ?"ou "Et si on n'avait pas assez peur ?"et "Et demain, on réfléchit comment à notre futur urbain ?"
PS / Pour finir ce post sur le retour possible d'anciennes façons de se déplacer, je ne résiste pas à vous proposer cette photo du superbe Carrosse réalisé par Xavier Veillan et présentée actuellement au Château de Versailles dans le cadre de l'expo consacrée au plasticien. Ou quand Louis XIV rencontre Mad Max.