Wednesday, December 19, 2018

LE CHOIX DE NE PAS FAIRE

"Avant l’avènement du monde industriel, le changement technique n’était pas considéré comme un facteur essentiel de changement social. De nombreuses sociétés ont ainsi choisi de « ne pas faire » et de conditionner l’utilisation des techniques à des fins morales, religieuses ou culturelles plutôt que de penser la technique uniquement dans le langage du progrès et de l’accroissement de puissance
Ainsi, les populations de l’Amérique précolombienne connaissaient la roue mais refusèrent de l’utiliser dans un but utilitaire ; les Indiens des grandes plaines d’Amérique du Nord adoptèrent le cheval mais en le débarrassant de tout ce qui le rendait efficace aux yeux des Européens (selle et étriers). L’efficacité technique ne va en effet pas de soi, il s’agit d’une notion relative étroitement liée à un ensemble de croyances et aux contextes socioculturels dans lesquels s’inscrit l’objet technique.
D’ailleurs, les sociétés extra-européennes, dites « primitives », n’ont cessé de faire preuve d’une grande inventivité technique pour s’adapter à leur environnement, et mettre en place des systèmes productifs ajustés aux contraintes de leurs milieux et adaptées à une économie de subsistance visant à satisfaire leurs besoins. Pour autant, elles témoignent généralement d’un grand désintérêt pour le machinisme. Leur économie de subsistance préindustrielle et précapitaliste n’était pas le résultat d’un défaut ou d’un manque, mais au contraire, comme l’écrivait Pierre Clastres, "le refus d’un excès inutile, la volonté d’accorder l’activité productive à la satisfaction des besoins », et rien de plus". (...) 
Pour prolonger la réflexion esquissée dans les trois précédents posts sur la façon dont les peuples dits premiers peuvent nous aider à penser demain ( et ), je voulais vous proposer ces quelques lignes extraites du passionnant "Techno-critiques - du refus des machines à la contestation des technosciences" de François Jarrige

Ca peut nous aider à réfléchir sur les points de repères et les références que nous allons utiliser en matière de prospective et d'innovation à l'aune des défis sociaux et écologiques que nous allons devoir relever dans les années à venir.