Le commerce ne serait plus la vente d'objets, mais l'échange de valeurs incarnées par des artefacts temporaires.
Les marques basculeraient alors d'une économie du matériel à ce que l'on appelle communément une économie du sens et de l'expérience.
Pour les marques de sport, ce basculement pourrait prendre trois formes.
1° - La Marque de sport comme "Studio de Production de Mythes".
Le cœur de l'entreprise n'est plus l'usine ou la supply chain, mais l'équipe de scénaristes, de designers d'expérience et d'anthropologues.
Le produit devient un accessoire de la fiction, un simple support matérialisé du récit.
Sa fonction est de rendre le mythe tangible.
On l'achète pour incarner l'histoire que la marque raconte.
La marque crée un univers narratif cohérent, avec ses "canons sportifs", ses propres règles, ses archétypes (l'Anti-Héros, l'Explorateur, le Sage de l'Entraînement) et ses enjeux philosophiques.
Ces histoires ne sont pas uniquement liées à la performance athlétique, mais à des thèmes universels (la solitude de l'effort, la gestion du doute, la beauté du geste inutile).
La valeur réside dans l'accès au récit, pas dans le coût marginal de fabrication du produit.
La marque vend l'abonnement à sa "saison narrative" (événements, plateformes, contenus) et le produit est inclus comme un kit de participation.
2. La Marque de sport comme "Productrice de Spécificités Locales"
Le produit étant devenu secondaire en tant que produit, il doit devenir premier en tant que fiction et valeur rituelle.
Dans un monde saturé de produits, la marque de sport décide de créer une pénurie artificielle de sens.
Le produit est fabriqué en quantité limitée non pas pour augmenter son prix, mais pour préserver la sacralité de l'histoire qu'il raconte.
Seuls ceux qui adhèrent au récit peuvent mériter le produit/artefact.
La marque raconte des histoires hyper-locales, non reproductibles à l'échelle mondiale.
Par exemple, un maillot est créé pour raconter le mythe de trois coureurs dans un quartier peu connu mais typique de Tokyo. L'objet devient un fragment de géographie et d'histoire humaine.
Ce modèle permet de monétiser l'exclusivité narrative.
La marque devient un producteur et un conservatoire d'histoires locales ou de niches, finançant des micro-documentaires et des initiatives communautaires dont le produit est le symbole commémoratif.
3. La Marque de sport comme "Preuve de l'Engagement"
Partant du principe que le sport étant déjà une fiction, la marque amplifie cette fiction pour lui donner un impact sur la vision du monde de l'individu.
La fiction la plus puissante est celle qui permet à l'individu de se voir comme un agent de changement.
La marque de sport devient acteur politique en racontant des histoires d'engagement et dépassement éthique et/ou environnemental.
Le produit (même secondaire) est la preuve factuelle que l'histoire est possible.
Par exemple : Une marque se focalise sur la fiction de la biodiversité retrouvée. Elle ne raconte pas seulement la performance, mais l'histoire de la restauration d'un écosystème dans un lieu bien précis. Le produit devient le jeton qui finance et commémore cette histoire.
Le rôle du produit est d'aligner le fait (la matière recyclée, la réduction d'empreinte) sur une fiction (le mythe de la régénération, de l'harmonie avec la nature).
Le produit devient la preuve factuelle de l'engagement.
Si un jour, ça bascule comme cela ...
... alors on change d'histoire.
... alors le marché du sport se révolutionne.
... alors le sport change de vocation et sort du XIX° siècle.
Alors on en reparle le 2 octobre, lors des Rencontres "C'est quoi demain, une marque de sport ?"