Les deux annonces ci-dessus datent, elles, du début des années 2000. Elles font partie de différentes campagnes d'Air France destinées à faire croire aux passagers qu'entre les Navettes et les nouvelles technologies (internet, e-ticket ...), prendre l'avion va devenir aussi facile que "de prendre un taxi". Bref que le transport aérien allait devenir un moyen de transport totalement fluide.
Evidement ce discours n'est pas crédible une seconde. Toute le monde sait que prendre l'avion est une succession d'obstacles sous formes de queues, de contrôles, d'attentes diverses et , depuis peu, de chaussures à enlever, de pâte dentifrice à jeter ou de bouteille d'eau à vider, etc, etc ... Bref, que des choses très éloignées de la première image, mais qu'une compagnie comme Air France continue à vouloir incarner à travers une communication onirique et tellement décalée qu'elle ressemble ouvertement à du foutage de gueule. (voir là)
Alors quand à ces tracasseries habituelles s'ajoute un gros bug informatique dans le système de gestion des bagages, le fait de voyager en avion devient une véritable enfer. Et c'est justement ce qu'ont vécu cet été de nombreux passagers de British Airways dans le nouveau (et superbe) Terminal 5 que vient de faire construire la compagnie anglaise à Heatrow. Des dizaines de vols furent annulés et des centaines de passagers furent bloqués plusieurs jours. Bref un gros boxon qui donna lieu, entre autres, aux images comme celles ci-dessous.
Alors, pourquoi je vous parle de cela maintenant ?
Pour deux raisons.
La première est, que pour retrouver la confiance de ses clients, BA vient de lancer une vaste campagne destinée à montrer que son nouveau T5 est désormais totalement opérationnel et performant. La compagnie a pour cela monté un site Terminal 5 is working, sur lequel, chaque jour elle donne des informations très concrètes sur la façon dont a fonctionné l'aéroport la veille, et ce à la minute près parfois.
Les images ci-dessous sont des captures d'écran de ces annonces mises en ligne quotidiennement sur le site.
A noter dans cette dernière annonce juste ci-dessus, la précision importante "In the airline industry "on time" means arriving within 15 minutes of the scheludes time."
Si on ne peut que saluer cette initiative de transparence et ce discours de vérité de la part de BA, on ne peut s'empêcher, dans le même temps, de constater que, même quand cela fonctionne bien, les temps d'attentes à chaque étape du voyage restent quand même significatifs (plus de 20 minutes entre la sortie de la soute et l'arrivée sur le tapis à bagages). Ce qui veut dire - et c'est là, la deuxième raison de ce post - que quoi qu'il arrive, on sera toujours très loin du mythe technophile qui voudrait que grâce aux nouvelles technologies et au téléphone mobile, toute notre mobilité devienne fluide.
Comme si le fait que le mobile devienne un pass sans contact ou un moyen de paiement comme Japon, allait faire que tous les obstacles de la mobilité disparaissent, que les contrôle de sécurité n'existent plus, que tous les avions et les trains arrivent à l'heure et que tous les embouteillages disparaissent par magie. Il ne s'agit pas de nier le rôle fondamental que joue déjà, et encore plus demain, le mobile dans nos mobilités (voir là et là) mais cessons d'en faire l'outils magique qui va tout régler !!! Jamais l'information, même sur un petit écran de téléphone, n'a annulé la réalité de la mobilité physique soumise à tous les aléas de la vie.
Il faut d'ailleurs remarquer que les entreprises de transports qui parlent le plus de fluidité et qui annoncent régulièrement de nouveaux services sur le téléphone mobile - je pense notamment à la RATP à Paris - sont, en général, celles qui mettent le plus d'obstacles à la mobilité physique des gens. Les portiques du métro parisien doublés d'une porte rabattante, en sont la meilleure preuve, surtout pour les gens avec des bagages ou avec une poussette. Je n'ai jamais vu ailleurs dans le monde, un tel système destiné à bien faire comprendre que tout client est un resquilleur refoulé.
Si prendre le métro à Tokyo donne l'impression d'une certaine fluidité, ce n'est pas parce que les Japonais ont un mobile, mais parce qu'il ne faut jamais attendre plus de 2 minutes entre deux rames !!!!
Et c'est pour cela que la campagne de British Airways me paraît très forte, car elle tient enfin un discours honnête sur ce qu'est réellement le voyage en avion. On s'y reconnaît, et on apprécie - disons le franchement - de ne pas être pris pour des cons.
Pour finir sur l'aéroport et cette idée de fluidité, vous trouverez ci-dessous l'extrait d'un long entretien que j'avais eu il y a maintenant plus de dix ans, avec Paul Andreu, qui était à l'époque l'architecte en chef d'Aéroports de Paris.
"Les flux n'impliquent pas la rencontreOu quand la fluidité fantasmée nie la raison même du voyage, à savoir la rencontre avec l'autre.
Les gares et les aéroports sont des lieux de foules, mais sont-ils pour autant des lieux de rencontre ? En montant ou descendant d'un avion ou d'un train, on ne voit que le dos des gens.
Les gestionnaires de ces lieux attendent des architectes d'organiser des flux indépendants. Dans aucun des aéroports que j'ai conçus, on ne m'a demandé de faire se croiser les gens. Au sein de ces flux les seules rencontres face-à-face d'un voyageur, ce sont les commerçants et les panneaux de publicité. La publicité et le commerce ont leur place. Le commerce a toujours eu une fonction de sociabilisation et d'échange, mais il ne génère pas la rencontre.
Les nouveaux aéroports sont un peu comme les autoroutes. Pour éviter que les voitures ne se percutent, risquent un accident, on a bâti des échangeurs. C'est plus sûr, mais ce faisant on élimine la rencontre."