Thursday, October 30, 2008

ZIGGOURATS ET POLDERS A SHENZHEN

Cela fait maintenant plusieurs années que la Chine est devenue le support des visions prospectives des architectes trop à l'étroits en Europe ou en Amérique du Nord, et qui trouvent dans la croissance urbaine chinoise un nouveau terreau à leurs pulsions constructives. (Moi, je rêve de rencontrer un jour un architecte qui dise "Non, là, la meilleure solution serait de ne pas pas construire et de ne rien faire !" Evidement cela n'existe pas.)

Certains projets donnent parfois des images étonnantes, à défaut d'être forcément désirables. Je pense notamment à Beijing Boom Tower (voir photo ci-dessus) dont je vous ai déjà parlé, et qui propose une hyper-densité qui ferait presque passer celle de Hong-Kong pour une cité-jardin. On y retrouve, mais de façon plus clean, l'entassement et l'empilement de la défunte et fameuse walled city.

Si aujourd'hui Beijing n'est plus au coeur de toutes les préoccupations, d'autres villes lui succèdent, et notamment Shenzhen, la plus grande cité dortoir du monde située dans le delta de la rivière des Perles.

C'est probablement la ville qui a connu ces trois dernières décennies la plus forte croissance urbaine. Quand Deng Xiaoping décide, en effet, en 1980 de faire de cette zone une "zone économique spéciale", Shenzen n'est, à l'époque qu'un port de pèche de 30 000 habitants. Vingt huit ans plus tard, ce mariage entre le capitalisme le plus sauvage et la plus grande dictature de la planète, a donné naissance à une mégalopole de 15 millions d'habitants. Soit une croissance annuelle de + 28 % jusqu'en 2006, et d'à peine + 15 % en 2007 !!!

Alors évidement cela donne des idées constructives. Parmi tous les projets qui circulent actuellement dans les expos d'archi, j'ai relevé celui de JDS Architects, intitulé Shenzen Logistic City (SLC), visant construire pas moins de 2,5 millions de mètres carré (sic) dans une méga tour de 1 100 mètres de haut ! Evidement ce projet n'a aucune chance de se réaliser à court terme, mais montre qu'à nouveaux défis urbains répondent nouvelles réponses architecturales et nouvelles logiques urbaines

Sur le plan visuel cela donne les images ci-dessous, qui associent tous les marronniers de l'architecture actuelle. Verdure et éoliennes à tous les étages, le tout enrobé dans un esthétisme de promoteur.

Quand j'ai vu cela, j'ai tout de suite pensé à la fois aux images de Moebius dans l'Incal (voir et ) mais aussi aux nombreuses représentations de la Tour de Babel, inspirées des ziggourats. Moi évidement je préfère les visions plus bordéliques et crapoteuses des peintres que les images aseptisées des cabinets d'architecture.

Mais si je vous parle de ce projet, c'est, de façon paradoxale, non pas pour ce qu'il nous dit, mais pour ce qu'il nous dit pas de Shenzen aujourd'hui.
En effet, pour justifier son projet SLC, JDS Architects nous explique avec des photos aériennes datant de 1988 et 1996 que la croissance de la ville se fait depuis 20 ans sur la mer via d'importants travaux de poldérisation, et que pour lutter contre cet étalement, il faudrait mieux construire en hauteur.
Voir ci-dessous les gains sur le mer avec les photos de 1988 et 1996.

Pour mieux comprendre, j'ai foncé sur Google Earth pour voir comment cela avait évolué depuis 1996. Les images sont ci-dessous, et parlent d'elles-mêmes.


Oui, c'est impressionnant. Et c'est comme cela qu'à l'occasion d'un projet de tour, on découvre que les Chinois ont fait, en gros, en trente ans ce que les Hollandais ont fait en trois cents ans !!!

La question que je me pose est simple : c'est quoi la croissance urbaine demain en Asie, les ziggourats ou les polders ? La réponse est sans doute "les deux", comme à Hong-Kong, Singapour et Dubaï. C'est juste une nouvelle étape de la croissance urbaine comme on en a jamais connu tant par sa rapidité que par son ampleur.
Rappelons qu'en 1979, quand Deng Xiaoping lance sa politique et donc la croissance de Shenzen, 82% des Chinois étaient paysans. En 2050, 70% de la population sera urbaine. Rappelons aussi une autre réalité trop souvent oubliée, les 2/3 de la surface des villes et des zones industrielles actuelles, étaient encore des terres agricoles en 1980.

Offshoring Audacity

Voir sur ce sujet des nouvelles croissances urbaine hors-Occident, la conférence qui aura lieu le 8 novembre prochain à Chicago sur le thème Offshoring Audacity.

Voilà comment le débat est posé : Look abroad: whole cities are planned, built, and inhabited in less than a generation. Artificial islands, indoor ski slopes, and the world’s tallest this-and-that are being constructed, not in the West, but in the Middle East, China, and beyond. The result: a sense that the West’s cities are falling behind and, increasingly, watching from the sidelines. A dynamic panel will discuss the accuracy of this assessment of today’s architectural situation. What are the urban implications of so-called offshoring audacity, and how can the phenomenon be described without resorting to nationalism, nostalgia, or even uncritical celebration?

Participera, entre autres, à cette rencontre Joseph Grima, l'auteur du récent et stimulant "Instant Asia: Fast Forward Through the Architecture of a Changing Continent".