Saturday, October 09, 2010

L'INDE, SON CHHAKDA ET SES 100 MILLIONS DE PAUVRES SUPPLÉMENTAIRES



"Dans la région du Saurashtra, situé dans le Gujarat, le chhakda, un rickshaw motorisé à trois roues fabriqué localement, fournit un moyen de transport à six milles villages.

L'engin, qui réunit une moto de marque Bullet, les roues d'une voiture Fiat et une pompe à eau marchant avec un moteur diesel, peut transporter jusqu'à trente passagers et rouler trente-cinq kilomètres avec un seul litre de diesel.

Ce véhicule, qui n'a été que récemment reconnu comme légal par les autorités, intéresse maintenant des acheteurs en Afrique orientale et au Bangladesh
"
Ces quelques lignes son extraites de l'excellent livre de Pavan K Varma, Le Défi Indien.

Elles peuvent apparaître à la fois anecdotiques et anachroniques, notamment au vu de la croissance du marché automobile indien ( + 25,1% en 2009 pour les voitures particulières, et + 28 % si on intègre les véhicules utilitaires ) qui fait aujourd'hui saliver tous les constructeurs occidentaux et japonais.

Elles peuvent apparaître, au contraire, annonciatrices d'une mutation radicale dans la façon d'aborder l'automobile dans les années qui viennent dans les pays pauvres, mais aussi dans le reste du monde.

Pourquoi je vous dit cela ? Tout simplement parce que le marché automobile indien - mais il est pas le seul - est aujourd'hui d'une terrible fragilité. Il suffit que l'essence augmente de quelques roupies pour qu'une bonne part de la mobilité motorisée indienne s'en trouve bouleversée car devenant inaccessible à une bonne part de la population. Voir à ce sujet les grèves qui ont bloqué le pays en juillet dernier, à l'occasion de la hausse du prix des carburants suite à la libéralisation du marché et à la fin des subventions décidées par l’Etat.

On comprend dans ces conditions que la voiture traditionnelle, même à très bas prix comme la Nano de Tata, va longtemps rester réservée à une minorité.

Et ce d'autant plus que le gouvernement indien a du reconnaître dans un rapport de la Commission au plan paru en avril dernier, que le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté dans le pays ne s'élevait pas à 330 millions, soit 27,2% de la population, mais à 440 millions, soit 37,2% de la population !!!

De plus selon Multidimensional Poverty Index et l’International Food Policy Research Institute, il y a d'avantage de démunis qui souffrent de la faim dans huit Etats indiens que dans les 26 pays africains les plus pauvres, soit 421 millions d’Indiens contre 410 millions d’Africains. On est très loin de l'Inde conquérante et riche que l'on essaie de nous vendre. La prospérité indienne est foncièrement inégale. Le nombre de millionnaires a progressé de plus de 50% en un an, pour atteindre le nombre de 126 700 personnes.

Si on part du constat que demain le monde comptera toujours plus de pauvres (voir ), on comprend que les solutions notamment de mobilité, mais pas seulement, qui s'inventent aujourd'hui en Inde pour répondre aux besoins des plus pauvres, peuvent apparaître comme des pistes très fécondes d'innovation pour le futur. ( voir Et si c'était en Inde que s'inventait une partie de notre avenir urbain ? )

Et avec cet état d'esprit, on ne peut plus regarder le chhakda comme une anomalie marginale dans la belle histoire du progrès, mais au contraire comme une formidable piste d'innovation frugale que nous donnent aujourd'hui les pays les plus pauvres (voir et )