Tuesday, January 24, 2012

QUAND LE BORDEL CRÉE DE L'INÉDIT QUI FONCTIONNE

Pour faire suite à mon précédent post sur le bordel urbain, ces quelques lignes tirées du Lagos - Harvard City Project.
"A Lagos, l'espace public est constamment occupé de façon nouvelle. Les trottoirs sont envahis par les colporteurs, les vendeurs de produits alimentaires, les mécaniciens, les tailleurs, le coiffeurs et toutes sortes de petits entrepreneurs. dans l'anarchie ambiante, tous se bousculent pour quelques mètres carré de surface. La vie prospère dans l'engorgement de ces rues.
L'agitation de ces rues et leur activité en général installées en périphérie urbaine doit son origine à une implosion de la banlieue. Dans la métropole nigériane, la banlieue n'est pas limitée à la périphérie de la ville, comme c'est la norme. Elle implose littéralement à l'intérieur de la cité.»

"Situé à l'intersection de la rocade d'Appas Oworonski et du cul de sac de la voie express nord-sud de la ville, Agege Road, le marché d'Oshodi a transformé l'infrastructure de transport existante - une bretelle d'accès inachevée et une voie de chemin de fer presque désaffectée.


Les deux réseaux routiers n'ont jamais été bien relié, le croisement en trèfle a seulement deux feuilles et demi. Les flux automobiles perpendiculaires l'un l'autre s'ignore totalement.»

«Et pourtant le système fonctionne - de nombreux services et équipements ont colonisé les bretelles de sorties d'échangeurs. Ils forment une superposition complexe de prestation urbaines - une gare ferroviaire, des arrêts de bus urbains et suburbains, des stations de transport, plusieurs marchés différents, des garages pour véhicules, une école, une église et des centaines voir des milliers de stands en tout genre.

Si l'on prend en critère l'efficacité et non la vitesse d'écoulement du trafic cette intersection "avortée" fonctionne extraordinairement bien.

Les commerçants et les entreprises de transport du district se sont littéralement appropriées l'infrastructure de transport, la ligne de chemin de fer et Agege Road. Ils ont également entrepris de construire de nouvelles voies et d'établir de nouveaux droits de passage, transformant ainsi une infrastructure en un marché, un lieu stérile en un pole productif. 
Perpétuellement rythmé par le trafic ferroviaire, Oshodi se maintient dans un état de flux permanent.
A priori rien ne devrait fonctionner et tout fonctionne."
Lagos - Harvard City Project

"Lagos, qui peut être vu comme le paradigme et la forme extrême et pathologique de la ville africaine, pose une énigme fondamentale : elle continue d'exister et maintient sa productivité malgré une absence quasi totale d’infrastructures, de systèmes d’organisation et d’aménagements qui définissent traditionnellement la notion de "ville" au sens occidental.

Lagos bouleverse toutes les idées reçues sur les caractéristiques essentielles de ce que l'on appelle la "cité moderne". Pourtant à défaut d'un terme plus adaptée, Lagos est bel et bien une ville - et une ville qui fonctionne.

La situation urbaine de Lagos, qui se développe, se transforme et s'améliore à un rythme soutenu, permet en effet la survie de plus de quinze millions de personnes.

Déplorer les carences de Lagos en matière de systèmes urbains traditionnels revient à occulter les raisons de la pérennité extraordinaire de la ville et d'autres mégapoles comparables. Ces carences ont engendrés des systèmes alternatifs ingénieux et déterminants, qui imposent une redéfinition de certaines notions telle qu'infrastructures de transport, stabilité et même ordre, autant de concepts sacro-saints dans les domaines de la planification urbaine et des sciences sociales connexes.

Le fonctionnement de la mégapole de Lagos illustre l'efficacité à grande échelle de systèmes et d'agents considérés comme marginaux, liminaires, informels ou illégaux par rapport au concept traditionnel de ville."
Lagos - Harvard City Project