Wednesday, July 09, 2014

LE CRICKET INDIEN OU LE SYMPTOME DE LA FIN DES STADES ?

Dans la série "Nouveaux imaginaires du sport".

En ces temps de Coupe du Monde de Football, il est bon de rappeler que certaines contrées de notre Terre sont totalement étrangères à cette culture du ballon rond. Parmi celles-ci, on peut citer l'Inde qui malgré ses longues années de colonisation anglaise, n'a jamais adopté ni le foot, ni le rugby.

Il faut dire que dans un pays structuré par les castes et qui a inventé la notion d'intouchable, le fait de pouvoir être touché ou de devoir toucher un personne d'une classe inférieure est toujours aussi rédhibitoire pour beaucoup d'Indiens.

C'est pour cela que les Indiens n'ont retenu des sports anglais que ceux où il n'y a aucun contact physique : le tennis et surtout le cricket, véritable religion nationale capable de déchainer les pires passions, notamment quand l'équipe nationale joue contre le Pakistan.

Lors de la Coupe du monde de cricket de 2007, Nike avait très bien rendu compte de cette passion avec ce superbe spot  (mettre fort, la bande son est géniale !!). Tout y est, notamment le côté totalement bordélique des villes indiennes envahies par les voitures.

On comprend que dans ce contexte culturel, certains promoteurs aient imaginé de construire des villes privées axées autour du cricket.

En soit cette idée n'a rien de choquant, ni de neuve, cela fait des décennies en effet que se construisent aux Etats-Unis et ailleurs des villages tournées uniquement autour du golf - voir "le golf comme idéal urbain ?

Mais ce qui est intéressant en Inde, c'est que ces projets de "Cricket City" n'ont pas pris. Si les riches indiens aiment le cricket, ils n'y jouent pas forcément et - surtout - ils ne jugent pas le cricket assez  valorisant socialement. Ils préfèrent investir dans de faux villages suisses - voir - ou dans des programmes les coupant du reste de la population - voir . 

L'autre explication est aussi que le cricket se jouant partout et il n'a plus besoin de stade pour être pratiqué. Les villes indiennes sont toutes devenues des "cricket city", même quand on y compte aucun stade.

La meilleure illustration de cette idée est ce tout récent spot "Make Every Yard Countsigné Nike qui dit tout de la vitalité du cricket en Inde ... surtout en dehors des stades.

Une réalité sportive qui pose évidement la question de savoir à quoi ressemblera un stade demain ? et 

Mais une réalité qui pose aussi - et surtout - la question de savoir qu'est ce qui demain justifiera que l'on continue à investir dans des stades alors que la grande majorité des pratiques sportives sont informelles et qu'il y a probablement d'autres urgences urbaines à régler que de construire des bâtiments vides 99% du temps ? 
Ce qui se passe au Brésil aujourd'hui avec la contestation contre les millions investis dans des structures qui ne serviront presque plus à rien après la Coupe du monde, est le meilleur témoignage de ce débat.

Enfin, les nouvelles pratiques sportives ne peuvent qu'inciter à se poser la question de la nature et de la forme des équipements dans le futur quand on voit les nouvelles pratiques sportives - voir "Quand Red Bull brouille nos regards sur la chute" et ""Faire les cons" ou le quatrième temps du sport ?"

On reviendra forcément sur ce sujet le vendredi 26 septembre lors de notre prochain Atelier autour du thème "C'est quoi penser la performance sportive ?"