Ce fut d'abord le cas en Europe puis aux Etats-Unis. Ce fut ensuite le cas en Asie, avec le Japon, la Corée du sud et bien sur la Chine, et dans une moindre mesure, dans certains pays du sud-est asiatique comme la Thaïlande, l'Indonésie ou le Vietnam ...
L'étape suivante de cette histoire aurait du être l'Inde et l'Afrique. Mais ça ne sera pas forcément le cas.
Car si ces pays ont vocation à accueillir des industries, celles-ci ne vont, en effet, pas forcément créer beaucoup d'emplois.
Quand Foxconn s'est installé en Chine, l'entreprise a du employer des dizaines de milliers de travailleurs chinois pour faire tourner ses usines
Quand Foxconn annonce qu'il va s'installer en Inde, on peut penser que l'entreprise va surtout mettre des robots dans ses usines ... et très peu d'ouvriers indiens.
Et si création d'emplois il y a, ca sera totalement marginal face aux défis que doit relever l'Inde pour occuper les dizaines de millions de jeunes qui vont arriver sur le marché du travail dans la décennie à venir.
C'est ce qu'explique très bien James Crabtree, correspondant du FT à Mumbaï, dans un récent article titré : "Spectre of automation hangs over India" .
"The spectre of automation hangs uneasily over the world economy. Industrial nations fear armies of robots will wipe out blue-collar jobs, while clever algorithms pick apart once-impregnable skilled professions. Across east Asia, there are related anxieties about factories emptied of people and filled with whirring machines. In India, though, the concern is more that companies may chose never to hire human workers in the first place. (...)
(...)"Foxconn founder Terry Gao is a fan of replacing humans with robots - he said this year that one-third of his workers would be replaced by automation. His company has also been vague on the precise nature of its Indian plans."(...)A cela s'ajoute, pour les pays émergents nouvellement industrialisés, un phénomène de désindustrialisation précoce qui menace la base même de leur développement - voir "les pays émergent face à la désindustrialisation".
A peine industrialisés, ces pays voient, en effet, une partie de leurs usines nouvellement implantées déjà repartir vers d'autres cieux où le salaires sont moins élevés ou - et c'est cela la nouveauté - vers des pays misant sur la robotisation à l'extrême.
De façon plus globale, les nouvelles formes d'industries pensées autour des robots sont en train de casser les schémas de développement industriel développés depuis la fin du XIX° siècle.
La robotisation risque donc, non seulement de détruire des millions d'emplois dans les pays développés, mais aussi de tuer l'industrialisation dans les pays en voie de développement.
Dans ces conditions peut-on croire comme le fait comme Pierre Noël Giraud dans "l'Homme inutile", que le développement et la croissance de l'Afrique passera par la création de l'équivalent de zones Shenzen capables d'accueillir des usines ?
Peut-on encore croire que l'industrie tel qu'elle se dessine avec des robots, va permettre à des millions de gens de sortir de la pauvreté ?
N'est-ce pas là une analyse un peu dépassée au vue de l'évolution des systèmes productifs actuels ? Ou, pour reprendre une phrase de Giraud lui-même, ce genre d'analyses ne relève-t-elles pas de ces «économistes qui se laissent souvent orienter, dans leurs recherches, par les modèles et les bases de données construits pour résoudre des « problèmes » de l’époque antérieure». On ne saurait mieux dire ...
Question : dans ces conditions, ce sont quoi les formes d'industrie de demain qui vont donner de l'emplois non seulement en Occident, mais aussi dans des zones aussi peuplées et pauvres que l'Inde ou l'Afrique ?
Autre question : où faut-il regarder pour penser le système productif de demain si on refuse qu'il soit dominé par le deuxième âge des machines ?
Autre question encore : faut-il encore penser l'industrialisation de demain autour de méga-usines ultra robotisées ou plutôt autour de réseaux de micro-factories capables de redonner de l'emploi partout sur tout les territoires ?
On essaiera de répondre à ces questions, et à quelques autres,
ce jeudi 3 décembre lors de l'Atelier "Où s'invente le travail de demain ?"
Ce post est à mettre en perspective avec les récents :
- Comment penser le futur du travail ?
- Travailler demain : 2 craintes / 2 espoirs
- Un avenir entre fab-labs et algorithmes ?
- L'industrie 4.0 va-t-elle tuer le mouvement makers ?