"Quand nous passons les contrôles de sécurité d’un aéroport, le plateau gris sur lequel le voyageur doit placer son bagage à main pour qu’il passe aux rayons X s’est couvert de publicité."
"Récemment, alors que je m’installais dans un avion pour Chicago, en dépliant la tablette face à mon siège j’ai découvert que sa surface était entièrement recouverte d’une publicité pour Droid, le smartphone multimédia.
À l’aéroport international d’O’Hare, la rampe mobile de l’escalator répétait à l’infini un message du groupe financier Lincoln : « C’est toi qui décides® ».
Une fois arrivé à mon hôtel, on m’a remis une carte clé magnétique dont une face vantait les restaurants Benihana. Jusqu’à il y a peu de temps encore, le fait que ce type de carte magnétique offre une surface visuellement exploitable de quelques centimètres carrés était passé inaperçu, ou plutôt il n’avait pas été monétisé.
La dernière grande découverte du capitalisme, c’est que plus que dans une économie de l’information, nous vivons dans une véritable économie de l’attention, du moins si on applique le terme d’« économie » à toute ressource rare et donc précieuse. Comme l’illustrent les exemples que je viens de donner, ce qui compte dans cette affaire c’est le développement d’une technologie sociale, pas l’invention d’un gadget électronique : il n’y a rien d’intrinsèquement « numérique » dans le fait de transformer une surface à caractère indéniablement public en instrument de marketing."(...)
(...) "Il semble bien que L’Oréal ait mis les services de sécurité aéroportuaires de son côté. Mais qui a décidé d’exploiter commercialement la surface des plateaux destinés aux bagages à main ? Personne, bien entendu, du moins personne ne l’a fait au nom de la collectivité. Quelqu’un s’est contenté de faire une suggestion, suscitant la seule réponse raisonnable possible du point de vue de « personne », justement : des plateaux vierges de toute inscription trahissent l’usage « inefficace » d’un espace qui pourrait être utilisé pour « informer » le public d’une série d’« opportunités ».
Extraits de "Contact - Pourquoi nous avons perdu le monde et comment le retrouver ?" de Matthew B. Crawford.
Mais la bannette d'aéroport ce n'est pas que de la publicité, c'est la banalisation de l'obsession sécuritaire, celle de notre mise à nu quand on prend l'avion, celle qui nous fait comprendre que l'on est tous suspect, celle qui nous montre que l'on subit tout cela sans problème... bref, la bannette d'aéroport est probablement un de ces objets symboliques de nos modes de vies mobiles, mais totalement oubliée alors qu'elle en dit probablement beaucoup plus sur notre époque que beaucoup d'autres objets.
Ca renvoie très directement à :
- "Le même monde"
Voir aussi "Exciting nomadic life".