Pour prolonger le précédent post sur le corps et ses supposés normalités - voir "C'est quoi être gros ?", je vous propose de lire les quelques lignes ci-dessous extraites du magnifique film "La relève : histoire d'une création" dans lesquelles Benjamin Millepied, alors Directeur du ballet à l'Opéra de Paris, explique comment une certaine vision du ballet peut symboliser le refus de la différence.
« C’est très très difficile de rentrer dans le corps de ballet de l'Opéra de Paris.
Il y a une sélection physique, une sélection de corps.
Le corps d’un danseur se doit d'avoir de longues jambes, d’avoir un long cou, d’avoir de longs bras, etc, etc ...
Les danseurs d’opéra sont dans un système qui les met en doute tout le temps. Tous les ans, ils ont une audition, un concours. Donc tous les ans, ils se mettent en doute et ils se mettent en doute les uns par rapport aux autres. C’est l’armée, avec des notes pour passer le niveau au dessus et un grade par rapports aux autres. Et cela depuis qu’ils sont tout petits.»
« C’est dommage qu’il y est toute cette hiérarchie, parce que elle n’a pas lieu d’être. Ils ont déjà passé toute leur vie à apprendre ce métier de danseur, et on va continuer à les classer, à leur dire « Toi t’es troisième, toi t’es quatrième » « Toi t’as les pieds qui pointent pas ! »
Mais à quoi aboutissent tous ces concours et tout cette hiérarchie ? À créer de la peur, beaucoup de peur. A l’Opéra de Paris, il y une énorme peur de la hiérarchie. » (...)
(...) « J’ai envie d’avoir une compagnie de ballet qui soit diverse. Avec des danseurs de nationalités différentes. De couleurs différentes sur scène.
Moi j’ai entendu très clairement quand je suis arrivé, qu’on ne met pas une personne de couleur dans un corps de ballet, car c’est une distraction. C’est à dire que s’il y a 25 filles blanches avec une fille noire, on ne va regarder que la fille noire.
Dans un grand ballet tout le monde doit être pareil. Et donc tout le monde pareil, ça veut tout le monde doit être blanc.
Quand on arrive des Etats-Unis et qu’on entend cela, cela fait peur. C’est une énorme connerie de dire cela. Il faut que je casse cette idée qui est raciste au fond.
Comment on va changer le public du ballet, si on a pas aussi des danseurs sur scène dans lesquels le public peut se reconnaître ? »