"J’étais loin de m’en douter, mais l’étape la plus mémorable de ma vie d’auto-stoppeur m’attendait : un camion-benne, avec déjà cinq gars vautrés à l’arrière, et les chauffeurs, deux jeunes fermiers blonds du Minnesota, qui ramassaient tous les gens qu’ils trouvaient sur leur route — on n’aurait pas pu rêver deux culs-terreux plus souriants et plus joyeux, tous deux en chemise de coton et salopette à même la peau, des poignets puissants, et de grands salussava pour tout ce qui croisait leur chemin. Je cours jusqu’au camion, je dis : « Y a de la place ? » et ils me répondent : « Et comment, grimpe, y a de la place pour tout le monde. » J’ai grimpé, baba devant la simplicité des circonstances. Je n’étais pas sur la plate-forme que le camion démarrait déjà en trombe, j’ai piqué du nez, un des gars m’a rattrapé, j’ai réussi à m’asseoir tant bien que mal."
extrait du "Sur la route" de J. Kerouac
A l'époque de Kerouac, on ne parlait pas d'économie du partage, mais on pratiquait le partage. On prenait gratuitement des gens qui faisaient du stop.
Aujourd'hui, on parle beaucoup d'économie du partage, mais on ne pratique plus le partage. On ne prend plus d'auto-stoppeurs, on vend des places dans une voiture via des sites sur le net.
Bref ce que certains nomment l'économie du partage, c'est tout sauf du partage.
C'est juste de la course obsessionnelle au gain.
C'est juste de l'hyper-capitalisme - tout est prétexte à gagner de l'argent.
"J'ai une place dans ma voiture ? je la vend sur Blablacar."
"Je laisse ma maison vide un week-end ? je la loue sur Airbnb."
En soit, cette marchandisation à outrance ne me choque pas plus que cela.