"Après une chasse au caribou fructueuse, un chasseur gwich’in se penche sur sa proie à terre et désormais sans vie, sort son couteau, ouvre le ventre pour vider les entrailles. Une odeur âcre s’échappe des chairs mises à nu : les intestins sont malades, pourris. Le chasseur se tourne vers moi : « Tu vois, les Chinois polluent et les caribous meurent », me dit-il. Au fil de la discussion, je comprends que nombre de caribous, sont victimes de maladies jusqu’alors inconnues, liées aux lichens qu’ils mangent, dans lesquels se concentrent les retombées de pluies acides provenant de la pollution des quatre coins du monde. On imagine aisément le sentiment d’impuissance qui saisit alors le chasseur face à son caribou mort, à des centaines de kilomètres du monde moderne et de ses infrastructures, sur une toundra d’altitude au-dessus du cercle arctique. C’est de ce brouillage des champs qu’il s’agit : un chasseur isolé dans le subarctique alaskien connecte les entrailles de sa proie au reste du monde, « les Chinois » venant signifier cette humanité invisible lointaine massive moderne et citadine dont les activités se répercutent jusqu’ici."
Les lignes ci-dessus sont extraites du passionnant livre de l'ethnologue Nastassja Martin, "Les Âmes sauvages. Face à l'occident, la résistance d'un peuple d'Alaska".
Non, rassurez-vous, contrairement à ce que pourrait laisser entendre le titre un peu manichéen, ce n'est pas une apologie du bon sauvage face au méchant homme blanc (ou jaune).
Et non, ce n'est pas non plus un livre catastrophe de plus sur le réchauffement climatique.
C'est beaucoup plus subtil et plus intelligent que cela.
Et non, ce n'est pas non plus un livre catastrophe de plus sur le réchauffement climatique.
C'est beaucoup plus subtil et plus intelligent que cela.
C'est un travail qui interroge très sérieusement notre façon de penser le monde et qui nous fait comprendre que les approches low-tech des peuples proches de la nature seront sans doute plus efficaces à long terme pour faire face au dérèglement climatique que notre fuite, à nous occidentaux, dans la technologie.
Bref, c'est à lire absolument pour essayer de penser un tout petit peu autrement et en dehors de la doxa occidentale dominante. Ca fait beaucoup de bien.
Bref, c'est à lire absolument pour essayer de penser un tout petit peu autrement et en dehors de la doxa occidentale dominante. Ca fait beaucoup de bien.
Les photos, elles, viennent de "Listen to the Gwich'in" ... et appréciez la frugalité du motoneige ci-dessus.