Ce post prolonge "et si la vraie géopolitique du sport, était désormais celle du climat ?"
Pendant un siècle, le sport mondial a vécu sous l'illusion de sa propre autonomie.
Le CIO et la FIFA régnaient en monarques, distribuant les Jeux et les Coupes du monde comme des faveurs diplomatiques.
Cette époque est en train de prendre fin.
Car une nouvelle puissance jusque là invisible, mais beaucoup plus implacable que n'importe quelle fédération sportive, est en train de prendre les commandes : la ré-assurance.
Aujourd'hui, l'attribution d'un événement n'est plus une question de soft power, mais une question de solvabilité environnementale.
Le rôle des assureurs et des réassureurs (ceux qui assurent les assureurs, comme Swiss Re ou Munich Re) est le pivot invisible de cette nouvelle géopolitique.
Les réassureurs ne sont plus de simples prestataires financiers, ils sont devenus les nouveaux cartographes du possible.
Si Swiss Re, Munich Re, Lloyd’s refusent de couvrir un événement, celui-ci n'existe pas.
L'isotherme, nouvelle frontière du possible
Le concept d’universalisme sportif est en train de disparaitre derrières les cat models, ces outils algorithmiques qui simulent des milliers de scénarios de catastrophes naturelles (séismes, canicules, inondations...) pour prédire statistiquement l’ampleur des pertes financières potentielles sur un lieu donné
Pour Los Angeles 2028, le défi n'est pas de construire des stades, mais de sécuriser un "bouclier thermique". Les assureurs imposent désormais un diktat fondé sur l'AQI (Air Quality Index).
Ça ne sera pas le comité d'organisation qui décidera du maintien ou non d'une épreuve, mais les capteurs de particules fines !!
À Los Angeles, si la fumée des incendies de forêt devenus chroniques sature l'air, le contrat de ré-assurance s'interrompt.
Le sport devient un privilège thermique : seuls les pays capables de garantir une "bulle de fraîcheur" et un air filtré via une infrastructure énergétique colossale vint rester dans le jeu.
L'ère paramétrique
Avec l'attribution des JO 2030 aux Alpes française, nous avons assister à la mort de l'assurance classique.
On n'assure plus un risque (l'aléa), on gère une certitude (la fonte).
C'est ici qu'apparaît l'assurance paramétrique : un contrat froid, déclenché automatiquement par la donnée.
Si la température moyenne dépasse un seuil de 2°C sur le site de compétition, l'indemnisation tombe sans discussion.
Cette bascule transforme le budget des Jeux en une gigantesque taxe climatique.
Les banques ne suivent plus les investissements dans les stations de moyenne altitude — devenues des "actifs échoués" — sans une garantie souveraine de l'état.
En réalité, la France n'a pas gagné les JO 2030 par son prestige, mais par sa capacité financière à s'auto-assurer car le risque climatique rendait le projet n'était pas assurable par le seul secteur privé.
La ségrégation par le risque
Le pouvoir des ré-assureurs va donc dessiner une nouvelle carte du monde.
C'est le phénomène dit du bluelining, cette pratique financière par laquelle les assureurs et les banques décident de se retirer de façon pure et simple des zones à haut risque environnemental.
Un pays du Sud, même avec des infrastructures ultra-modernes, peut se voir rayer de la carte sportive si son exposition aux cyclones ou aux vagues de chaleur rend la prime d'assurance prohibitive.
L'assurance par la fragmentation
Pour réduire le "risque d'agrégation" (trop d'actifs au même endroit), les assureurs forcent les organisateurs des grands événements sportif à l'éclatement ou à la fragmentation géographique des épreuves.
Le Mondial 2030 sur trois continents n'est pas une hérésie écologique par accident, c'est une stratégie de couverture financière ("hedging").
La FIFA a utilisé le hedging géographique en éclatant le Mondial 2030 sur trois continents afin que si un sinistre climatique majeur touche l’un des continent cela ne coule pas l'intégralité du tournoi… et évidement les revenus financier du tournoi.
L'Arabie Saoudite 2034 ou la « bulle de survie »
Le cas saoudien est l'aboutissement de cette logique.
Pour se voir attribuer l'organisation de la Coupe du monde 2034, l'Arabie Saoudite n'a pas vendu du football... mais de l'ingénierie de résilience.
Dans un monde plus chaud, la puissance ne va plus se mesurer au nombre de licenciés, mais à la capacité de maintenir une pelouse à 22°C par 45°C extérieurs.
Le sport devient le laboratoire marketing de la survie technologique.
Les ré-assureurs valident ces projets car ils reposent sur un contrôle total des variables physiques.
Le Neom Stadium intégré dans une structure urbaine régulée, est un actif parfait pour un assureur : un environnement clos où l'aléa climatique est techniquement supprimé.
Le passage du prestige au risque
Nous avons donc changé d'ère.
Ça se sait peu, mais le sport de haut niveau est désormais classé par les assureurs et ré-)assureurs dans la même catégorie que l'exploitation pétrolière offshore ou le transport nucléaire : une activité à haut risque systémique !
Le « soft power » sportif est mort.
Il est aujourd'hui remplacé par le «hard risk power management », c’est à dire par les impératifs techniques et financiers (modélisations climatiques, clauses d'assurance, contraintes d'ingénierie) qui deviennent plus important que les considérations politiques ou sportifs pour déterminer la faisabilité d'un projet.
Ce nouvel ordre climatique et assurantiel va dessiner une double rupture :
Une rupture géographique : nous allons assister à l'émergence d'un véritable apartheid climatique, où l'universalisme sportif s'efface devant une "souveraineté thermique".
Une rupture de légitimité : le pouvoir va changer de mains. Les présidents de fédérations vont désormais céder leurs places aux géants de la réassurance qui décideront de l'existence ou non des événements.
On poursuit la réflexion dans le post suivant.
