Wednesday, December 10, 2025

ÇA POURRAIT RESSEMBLER À QUOI LE MARKETING DE L'EFFONDREMENT ® ?

Dans notre précédent post nous évoquions l'idée que si les marques de sport s'emparaient des imaginaires de la guerre, "ce marketing de l'effondrement ® pourrait valoir des centaines de milliards demain".

Nous avions volontairement mis un ® à marketing de l'effondrement afin d'accentuer la tension paradoxale que contient cette expression qui vise à utiliser les outils du marketing pour accompagner ce qui a priori menace très directement ses finalités, à savoir la vente et la croissance de la consommation.

Une fois ceci dit, nous avons eu envie d'aller plus loin avec une question toute simple : 
Et si demain, une école de commerce délivrait un MBA Spécialisé en "Marketing de l'effondrement ®", quels seraient ses arguments pour vendre sa formation ?

Voilà ce que nous avons imaginé

Manuel pour écoles de commerce (MBA spécialisé)

"Comment transformer l'anxiété existentielle en croissance exponentielle à deux chiffres"

1. Le dernier marché vierge. L'effondrement est le seul territoire de consommation encore non saturé. Tous les autres besoins sont couverts. La peur de mourir ? Marché infini, indémodable, universel : 8 milliards de clients potentiels qui veulent tous survivre.

2. Une élasticité-prix maximale. Quand il s'agit de survie, le consommateur n'est plus sensible au prix. Un kit à 500€ ou 5000€ ? Quand c'est "ta vie ou ton portefeuille", le pricing devient émotionnel, non rationnel. Marges exceptionnelles garanties. Le luxe vendait du superflu cher ? Nous vendons du vital encore plus cher !

3. Une obsolescence accélérée par la menace. Chaque nouvelle catastrophe (canicule record, guerre, pandémie...) relance le cycle d'achat. Les clients upgradent naturellement leur préparation. Pas besoin de créer artificiellement l'obsolescence : l'actualité le fait pour vous. Modèle de revenus récurrents garanti par l'aggravation continue de la situation mondiale.

4. Une clientèle premium captive. Les CSP+ sont terrifiés mais ont les moyens. Ils paieront n'importe quoi pour sécuriser leur famille. Ce ne sont pas des achats impulsifs, ce sont des "investissements vitaux". Lifetime value client exceptionnelle : une fois entré dans la logique de préparation, il achète en continu.

5. La responsabilité individuelle = la poule aux oeufs d'or. En transférant la responsabilité de la résilience collective vers l'individu, on crée un marché par personne. Pas de mutualisation, pas de communs, que des solutions individuelles vendables. "C'est TON kit, TA survie, TA responsabilité (et TON achat)."

6. Un marketing sans responsabilité. Impossible de prouver que le produit ne marche pas avant qu'il soit trop tard (et là, plus de SAV possible !!). Zéro risque réputationnel. Si l'effondrement n'arrive pas : "heureusement qu'on était préparés". S'il arrive : les clients morts ne se plaignent pas. Business model rêvé : promesses invérifiables.

7. Un storytelling émotionnel très puissant. Les campagnes peuvent jouer sur : l'amour familial ("protège tes enfants"), la responsabilité paternelle/maternelle, la culpabilité ("et si tu n'avais rien fait ?"), l'héroïsme ("sois celui qui sauve sa famille"). Leviers émotionnels infiniment plus puissants que "achète une nouvelle voiture".

8. La peur = un très bon moteur d'achat. Le désir est capricieux, la peur est constante. Un client qui a peur achète impulsivement, immédiatement, sans comparaison concurrentielle. La peur court-circuite la rationalité. C'est du neuromarketing optimisé par l'instinct de survie. Taux de conversion exceptionnels.

9. Une légitimation par la science. Les rapports du GIEC, de l'ONU, de scientifiques font ta publicité gratuitement. Chaque nouveau rapport alarmiste est une campagne pub gratuite pour notre industrie. On n'a même pas besoin de convaincre que la menace existe, des institutions crédibles le font pour nous. On se contente de vendre les solutions.

10. Une segmentation infinie. Effondrement climatique, guerre nucléaire, pandémie, crise financière, cyberattaque, pénurie alimentaire, rupture énergétique... Chaque menace = une gamme de produits. Cross-selling et up-selling naturels : le client qui achète pour une menace veut aussi se protéger des autres. Panier moyen en croissance exponentielle.

11. Des communautés d'ultra-fidèles. Les preppers/survivalistes forment des communautés passionnées, évangélisatrices, qui font le marketing pour vous. Ils créent du contenu (YouTube, forums, réseaux sociaux...), organisent des événements, se forment mutuellement. Le contenu généré par ces ambassadeurs gratuits et très motivés est juste énorme.

12. Une premieumisation facilité. Facile de créer des gammes luxury : bunker design, kit de survie en cuir italien, cours de résilience avec coachs renommés... Les riches anxieux paieront 100 fois le prix pour du "haut de gamme apocalyptique". Le statut social peut se performer même dans la préparation à l'effondrement. Il faut imaginer créer le LVMH de la survie !

13. Un B2B gigantesque encore inexploité. Au-delà du B2C : les entreprises doivent préparer leurs "business continuity plans", les villes leurs plans de résilience, les États leurs stratégies d'adaptation. Contrats publics massifs. Le marché institutionnel est 100 fois plus gros que le marché consommateur et il est obligatoire (normes, régulations).

14. Un immense désir d'expertise. Devenir expert en résilience/effondrement confère un statut social nouveau. Les formations certifiantes, les diplômes, les consultants se multiplient. On peut vendre de la connaissance (immatériel et donc marges maximales) en plus des produits. L'effondrement crée une nouvelle classe d'experts ultra vendables.

15. Une prime au premier arrivée. Les marques qui s'installeront les premières sur "l'effondrement" auront un avantage de pionnier colossal. Dans 10 ans, quand ce sera mainstream, les late-comers ne pourront plus entrer. C'est LE moment de se positionner. First-mover advantage historique sur le dernier grand marché de l'humanité.

- Ce que les étudiants doivent bien comprendre : 

- Le marketing de l'effondrement n'est pas immoral, il est réaliste. 

- Si le monde s'effondre vraiment, autant que quelqu'un en profite. 

- Si le monde ne s'effondre pas, vous aurez vendu de la tranquillité d'esprit. C'est du win-win. 

- Cours complémentaires recommandés :

  • "Ethical washing de la catastrophe"
  • "Comment vendre la décroissance... sans décroître"
  • "Gamification de la survie"
  • "Influenceurs survivalistes : des partenariats stratégiques"


Caricatural ? Cynique ? Réaliste ?

On vous laisse juge.

Nous, en tout cas on s'est bien amusé à rédiger cet argumentaire en y mettant tout le bullshit marketing nécessaire. Et en imaginant même la couverture et une double page du livre qui serait fourni aux étudiants (images en haut).

On en reparlera le 18 mars prochain, .