Tuesday, April 08, 2008

ET SI LE RICKSHAW ÉTAIT L'AVENIR DE LA VOITURE ?


Sous le titre Don’t benchmark India’s engagement in Africa against China’s, C. Raja Mohan, professeur indien d'économie, a fait paraître dans The Indian express, daté du 8 avril, un article très révélateur sur certaines mutations qui agitent actuellement notre planète.

Cet article, lié au Sommet Indo-Africain des 8 et 9 avril, pourrait apparaître comme une attaque de plus contre les Chinois, dont les Indiens sont à la fois jaloux et admiratifs.
Le complexe de l'ancien colonisé via à vis de l'Angleterre est en train d'être remplacé, en effet, par le complexe vis à vis de la Chine. Il n'est pas rare qu'un Indien vous explique que si la Chine a réussi grâce à ses bras et son industrie, l'Inde va réussir demain, elle, grâce à ses "cerveaux". Et tout l'article de Raja Mohan, même si celui-ci vit essentiellement à Singapour, s'inscrit dans cet état d'esprit.

"Despite “losing” some major resource contracts to China, India has consciously avoided many elements of the China model in Africa. It has neither imported Indian labour into Africa nor has it sought to undermine the local industry. It has placed special emphasis on capacity building and human resource development. New Delhi has also focused on the transfer of intermediate technologies and facilitating the development of agriculture and related industries in Africa." (...) "Although seemingly less efficient, India’s Africa policy is more broad-based and capable of high endurance. The Indian private sector is also more sensitive to local risks that the state-driven Chinese strategy is not always good at managing."

Alors pourquoi je vous parle de cela ? Car ces dernières phrases sur le secteur privé indien me paraissent rejoindre certaines de nos réflexions notamment sur le futur de la mobilité motorisée et sur l'apparition de nouveaux modèles inspirés des pays pauvres.

Une évolution que nous avons tenté de synthétiser sous le concept de Light Mobility, et qui est née d'un constat simple : le modèle de la voiture occidentale est aujourd'hui à bout de souffle (et le sera encore plus demain !!!) et il va falloir inventer ou réinventer de nouveaux types de véhicules.
Voir entre autres sur ce sujet

Dans ce cadre, le rickshaw est certainement l'une figure porteuse de la mobilité motorisée de demain non seulement dans les pays pauvres, mais aussi dans les pays riches et développés
Et l'hypothèse que l'Inde avec ses rickshaws puisse être une alternative au modèle automobile traditionnel, semble aujourd'hui se confirmer.

Pour les pays pauvres, c'est presque une évidence. En Amérique centrale, il suffit de crapahuter à gauche et à droite pour rencontrer de multiple formes de rickshaws revus et corrigés. Ce sont eux qui assurent l'essentiel de la mobilité urbaine en relais des chicken bus

Mais aujourd'hui ce succès du rickshaw - et c'est une nouveauté - se développe en aussi Afrique.


J'en veux pour preuve l'étude passionnante réalisée par un jeune anthropologue, Philippe Tastevin, sur la montée en puissance du trois roues en Egypte.

Titré "L'autorikshaw en Egypte : une épopée provinciale" son travail a été publié récemment dans "Villes et urbanisation des provinces egyptiennes. Vers l’écoumènopolis ?", aux éditions Karthala/Cedej.

Son texte se lit comme un roman. Il y raconte comment suite à une faillite, un homme d’affaire égyptien marié à une indienne décide en 2000 de retourner en Inde à la recherche de nouveaux business.

ll y découvre l’autoricksaw. C’est dans la ville de sa belle famille que germe l’idée, cette ville dans laquelle il n’est plus venu depuis 28 ans, que cet ingénieur en mécanique décèle le truc, qui pourrait marcher dans son pays. Ses premières investigations auprès des chauffeurs sont pleines de promesses. L’investissement dans la machine apparaît aussi profitable que populaire. L’idée vient donc de là, de la découverte à domicile du triporteur indien, dans la ville de son principal constructeur. Le défi s’impose de lui-même : pourquoi ne pas tenter la même expérience en Egypte. Les usages en vigueur à Puna ne semblent-ils aisément reproductibles à Simbâlawayn ? "


Et là commence une histoire qui va peu à peu tout changer dans un certain nombre de petites villes égyptiennes.
"Au village, le passage de deux à trois roues transforme radicalement la mobilité de proximité. Alors qu’il était impensable pour les femmes de parcourir la campagne à califourchon derrière un motard, le triporteur leur permet enfin d’accompagner les hommes dans des déplacements, qui n’ont jamais été aussi nombreux. Au village le passage de deux à trois roues transforme radicalement la mobilité de proximité. L’usage se féminise et la moto disparaît."

Et Philippe Tastevin de souligner quelque chose que l'on a trop tendance à ignorer, à savoir que ce succès du Tok-Tok
"nous obligent à déplacer notre regard en suivant les nouvelles routes commerciales du Sud au Sud." C'est une petite révolution, et on y revient très bientôt.

Mais ce succès du rickshaw, nous oblige aussi à nous interroger sur nos modèles de mobilité motorisée dans les pays riches. Vous trouverez ci-dessus, quelques slides d'une réflexions que je conduis actuellement sur nos nouvelles références. Et où l'on découvre, que certains pays avaient peut-être dessiné, il y a cinquante ans, tous les éléments de la mobilité urbaine de demain.