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Friday, April 04, 2008
LONDON : PARANOID CITY TO BUNKER CITY ?
Dans le film Children of Men, le réalisateur mexicain Alfonso Cuarón nous présente un Londres soumis un état siège permanent destiné à lutter - entre autres - contre l'immigration sauvage et le terrorisme. Si l'action est censée se passer en 2027, certaines séquences du film prennent aujourd'hui une curieuse résonance, notamment au vu des mesures que le gouvernement britannique a pris ou souhaiterait prendre dans l'avenir en matière d'aménagement urbain pour lutter contre le terrorisme.
Si les attentas de juillet 2005 n'ont, en terme de victimes et de dégâts matériels, évidement rien à voir avec ce qu'a subi la ville pendant la seconde guerre mondiale, la permanence de la menace terroriste risque, à terme, de bien plus modifier Londres, son architecture et une partie de son urbanisme que ne l'ont fait les V1 et V2 allemands.
Cette mutation est encore très discrète. Aujourd'hui seules de nombreuses affiches comme celles ci-dessus rappellent que la menace est toujours là, mais on est loin de connaître dans la capitale anglaise l'ambiance parisienne avec ses militaires patrouillant dans les gares et les stations de métros.
L'Angleterre appartient à une culture de confiance et de liberté, qui fait qu'aujourd'hui les bobbies londoniens ne sont pas armés et qu'il n'existe toujours pas de carte d'identité au Royaume-Unis.
La seule vraie mutation très visible est l'omniprésence dans les rues des caméras de surveillance. Sur les 2,5 millions de caméras installées en Grande Bretagne, plus de 150 000 le seraient à Londres (voir les détails dur le réseau CCTV, là). Aujourd'hui un quidam lambda qui se ballade dans la capitale est photographié en moyenne 300 fois par jour (!!!).
C'est cette vidéo-surveillance permanente et plus ou moins légale et la possible mutation du rôle de la police anglaise vers toujours plus de contrôles préventifs, que dénonce avec beaucoup de talent un artiste comme Bansky à travers ses graphes. Voir ci-dessous quelques exemples et son son site là
Alors parano totale ou au contraire véritable vision sur ce qu'attend London tomorow ?
La question mérite d'être posée notamment au vu des récentes révélations faîtes par la presse anglaise sur quelques évolutions mi-sécuritaires mi-urbanistiques qui pourraient laisser entendre - comme je le disais en début de ce post - que Londres se prépare à un discrète mais réelle mutation architecturale.
Voici les éléments du dossier.
Policetown
The Telegraph montrait pour la première fois ainsi dans son édition du 29 mars et sous le titre de Policetown, la ville que la police britannique s'est fait construire dès 2003 pour entraîner ses troupes à la lutte anti-terroriste. Cette super-maquette qui se déploie sur 38 hectares et qui a coûté la bagatelle de 50 millions de £, est destinée à recevoir annuellement 3 500 officiers qui peuvent s'entraîner aussi bien dans une fausse gare, que dans une fausse station service ou un faux stade.
Forteresses invisibles
"How to terror-proof shopping centres and other buildings". C'est sous ce titre que la BBC a, de son côté, révélé récemment comment un certain nombre de bâtiments publics anglais avaient vu leurs aménagements et leurs architectures modifiés pour résister aux attaques terroristes. Dans l'enquête, sont passés en revue, les gares, les aéroports, les shopping center, les boites de nuit mais aussi les stades.
A ce sujet, il faut lire plus particulièrement tout le passage sur les aménagements dont bénéficie l'Emirate Stadium où joue les Gunners d'Arsenal, et "model of how to design security into the heart of a new building." On y apprend ainsi que les lettres d'Arsenal en béton qui accueillent les visiteurs près du stade (voir photo ci-dessous) sont en fait de véritables barrières anti-terroristes pouvant arrêter un camion de 7 tonnes lancé à pleine vitesse. "The architects placed the club's name in dramatic giant lettering at a critical access point. Those letters are not just there for aesthetic effect - they could stop a seven-tonne lorry." Les canons, symboles du club, n'ont pas non plus été installés au hasard, mais à des endroits stratégiques afin de bloquer toute tentative d'attentat à la voiture suicide.
Terror proof building
Mais l'article le plus intéressant sur toute cette évolution sécuritaire est celui publié tout récemment par The Guardian sous le titre Home Office urges architects to design terror-proof buildings
"The government wants major new buildings to be designed with panic rooms, truck-bomb barriers and limited glazing to counter terrorist attacks in a policy which architects have warned could blight the attractiveness of towns and cities. Home Office counter-terrorism experts will this summer begin training designers to reduce the carnage caused by suicide and vehicle bombs detonated in crowded places such as shopping centres.
A training video and draft advice, seen by the Guardian, urges architects to design each window to be no larger than three square metres and to avoid using masonry cladding on any building higher than two storeys. The tactics are aimed at stopping flying stone and shards of glass doubling the deadly impact of a bomb.
Concrete and steel blockades should be built outside buildings to block vehicle-borne bombs such as the one used in the attack on Glasgow airport last summer. And buildings should be set back from the road by 50 metres to foil attacks such as the failed attempt to blow up the Tiger Tiger bar in central London.."
Concrètement cela pourrait donner cela. Voir ci-dessous le schéma.
Et bien évidement architectes et urbanistes ne sont pas forcément d'accord. "The result could be an "inhuman" urban landscape which fosters division and paranoia, according to leading designers.
"This sounds absolutely idiotic," said Piers Gough, an architect and commissioner of the Commission for Architecture and the Built Environment. "The whole thrust of our public realm strategy is to get rid of barriers in our streets. Barriers are essentially inhuman and suggest segregation and that's the last thing we want to introduce into the city. We used to be afraid of cars but now it seems to be terrorism. It seems like another way of stopping us living a civilised life."
De mon côté j'ai essayé de me représenter quel résultat pourrait donner ce type de recommandations sécuritaires si on allait jusqu'au bout de cette logique de l'immeuble ultra-protégé et inattaquable . Et j'ai immédiatement pensé aux photomontages réalisées en 2001 par Nicolas Moulin dans le cadre de son travail "ViderParis"
Lorsque j'avais lancé le programme Catastrophic Cities, certains m'avaient reproché d'avoir inscrit parmi les questions qui sous-tendaient le programme, celle-ci "Et si dans vingt ans la situation israélienne se généralisait en Europe ?" Il me semble, malheureusement, qu'elle n'était pas aussi aberrante que cela comme l'a montré notre Atelier sur les villes privées et fortifiées. Voir le dossier Wall City téléchargeable là