Beijing est devenue une ville épouvantable.
Pensée et faite depuis une vingtaine d'années pour la voiture -
là,
là et
là -, elle est en permanence embouteillée et totalement irrespirable les 2/3 de l'année -
là et
là. Et ce alors que la ville bénéficie depuis longtemps d'une tradition de petits véhicules légers et peu polluants - voir
là.
Beijing symbolise à elle seule l'échec du
Parti communiste chinois à inventer un nouveau modèle urbain qui ne soit pas une mauvaise copie de ce que fait l'Occident depuis 70 ans - voir "
La Chine est-elle encore chinoise ?"
Et pour l'instant, rien n'indique que les autorités pékinoise ou le gouvernement central soient en train d'essayer de développer un modèle alternatif moins polluant et surtout beaucoup plus viable.
Dans ce contexte, la question est simple : dans le cadre d'une dictature ou toute contestation est lourdement réprimée, quelle attitude de la population pourrait amener le pouvoir à repenser sa politique urbaine à Beijing et en Chine de façon plus globale ?
Hypothèse sous forme de question : Et si c'était le sport en général et la course à pieds en particulier, qui devaient conduire à cette contestation silencieuse ?
Je m'explique. Que la pollution empêche des sportifs isolés de pratiquer leur sport favori, ce n'est pas très grave pour le pouvoir. Ces joggeurs restent chez eux, et on en parle plus. Ils ne font pas masse.
Mais quand ce sont plusieurs milliers de coureurs réunis à l'occasion d'un marathon qui affirment que leur ville est irrespirable en se mettant un masque sur le nez, c'est totalement différent et surtout beaucoup plus gênant pour le pouvoir politique. C'est pourtant bien ce qui s'est passé lors du tout
récent marathon de
Beijing - voir
là
Tous ces coureurs renvoyaient, en effet, au pouvoir son incapacité à gérer de façon"harmonieuse" la croissance urbaine. Il n'est pas anodin de signaler que les photos des coureurs masqués sont censurés sur le net chinois !!! Preuve que le pouvoir a compris qu'il y avait dans celles-ci un potentiel de contestation politique important.
Je serai même tenter d'affirmer que cette course fut la première grande manifestation anti-gouvernementale organisée depuis les rassemblements de la Place Tien'anmen de 1989.
Face à ces images, il y a deux possibilités :
- soit on se dit qu'elles seront sans suite et qu'elles sont juste la preuve que certaines personnes aiment tellement le marathon qu'elles sont prêtes à le faire avec un masque.
- soit on se dit que ces masques anti-pollution sont le début d'une révolution silencieuse destinée à affirmer le mécontentement des citadins chinois face à la dégradation de leur cadre de vie. Rien de violent, rien d'illégal, juste une affirmation active et sportive que le développement chinois actuel n'est pas viable très longtemps.
Et ces masques "contestataires" seraient encore probablement plus déstabilisants et symboliques s'ils étaient fait à partir de chaussures de sport, comme l'imagine le très talentueux designer chinois Zhijun Wang - voir
là. Le pouvoir ne pourrait pas reprocher grand chose à ceux qui les portent, si ce n'est qu'ils aiment le sport et que le capitalisme occidental a trouvé un nouveau moyen de faire encore un peu plus d'argent avec un nouvel accessoire de course.
On serait dans la lignée de certaines grandes campagnes publicitaires de Nike et Adidas -
là.
On retrouverait aussi
la capacité développée par certaines marques de sport à interroger les modèles de développement économique comme l'a fait Nike au milieu des années 70 aux Etats-Unis - voir
là - ou, plus récemment,
Mizumo, toujours aux
Etats-Unis, avec sa campagne
"What If Everybody Ran ?"