On comprend qu'il est tard, qu'il fait nuit et que c'est normal d'être fatigué à cette heure là.
Dans les plans suivants, on voit une femme à son travail pimpante et souriante malgré l'heure tardive.
Elle anime un réunion mais est visiblement interrompue par un message sur son portable.
En consultant son téléphone, elle semble comprendre que son fils s'est réveillé et allume donc la veilleuse du bambin pour qu'il puisse se rendormir.
Elle comprend aussi que son mari s'est endormi devant la télé en oubliant de l'éteindre. Elle le fait donc pour lui.
Vous aurez compris que cette femme est merveilleuse.
Non seulement elle travaille pendant que ses hommes dorment, mais en plus elle s'occupe de leur sommeil.
Et elle fait tout cela avec le sourire, car elle visiblement très heureuse d'être encore à minuit au boulot au lieu d'être au fond de son lit. Et on sent que si, en plus, elle avait pu passer l'aspirateur, faire les vitres et étendre le linge avec son mobile, elle l'aurait fait.
Chez SFR, ils disent cela avec leurs mots : "Ce qui est smart, c'est d'être chez soi quand on y est pas".
Chez SFR, on trouve cela merveilleux, et on vous promet que vous aussi, bientôt, vous pourrez faire la même chose avec leurs services.
Ce spot de pub est terrifiant.
D'abord dans sa promesse : qui - honnêtement - peut rêver de mener la vie de cette femme là ? Franchement personne, sauf de façon exceptionnelle en cas d'urgence. Cela nous est tous arrivé, mais de là à en faire un modèle désirable, il y a un pas ...
Mais ce spot est aussi, et surtout, terrifiant par les deux grandes idéologies qu'il porte et qui sont supposées annoncer notre futur
- La première idéologie est celle tendant à nous faire croire que la vie de demain sera forcément et idéalement placée sous le signe de l'hyper contrôle non plus seulement des organismes étatiques - type NSA et consorts - mais aussi de ses proches. Et que cette hyper surveillance sera merveilleuse car elle se fera pour notre bien. On retrouve là le phénomène qui se met en place via la santé avec, entre autres, la politique d'une entreprise comme OM - voir "Quand la notion de performance sportive change de nature".
- La deuxième idéologie, tout aussi terrifiante, est celle qui voudrait nous faire croire que la performance ne peut-être qu'associée au fait de moins dormir. Une idéologie et un phénomène très bien décrits par Jonathan Crary dans son incontournable "Open 24/7 - Le capitalisme à l'assaut du sommeil". Vous pouvez en lire de larges extraits dans "Et si le post fordism c'était un homme qui ne dormira jamais ?"
Ce spot de SFR est donc la poursuite de leur précédente saga "Et c'est pas fini !", avec, notamment, cette connasse qui racontait une histoire à son fils pour qu'il s'endorme et qui le réveillait car il avait eu le malheur de ... s'endormir avant la fin de l'histoire - là. Un peu comme si avec ce nouveau film, SFR voulait nous faire comprendre que non seulement "ce n'est pas fini", mais que "ça ne fait que commencer !"
Et pour ne surtout pas conclure et tenter de poursuivre la réflexion sur les mutations du néo-capitalisme sous l'influence des nouvelles technologies, je voulais vous proposer cette une du dernier numéro de la version française de la Harvard Business Review. C'est la version managerial du spot de SFR, et c'est tout aussi terrifiant.