Monday, December 01, 2003

ZEROPOLIS / ET SI LAS VEGAS DEVENAIT LE MODÈLE URBAIN DU XXI° SIECLE ?

Et si, loin d'être une exception, Las Vegas n'était au contraire qu'une synthèse des grandes règles du développement urbain du XXI° siècle ?

avec : Bruce Bégout, auteur de Zéropolis.

Véritable célébration du faux et du kitsch réunis, Las Vegas a toujours fasciné les architectes et les urbanistes. 

Dans son célèbre livre Learning from Las Vegas paru en 1972, Robert Venturi tentait même de démontrer que pour la première fois dans l'histoire urbaine, l'espace d'une ville n'était plus dominé par l'architecture, mais par le "signe". 

La construction de mega hôtels s'inspirant directement de vraies villes (comme le New York New York ouvert en 1997, ou le Paris ouvert en 1999) ou d'une nature idéalisée (fausse île tropicale au Mandalay bay, faux ciel au Caesar's Palace) semblait confirmer cette tendance faisant de Las Vegas une ville totalement à part, peu dupliquable si ce n'est - peut-être - dans certains quartiers de Dubaï, Macao, Singapour ou Tokyo.

Mais si à l'opposé de cette opinion largement dominante, on considérait que Las Vegas était au contraire une ville totalement banale dont la seule originalité n'était en fait que de concentrer sur quelques acres toutes les nouvelles recettes du développement urbain ? 

C'est ce que fait en tout cas - et avec beaucoup de talent - le philosophe Bruce Bégout dans son excellent livre Zéropolis qui estime que "la culture consumériste et ludique qui a transfiguré Las Vegas depuis trente ans gagne chaque jour plus de terrain dans notre rapport quotidien à la ville, où que nous vivions".

Pour lui, les choses sont claires : "Ce qui s'est mis en place au coeur du désert de Mojave, la surpuissance de l'entertainment qui dicte le cours de la vie, l'organisation de la ville en fonction des galeries marchandes et des parcs d'attractions, l'animation permanente qui règne jour et nuit dans les rues et les allées couvertes, l'architecture thématique qui mélange séduction commerciale et imaginaire enfantin (...) nous connaissons déjà tout cela et allons être amenés à le vivre de manière plus habituelle encore."

Une analyse que Bruce Bégout élargit en montrant comment Las Végas devient par ailleurs une vraie ville (c'est la ville qui a connu la plus forte croissance aux Etats-Unis depuis 10 ans...) porteuse de critères de développement qui sont loin d'être propres aux Etats-Unis : développement des « cités privées » (gated communities), privatisation de l'espace public, nature artificielle...

Les Ateliers Transit-City ont lieu au Pavillon de l'Arsenal de 8h45 à 11h
21 Bd. Morland 75004 PARIS.

Monday, October 27, 2003

VERS UNE VOITURE À TOUS LES ÉTAGES ? LA VOITURE UNE PIÈCE EN PLUS ?

Avec :
François SEIGNEUR, architecte,
et des représentants de Renault et du groupe PSA.

Sacrée voiture ! Voilà en effet un objet destiné à nous déplacer et qui pourtant ne bouge en moyenne que ... 48 minutes par jour.

Un paradoxe pas très nouveau qui a très vite amené les urbanistes et les architectes à se poser la question du garage dans les grandes villes. 

C'est ainsi qu'apparaît dès 1925 à Paris le premier immeuble avec six places de parkings individuels (pour 25 logements). 

En 1950, les pouvoirs publics conseillaient de construire 1 place de parking pour quatre logements, puis en 1960 une place pour un logement. Sept ans plus tard, les plans d'occupation des sols recommandaient eux 1,5 place par logement.

A l'époque, le taux d'équipement était de 42%. Aujourd'hui, il est de 80%, et près de 25% des ménages français comptent deux voitures. 

Des chiffres qui, en toute logique, devraient imposer deux parkings par logement. 

Mais les dégâts du tout automobile (pollution, bruits...) ont incité les pouvoirs publics a changer leur fusil d'épaule avec la nouvelle loi SRU (dite loi de Solidarité Urbaine) dont l'un des objectifs est de restreindre la place de l'auto au profit des transports en commun, objectif noble s'il en est mais qui ne résout pas le problème du parking.

Jusque-là, la tendance majoritaire était d'enterrer les parkings sous l'immeuble. 

Mais depuis quelque temps apparaissent ou réapparaissent des modèles architecturaux qui avaient disparu depuis plusieurs décennies. C'est ainsi que les parkings sur les toits font un retour remarqué avec une nouvelle approche de la rampe d'accès, celle-ci se développant soit sur toute la façade comme dans certains immeubles à Tokyo, soit en devenant le toit même du bâtiment comme à Amsterdam.

Dans le même temps, le parking silo refait lui aussi de nouveau son apparition, comme récemment à Stuttgart avec un immeuble-parking entièrement automatisé permettant de garer 124 autos sur 7 étages avec une emprise au sol de seulement 135 m2.

La logique voudrait que la prochaine étape soit la construction d'un immeuble avec un parking connecté directement à chacun des logements. Un “fantasme" que l'architecte François Seigneur a décidé de réaliser avec un projet d'auto-logement permettant via des ascenseurs de monter sa voiture au niveau de son salon.

Cette organisation aurait  selon lui, le triple mérite :
- sur le plan quotidien, de faciliter la vie des automobilistes, notamment pour charger et décharger le coffre de leur auto. 
- sur le plan architectural, d'augmenter la surface du logement "de 35 m2, grâce aux économies réalisées sur les parkings en sous-sol". 
- sur le plan écologique, de développer la voiture électrique, le projet étant soutenu par EDF

La voiture une vraie pièce en plus ? 

Pour François Seigneur, c'est une évidence : "Dans les publicités, la voiture est presque une maison, une seconde maison. Les sièges sont hyper-confortables, il y a le téléphone, la radio, bientôt la télé. La voiture peut servir de chambre d'amis, une idée qui n'est pas honteuse, qui est envisageable. Nous y sommes presque. La voiture pourrait se greffer sur le logement."

Côté constructeur automobile, le discours est beaucoup plus nuancé.

"La notion de deuxième maison est un slogan assez facile, qui exprime l’investissement affectif d’un habitacle « à vivre ». Certains ont fantasmé sur la voiture comme une pièce de la maison qui se détacherait d’elle. Cette idée est séduisante mais fausse !explique ainsi Patrick Bertholon de chez Renault"Les gens attendent d’une voiture qu’elle les déplace en toute sécurité, dans les conditions les plus agréables possibles, c’est-à-dire qu’elle leur permette d’y faire de plus en plus de choses et de retrouver, pendant le « temps automobile », leurs occupations et attitudes domestiques (être à l’aise, écouter de la musique, téléphoner...). Certains professionnels qui passent beaucoup de temps dans leur véhicule le considèrent comme un second bureau. Mais cela est différent car ici le rattachement se fait plus à la fonction qu’à l’espace.

"Cette notion de deuxième maison intéresse les constructeurs qui, depuis un certain nombre d’années, ne pensent plus seulement la voiture comme un espace dans lequel une personne conduit et d’autres sont passifs. Renault travaille par exemple depuis vingt ans sur l’idée de vie à bord, sans impliquer pour autant que la voiture soit une véritable pièce."

Chez Citroën, l'analyse est semblable : "La voiture fait rêver; mais aujourd'hui le rêve n'est plus dans le moteur, il est dans l'habitacle. Nos enquêtes montrent que les gens attendent aujourd'hui de la voiture de nouveaux aménagements" explique Catherine de Ploëg, en charge des nouveaux produits.

Les Ateliers Transit-City ont lieu au Pavillon de l'Arsenal de 8h45 à 11h
21 Bd. Morland 75004 PARIS.

Monday, September 22, 2003

LE PAQUEBOT, SYMBOLE DES MUTATIONS URBAINES ?


Avec :
Didier BOURDIN, Chantiers de l'Atlantique,
Cédric RIVOIRE-PERROCHAT, Royal Caribbean International,
et Jean-Philippe ZOPPINI, architecte de l'Ile AZ.

Les paquebots ont connu une véritable révolution. 

Ils sont en effet passés d'un statut de moyen de transport à celui d'un lieu de destination en à peine quarante ans. Avec la disparition des lignes maritimes traditionnelles et l'explosion du marché de la croisière, les voyageurs ont laissé place aux vacanciers. 

On comptait 500 000 croisiéristes en 1970, 9 millions en 2000, et les professionnels en attendent 18 millions en 2006. Pour faire face à ces nouveaux comportements, les compagnies de croisières et les chantiers navals conçoivent des bateaux qui n'ont plus rien à voir avec les liners d'antan.

A la course à la taille s'ajoute aujourd'hui la course aux activités proposées à bord. Les paquebots sont devenus de véritables parcs de loisirs avec des activités sportives, des casinos, des spectacles et des espaces commerciaux dignes de ceux de Las Vegas.

Cette logique de village vacances conduit à voir apparaître des projets toujours plus fous, comme cette Ile AZ imaginée par les Chantiers de l'Atlantique avec l'architecte Jean-Philippe Zoppini qui ressemble plus à une station balnéaire qu'à un bateau.

De moyen de transport dépassé et qui ne faisait plus rêver personne, le paquebot est ainsi redevenu un objet porteur de nouveaux imaginaires.

Pour les acteurs du transport, il redevient une source d'inspirations. Airbus n'a ainsi pas hésité à présenté son A 380 comme "un paquebot des airs".
Pour certains architectes qui mettent en avant que les cabines des paquebots sont des Algéco encastrés dans la coque, ces bateaux sont porteurs de nouveaux principes constructifs. Les plus sensibles à l'environnement insistent sur le fait que les contraintes environnementales imposées aux paquebots annoncent les bâtiments HQE et les transports propres de demain.

Pour certains urbanistes le paquebot, en tant que structure autarcique, privée et organisée comme un centre commercial, préfigure la ville de demain.

Les Ateliers Transit-City ont lieu au Pavillon de l'Arsenal de 8h45 à 11h
21 Bd. Morland 75004 PARIS.

Monday, June 23, 2003

VERS DES IMMEUBLES JARDINS ?

Avec :
Duncan Lewis, architecte, fondateur de Scape Architecture
- François Langendorff, président de Promojardin 

Les Français aiment leurs jardins, et quand ils n'en n'ont pas ils en rêvent. En ville, les appartements avec terrasse et les rares maisons avec jardinet s'arrachent à des prix disproportionnés par rapport à la surface habitable.

Ce n'est pas une nouveauté. Tout le monde a en mémoire la boutade d'Emile Allais, d'aller installer les villes à la campagne. Mais aujourd'hui cette demande de jardin et de nature devient une donnée incontournable pour réfléchir à la ville et à l'habitat de demain. 

Ce n'est pas par hasard si actuellement en France, les urbanistes ayant en charge les grosses opérations urbaines ont mis la nature au coeur de leur projet.

Un jardin à tous les étages ?
Reste aujourd'hui a franchir une étape, celui d'introduire cette nature tant désirée non plus seulement dans des espaces publics, mais au coeur même de l'habitat collectif avec un jardin dans chaque appartement.

Au cours des années 70, les expériences pour marier habitat collectif et jardins individuels s'étaient multipliées, avec, notamment, l'immeuble conçu par Renaudie à Ivry dans lequel chaque logement compte une terrasse herbée. Mais ce qui n'était qu'exception et réservé à des bâtiments très atypiques pourrait dans les années futures devenir la règle.

Utopie ? On rappellera simplement que lorsque dans les années 20 , les hygiénistes prônaient la construction de salle de bain dans tous les logements, on les prenait pour des gentils illuminés. Aujourd'hui les bains publics ont disparu, et le nombre de foyer comptant deux salles de bains ne cessent d'augmenter.

Quels acteurs ?
Reste la question de savoir qui doit apporter cette nature au coeur de l'habitat ?

Est-ce seulement comme aujourd'hui, aux grandes enseignes de jardinage tels Truffaut et Leroy-Merlin de répondre à cette forte demande sociale ? 

Ou n'est-ce pas aussi - et surtout  - aux architectes et aux promoteurs de construire une "pièce-jardin" dans chaque type habitat ?

Les Ateliers Transit-City ont lieu au Pavillon de l'Arsenal de 8h45 à 11h
21 Bd. Morland 75004 PARIS.

Saturday, May 24, 2003

POURQUOI LE MODULABLE REDEVIENT-IL À LA MODE ?

Avec : 
- Alain Bublex, artiste-plasticien
- Bertrand Quénot, directeur général d'Algeco.

L'architecture modulable est un vieux rêve qui n'a jamais cessé de travailler de nombreux architectes depuis le début du XX° siècle. 

Les plus talentueux sur ce thème furent sans aucun doute ceux du groupe Archigram et notamment de Peter Cook avec son fameux projet de Plug-in City. Des visions prospectives qui n'ont jamais connu de concrétisations réelles mais qui semblent aujourd'hui redevenir furieusement à la mode.
Pas une exposition récente d'architecture sans plusieurs projets d'habitats ou d'immeubles modulaires.

Sur le plan éditorial, les publications sur le sujet se multiplient (voir, entre autres, le récent - "Mobile - The art of portable architecture" de Jennifer Siegal - ed. Princeton Architectural Press)

Il faut dire que nos modes de vie de plus en plus nomades, ont réveillé chez beaucoup d'entre nous ce vieux fantasme de modularité et de mobilité.

Dans le secteur de l'habitat, les meubles à roulettes ne cessent de rencontrer un succès grandissant et une récente enquête montrait qu'une grande part des français rêvaient d'une maison "qui pourrait évoluer, parfois même à un rythme hebdomadaire".

Dans les secteurs des bureaux et des commerces, ce permanent besoin d'adaptation conduit aujourd'hui certaines entreprises à confier à Algéco la construction de leurs bureaux.

Une mutation urbaine que l'artiste plasticien Alain Bublex explore depuis plusieurs années dans ses peintures en revisitant les projets d'Archigram. Pour lui "les assemblages de bungalows utilisés sur les grands chantiers sont une application réelle bien que timide du projet de ville modulaire de Peter Cook".

Et il va plus loin en estimant que "les chantiers nous laissent alors apercevoir un paradoxe: celui de la ville de demain utilisée pour construire la ville d'hier. Les immeubles éphémères de bungalows sont la vraie réalisation, et les bâtiments qu'ils servent, appartiennent, eux, au passé." Dans la droite ligne de ses analyses, il ainsi imaginé des UMH ou "Unités mobiles d'Habitation", véritables habitacles légers destinés à être implantés sur les toits immeubles.

Alors entre utopie et réalité, qu'en est-il aujourd'hui de l'architecture modulable ?

Les Ateliers Transit-City ont lieu au Pavillon de l'Arsenal de 8h45 à 11h
21 Bd. Morland 75004 PARIS.
Inscription obligatoire à : contact@transit-city.com

Wednesday, April 02, 2003

ET SI HONG KONG DEVENAIT LE MODÈLE URBAIN DU XXIe SIÈCLE ?


La figure du gratte-ciel fut longtemps - et à juste titre - associée aux Etats-Unis, et plus particulièrement à New-York

C'est dans cette ville qu'au début du XX° fut inventée cette nouvelle forme d'habitat dense. 

Nouvelle forme, car au-delà de la superposition de logement, la grande révolution des gratte-ciel new-yorkais fut l'invention de l'immeuble service.
Chaque habitant se devait de trouver au sein du bâtiment l'ensemble des services quotidiens qu'il était en droit d'attendre d'une ville. Les premiers gratte-ciel comptaient une salle de sport, une laverie collective, un service de cuisine et un important personnel totalement dédié aux habitants. L'organisation était directement inspirée des grands hôtels et plus particulièrement du Waldorf Astoria, nouvellement construit.
C'est d'ailleurs à la suite de la visite de ces programmes new-yorkais que Le Corbusier "inventa" dans les années 40 ses fameuses unités d'habitations, avec école, épicerie et bureau de poste intégrés. La seule "innovation" du Corbu fut de "coucher" les gratte-ciel. Tout le reste (les appartements en duplex, les services...) avait déjà été mis en oeuvre à Manhattan.
Mais aujourd'hui c'est dans une autre ville, à Hong-Kong très précisément, qu'il faut sans doute chercher les nouvelles figures du gratte-ciel du XXI°.
En effet, face à la croissance démographique très forte que connaît l'ancienne colonie anglaise, les promoteurs et les architectes du territoire sont en train d'inventer un nouveau type de bâtiment associant densité, hauteur et services, mais sous des formes originales.
Chacun des nouveaux programmes de gratte-ciels compte en général huit tours de 40 à 50 étages (soit 3 500 logements) réunis à la base par un « podium » de deux hectares, regroupant sur trois ou quatre étages aussi bien des terrains de sport, qu'une piscine avec plage, un centre commercial, des parkings et des connexions directes avec le métro, les tramways, voir les ferries si le bâtiment est au bord de la mer.
L'originalité des nouveaux gratte-ciel n'est donc pas à chercher dans l'architecture ni dans l'organisation intérieure des logements, mais dans la multitude des services offerts aux habitants et dans le discours marketing qui accompagne leur commercialisation. 

Les promoteurs ne vendent en effet, pas tant des logements qu'un mode de vie inspiré soit par les palaces anglais, le Château de Versailles ou les Caraïbes.
L'habitant est donc abordé avant tout comme un consommateur de services, la valeur de l'appartement étant directement annexée aux services et aux activités proposées au niveau du "podium". 

Cette logique aboutit à une guerre des "signes" assez surréaliste entre les différents programmes, chacun des ensembles devant être porteur d'une thématique forte pour séduire les populations à fort pouvoir d'achat. Qu'importe que les logements de 70 m2 abritent outre la famille, les grands-parents et les domestiques ; ce qui compte pour les "nouveaux riches", c'est la piscine, le centre médical, le gardiennage... bref la "ville totale" au pied de l'immeuble. C'est ainsi que se reconstruit au coeur même de la ville une multitude de "châteaux forts" autarciques et totalement privés. 
Si aujourd'hui ce type de programme paraît difficilement transposable en Europe sous une telle forme, il n'en reste pas moins porteur de ces nouvelles logiques de "gated communities" (cités privées) fort courantes aux Etats-Unis

Et l'on peut se demander si, d'ici quelques années, certains programmes de logements seront vendus en Europe avec un discours pas forcément très éloigné de celui développé au sud de la Chine.

Les Ateliers Transit-City ont lieu au Pavillon de l'Arsenal de 8h45 à 11h
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Friday, March 28, 2003

LES NOUVEAUX IMAGINAIRES DE LA MOBILITÉ


A l’heure où la culture du manga, du jeu vidéo, du sportswear, de l’internet et de la téléphonie mobile envahit les sociétés occidentales, les façons d’appréhender la mobilité urbaine connaissent une évolution sans précédent. 

La nouvelle donne socioculturelle des années 2000, à grands renforts de marketing et de pubs, amène en effet à s’interroger sur la pertinence des logiques traditionnelles de déplacement.

Depuis le XIXe siècle, pour faciliter la mobilité en ville, les opérateurs de transport public raisonnent en termes de tramway, bus, métro ou encore « bus à haut niveau de service ». Leur leitmotiv : des transports toujours plus rapides, fluides, accessibles, sûrs, non polluants, automatiques, avec des systèmes d’information-voyageurs performants, des services en station et à l’intérieur des véhicules, etc. Ces ambitions louables ont certes contribué à améliorer la qualité des offres et à promouvoir l’utilisation des transports collectifs.

Mais est-ce aujourd’hui dans ces modes de déplacement lourds que se reconnaissent les nouvelles générations ? Tramways et métros correspondent-ils encore aux imaginaires modernes de la mobilité urbaine ?

N’en déplaise aux opérateurs de transport public, ce sont désormais Google, Nike, Sony ou Apple qui surfent sur les thèmes de la fluidité et de l’autonomie et qui sont devenus les univers de référence en matière de mobilité. 

En l’espace de quelques années, ces marques se sont accaparées les valeurs de « mouvement » et ont profondément modifié la façon d’envisager les déplacements en ville.

A tel point que ce sont elles qui réinventent aujourd’hui la mobilité urbaine : dans l’imaginaire des jeunes, se déplacer signifie désormais chausser sa paire de basket, avoir son baladeur mp3 sur les oreilles. C’est un fait, tramways et métros ne font plus rêver. Les générations actuelles ne se projettent plus dans ces moyens de transports qui n'ont pas su renouveler leurs imaginaires désuets.

Le constat est là : un profond décalage s’est installé entre les logiques traditionnelles de transport public et les nouvelles aspirations des jeunes.

Pour les opérateurs de transport, il n’y a donc pas d’autre solution que d’intégrer cette nouvelle culture mondiale et ludique de la mobilité. S’ils veulent ne pas être hors-jeu, une révolution de leur appréhension des déplacements est à effectuer. Sans doute cela passe-t-il d’abord par une politique d’innovation et de marketing totalement décomplexée : libérer la créativité, proposer des services et produits audacieux, bousculer les attentes, raconter les transports différemment, engager un autre rapport aux déplacements, etc. Autant de pistes possibles pour se forger une image moderne auprès des collectivités locales et des voyageurs. Et pour reprendre la main sur les entreprises de grande consommation, de loisirs et de communication qui accaparent pour le moment les images novatrices de la mobilité. Inventer les déplacements de demain : telle est semble-t-il la condition pour que le transport public suscite de nouveau le désir et fasse encore un peu rêver.