Monday, October 03, 2011

LE MONDE DU TRAIN ELECTRIQUE COMME MODÈLE URBAIN ?

Des quatre photos ci-dessus, une seule a été prise sur un plateau de train électrique, la dernière. Pourtant rien ne la différencie véritablement des autres. Cette ressemblance est due à une technique photographique appelée tilt shift qui permet de donner un aspect de maquette à la réalité. Les deux photos de Times Square ci-dessous, montre la redoutable efficacité du système.

Le tilt shift a le grand mérite de rendre aimable un carrefour bruyant en le basculant dans un univers irréel et enfantin, un peu comme le faisait la ligne claire dans le monde de la BD.

La transformation des gens en personnage de train électrique accentue encore cet effet. Plus rien n'est réel, on est dans le monde magique des jouets ou dans celui de la ville rêvée, idéalisée et aseptisée de Disney (Voir sur ce sujet "The Faller's wonderfull world", "Villages suisses"). C'est, en ce sens, le total opposé des univers urbains des jeux vidéo, dans lesquels c'est plutôt la transgression qui est valorisée - voir et .

Les premiers à avoir compris tout le parti qu'il pourrait tirer de cette "déréalisation" de la ville et de sa circulation, furent bien évidement les publicitaires travaillant pour des marques auto. Grâce au tilt shift, la voiture devient, en effet, une amie bienveillante et une autoroute urbaine presque jolie (voir la pub Chevrolet ci-dessous). Le fait que nous ayons culturellement intégré que dans les villes en maquette les voitures soient statiques, renforce bien évidement ce sentiment.

Ce n'est donc pas par hasard si Mazda reprenait récemment les codes du monde du modélisme ferroviaire en osant montrer un train, chose exceptionnelle dans une pub automobile !!!

Cette capacité au lissage dans les aspects pas forcément les plus reluisants de la ville, se retrouve d'ailleurs aussi bien dans la pub Mazda, que dans la campagne Toy's R Us, "Everything's toys".

A partir de ces quelques exemples, il est tentant d'aller plus loin et de s'interroger sur ce que cette esthétique ludique implique dans nos façons de penser la ville, mais aussi dans la façon de la produire.

Ou dit autrement : n'aurions nous pas envie d'une façon ou d'un autre de retrouver dans la vie réelle la magie de ces villes artificielles, leur côté bienveillant et non agressif ?

Avec cette technique, les chantiers deviennent, en effet, des jeux de construction inoffensifs, sans bruit, ni poussière, comme ceux présentés dans le catalogue de Faller.

On peut aussi y voir une apologie du préfabriqué et du modulaire qui permet de proposer une vision apaisée de la construction urbaine. C'est d'ailleurs un des arguments de vente d'Algéco. On est d'une certaine façon pas très loin de ce que permet Lego. Avec la petite brique tout devient plus facile, sympathique et ludique - voir , par exemple.

Cet imaginaire ludique a bien évidement beaucoup de vertu pour un certain nombre d'acteurs urbains, et notamment les industriels du BTP.

Comment ne pas être tenté, par exemple, de montrer que la construction d'une route est une chose insignifiante et presque facile ?
C'est en tout cas ce que fait actuellement le groupe espagnol OHL avec la campagne ci-dessous.

La route est un gros rouleau de moquette à dérouler tranquillement dans un paysage idéalisé (et sans écologistes contestataires !!) … comme dans le monde du train électrique.

L'Autre voie.

La bonne nouvelle pour ceux que cette vision du monde aurait plutôt tendance à repousser, c'est que le modélisme ferroviaire peut aussi se révéler un formidable moyen de repenser de façon plus sociale et plus radicale notre monde urbain de demain.

La preuve avec le passionnant projet du ReFeRe (Réseaux Ferrés Réunis).


"En marge d’un pays pauvre car sans ressources, sous climat tempéré froid, quelque part sur la Terre, de nos jours.

Des îlots ras, où il n’y a ni herbe ni arbres, émergent d’une étendue plate d’une matière indéfinissable et changeante (dite le « stroma »). Ces îlots sont occupés par des bâtiments (civils et ferroviaires), des terrils, des dépôts de déchets… reliés par un dense réseau ferroviaire à voie étroite. D’un îlot à l’autre, les trains empruntent des véhicules sur coussins d’air, les « glisseurs ».

"Les gens sont industrieux, ingénieux ; ils tirent le meilleur parti d’Internet, diffusé par ondes radio (il n’y a aucun fil téléphonique). Un matériau de construction est omniprésent : une sorte de fibrociment appelé « concrete », qui se présente en plaques et s’assemble par collage. Plateformes, murs, ponts, voies, bâtiments, caisses des wagons et des engins de traction, passerelles, poubelles et rambardes sont faits en concrete – et peints de couleurs souvent peu définissables.

La ReFeRe a le monopole absolu des transports (nulle route, nul canal…). Son activité consiste à transporter les gens, le carburant, les pièces et les matériaux nécessaires à son fonctionnement, lequel consiste à construire et à faire tourner des trains. Sur les réseaux de la ReFeRe, la traction est confiée à des engins fonctionnant au fioul (pas de caténaire) et la longueur des convois est drastiquement limitée. Tous les véhicules sont des créations locales sur des châssis de récupération, importés.
"- source wikipedia
Le ReFeRe est visible au "Musée des Mondes imaginaires"

Là, rien n'est caché. Ca sent la poussière, le monde du labeur, la vie pas toujours facile. Sur le plan urbain, c'est la densité, le collectif, l'absence de voiture. C'est donc pas forcément ce qui fait rêver le plus. Mais en terme de prospective urbaine, ces images sont évidement beaucoup plus stimulantes que la vision très niaise proposée ci-dessous par Chevrolet.