"Depuis l’enfance, le “sauvage” ne m’est pas accessible.
Il ne l’a été que dans les contes et les livres illustrés pour enfants.
Les grandes espèces sauvages habitèrent mon imaginaire. Mais justement, et tristement, ces contes et ces histoires racontent des histoires d’animaux morts ou exterminés depuis longtemps.
Brutalité de la littérature de jeunesse, quand on y songe, qui fait revivre des vivants et des espèces disparus, s’enchantant de ce que les adultes de la région du monde où j’habite se sont évertués depuis longtemps à désenchanter, à contrôler, à limiter
Les ours ne sont doux que dans les fabulettes, les dessins animés, ou ne sont nos alliés qu’en peluches.
Les loups ne sont malins et puissants qu’avec les chaperons rouges et ne redeviennent diplomates que pour les éthologues.
Les renards ne sont plus rusés que dans les fables de La Fontaine.
Sur la Terre où je vis, le sauvage est quadrillé, surveillé, équipé de capteurs, suivi à la trace.
Ainsi en va-t-il des trames de pilotage du territoire et de “gestion de la biodiversité”.
Trames vertes pour les connectivités écologiques des mammifères, oiseaux et insectes.
Trames bleues pour la continuité des déplacements des poissons et de la faune aquatique.
Trames noires luttant contre la pollution lumineuse pour les animaux nocturnes.
La maîtrise, par des dispositifs de contrôle, veut une place pour le sauvage et l’assigner à cette place.
Il semble avoir disparu."
On en reparle, là.