Friday, October 31, 2025

ET SI APRÈS AVOIR DÉVORÉ LE MONDE DE L'ART, LE LUXE DÉVORAIT CELUI DU SPORT ?

Et si pour réfléchir à l'évolution du sport demain, il fallait lire dans le Monde l’article de Michel Guerrin titré "Le vol au Louvre signe un basculement entre une culture publique désargentée et usée, et des acteurs privés riches et agiles" ?

Que dit cet article ?

Il raconte le basculement économique du monde de l'art.

- Et notamment la façon dont les grands musées (Louvre, Centre Pompidou, Palais de Tokyo) voient leurs budgets baisser et qui rencontrent aujourd’hui de grosses difficultés pour financer leurs travaux et leur sécurité.

- Un déclin du secteur public qui est apparu encore plus flagrant avec l'ouverture, il y a quelques jours, de la nouvelle Fondation Cartier installée face à un Louvre en souffrance et à quelques encablures d'un Centre Pompidou fermé, lui, pour cinq ans de travaux.

- En quelques années les groupes de luxe - Cartier, Fondation Vuitton, Collection Pinault - se sont accaparés du calendrier des grandes expositions et sont devenus des acteurs incontournables de la scène artistique.

Quel rapport avec le sport me direz vous ?

Et bien, c'est très simple, on assiste exactement au même mouvement dans le sport.

À la baisse des budgets publics correspond une montée en puissance des marques de luxe. La façon dont le groupe LVMH a tenté de faire main basse sur les J.O de Paris avec ses marques en fut une excellente illustration.

Alors...

Alors demain, le luxe va-t-il dévorer le sport, comme il a déjà largement englouti la culture ?

La réponse est clairement, oui.

Et on a presque envie de dire que cette réponse ne relève pas de la prospective, mais tout simplement du constat.

Le luxe n'est pas en embuscade.

Il est déjà en pleine digestion !!

La dévoration a débuté il y a quelques années et va se poursuivre allègrement autour de quatre logiques économiques très facilement identifiables :

- Pour les marques de luxe, le sport est devenu un actif financier à part entière et - surtout - un vecteur de branding global.

- De leur côté, un certain nombre de grandes marques de sport tentent de monter en gamme avec des stratégies destinées à les sortir de la consommation de masse pour les ancrer dans l'univers du luxe branché (voir Salomon, ). Le luxe est censé pouvoir définir ce qui est cool et désirable.

- Les stades se transforment, eux, en temples d'hospitalité où l'expérience en loge devient essentielle ! Il suffit de voir la mutation des stades anglais et la décision des Qataris de quitter le Parc des Princes, faute de pouvoir y installer plus de ces fameuses loges.

- Le sport professionnel, lui, est devenu un véritable showroom pour les marques de luxe et les sportifs les nouveaux influenceurs d’une pop culture associant sport, musique et mode - .

Le luxe cherche dans le sport ce que l'art ne peut pas lui donner totalement, à savoir une vraie légitimité populaire. 

Sauf que tout cela est en réalité très ambiguë !!!

Sous couvert de démocratisation, c'est tout le contraire qui se joue !!

Car ne nous y trompons pas : les groupes de luxe n'investissent pas dans le sport pour le rendre plus accessible comme ils le font avec l'art !

C'est même tout le contraire : ils financent le sport pour le rendre plus premium et plus exclusif  !

Si ça vous intéresse d'en discuter, on vous attend le vendredi 28 novembre pour les cinquièmes Rencontres Sport/Équipement/Stratégie organisées autour de la question "C'est quoi demain une marque de sport ?"

Thursday, October 30, 2025

ET SI SALOMON PERDAIT SON ÂME ?

Ceci est la boutique que vient d'ouvrir Salomon sur Melrose Avenue dans West Hollywood, haut lieu des galeries d'art, des enseignes de luxe et des marques branchées.

La nouvelle boutique se présente comme un "hub culturel" et un "lieu de rassemblement pour la communauté de L.A".

On est donc très loin du monde de l'outdoor et du trail.

Mais c'est normal.

Ce magasin vient assoir encore un peu plus le désormais double positionnement de l'équipementier avec :
 - d'un côté, l'outdoor pour maintenir l'ancrage technique de la marque,
 - et de l'autre, le lifestyle et le luxe dont la boutique d'Hollywood et celle des Champs Élysée sont l'incarnation. 

Demain, Salomon sera un équipementier outdoor de luxe.

Salomon pourrait ainsi devenir un acteur d'un marché du luxe aujourd'hui en plein reconfiguration.

Quand Vuitton continuera à vendre du luxe émotionnelSalomon vendra du luxe fonctionnel.

Sur le plan financier, ça sera peut être une superbe succès story.

Mais la marque aura alors perdu son âme.

Et les vrais amoureux de l'outdoor seront - eux - partis à la concurrence.

On en reparle le 28 novembre, .

Tuesday, October 28, 2025

QUAND LES MARQUES DE SPORT DEVIENNENT DES MONDES

Lors des prochaines Rencontres Sport/Équipement/Stratégie ® qui auront lieu le 28 novembre prochain autour de la question "C'est quoi demain une marque de sport ?" nous aurons la chance d'accueillir Paul VACCA, consultant en développement de marques et en stratégies culturelles.

Il viendra nous présenter ses réflexions sur le fait que bientôt les marques de sport puissent devenir des mondes, et ce à partir de trois hypothèses :

Et si le sport n’était plus une pratique, mais un biotope culturel ? 

- Et si les Nike, Adidas ou Red Bull étaient des franchises à la Star Wars ou Marvel ? 

- Et si en tant qu’écosystèmes culturels, le sport disparaissait dans les marques de sports ?

Ça promet d'être passionnant !

On vous attend nombreux pour l'écouter.

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Pour vous inscrire aux Rencontres, il suffit d'envoyer un mail à francois.bellanger@gmail.com en disant "Je viens" ou "Nous venonssi vous êtes plusieurs avec vos noms.

Friday, October 24, 2025

ET SI UNE MARQUE SE DÉCIDAIT À VALORISER LA QUATRIÈME PLACE ?

Parfois certaines photos valent mieux que de long discours.

C'est le cas de la série "Fourth" réalisée par la photographe australienne Tracey Moffatt lors des J.O de Sydney en 2000.

Dos vouté, regard perdu, mine déconfite, accolade sans conviction... toutes les souffrances du quatrième y sont exposées.

Le ton sépia des clichés accentue la tristesse et rend vaine toute tentative de valorisation héroïque de l'effort fourni.

Ne reste dans ces images que le dépit et la souffrance.

Et on sait que pour certains athlètes, ça restera la blessure de toute une vie.

La quatrième place est la pire des places pour un compétiteurs.

On reste au pied de la boite.

On est pas sur la photo.

Certains l'appellent la place du con.

Alors nous au sein du Prospective Sport Lab ®, on a réfléchi à la façon dont cette quatrième place pourrait être un jour valorisée à sa juste valeur.

Et nous avons tout simplement imaginé qu'un jour une marque de sport utiliserait cette quatrième place avec une signature forte lui permettant à la fois de se démarquer de ses concurrents, mais aussi de réévaluer la notion de succès dans la compétition.


Voilà ce que cela pourrait donner pour quelques-unes d'entre elles.

- Adidas avec un slogan "We Stand With The Fourth" rappellerait que son rôle n'est pas d'être qu’avec les champions, mais avec tout ceux qui font du sport.

- Asics avec un slogan "Mens sana in 4th loco" valoriserait le premier de ceux qui ont tout donné sans être récompensé.

- Decathlon avec un slogan "Quatrième, et alors ?" dédramatiserait la notion de classement et que l'exploit, c'est déjà d'être là.

Li-Ning avec un slogan "4th is Not the End. It’s the Ascent." affirmerait que le quatrième est le premier à savoir exactement ce qu'il faut changer pour que, la prochaine fois, l'histoire soit différente.

- Nike avec un slogan "Fourth is the New First Step" pourrait prétendre que le vrai courage, c'est de se relever le lendemain.

Puma avec un slogan "The Unseen Winner" valoriserait l'athlète que l'on ne voit pas, mais qui a fait le job.

- Salomon avec un slogan "La nature ne donne pas de médaille" rappellerait les vrais fondamentaux de l'outdoor.

- Under Armour avec un slogan "Hunger For The Fourth" affirmerait que la rage et l'insatisfaction ne peuvent que donner une volonté encore plus forte de s'entraîner.

Soit des messages possiblement très puissants, et ce quelle que soit la culture d'origine de la marque.

Chaque discours transforme, en effet, la pitié en respect, l'échec en tremplin, et la déception en énergie pour une prochaine tentative.

Il y a donc clairement plein de choses créatives à imaginer autour du "quatrième" pour penser un peu autrement le marketing des marques.

Et c'est pour cela que l'on en reparlera vendredi 28 novembre lors des cinquièmes Rencontres Sport/Équipement/Stratégie organisées autour de la question "C'est quoi demain une marque de sport ?"

Tuesday, October 21, 2025

ET SI "ERROR 404" DEVENAIT UNE MARQUE DE SPORT ?

Et si demain, une marque de sport décidait de s'appeler "Error 404 ®" ?

Ça pourrait être drôle, mais pas que...

Ça pourrait drôle, mais ça devrait aussi permettre de faire réfléchir sur les valeurs du sport et sur le marketing sportif d'aujourd'hui.

Son identité serait construite contre les discours dominants des grands équipementiers.

Les valeurs d'Error 404 ® seraient, en effet, l'inverse exact de celles promues par les grandes marques (l'exploit, la performance, la perfection).

Et c'est loin d'être inintéressant et négatif !

- À la performance obsessionnelle, elle opposerait le droit de célébrer l'échec (le sport juste pour se défouler)

- Aux héros et célébritéselle opposerait l'anonymat et la discrétion (les heureux anonymes)

- Aux innovations et aux tendances, elle opposerait l'intemporel et le démodé (l'anti-mode)

- À la perfection du corps, elle opposerait l'acceptation du bug (le corps comme un système imparfait)

- À l'envahissement technologique, elle opposerait la simplicité et la déconnexion (moins de data, plus de sueur)

Error 404 ® serait donc une des rares marques qui fassent réellement réfléchir sur le sport.

Elle pourrait pousser le vice à être difficilement trouvable dans les magasins, avec parfois des pop up très éphémères difficilement localisables et - évidement ! - un site internet régulièrement défaillant. 

Le logo Error 404 ® pourrait être un détail subtil, souvent mal placé (cousu à l'envers ou dans une poche) pour renforcer l'idée d'anonymat et d'anti-marque.


Porter du Error 404 ® serait donc un vrai signe de distinction et de reconnaissance discret entre ceux qui acceptent et revendiquent leur humanité imparfaite dans un monde d'hyper-performance. 

Error 404 ® serait un luxe de l'esprit.

Error 404 ® serait le luxe de pouvoir revendiquer sa déconnexion et son imperfection.


- On en reparlera vendredi 28 novembre lors des cinquièmes Rencontres Sport/Équipement/Stratégie organisées autour de la question "C'est quoi demain une marque de sport ?"

Tuesday, October 14, 2025

QUAND NIKE DEVIENT UNE PLATEFORME ET SES PRODUITS DES PORTAILS NARRATIFS

Nike vient de confirmer qu'il s'apprêtait à changer de statut.

Dans les années qui viennent, l'équipementier ne sera plus une marque de sport, mais une plateforme culturelle.

Et ses produits ne seront plus des produits, mais des portails narratifs

Cette mutation se concrétise de façon flagrante avec les partenariats que Nike vient d'annoncer avec les marques de mode plutôt pointues KNWLS et Windowsen, chargées de donner une nouvelle jeunesse à la Air Max Muse.

Un produit unique, donc, - la Air Max Muse mais deux marques pour des cibles différentes et des histoires différentes :

KNWLS cible la consommatrice "chic-performante" qui valorise "la fonctionnalité, l'élégance transitoire et l'innovation technique appliquée à une esthétique high-fashion".

Windowsen, elle, cible la consommatrice "expérimentale/rebelle" qui valorise "l'art et l'expression radicale de soi".

Dans ses communiqués, Nike parle de "costume d'armure high-femme" pour KNWLS et d'"univers d'expression de soi ultramoderne" pour Windowsen

On ne parle plus de sport, mais juste de "mouvement" comme une forme de construction identitaire.


Avant Nike vendait des produits liés à un sport. 


Désormais, la marque vend des produits pour que chacun puisse se construire son identité !!!


Et ce n'est plus la marque qui va construire l'identité, mais l'acheteur !!!


On retrouve ce que nous posions au départ : Nike devient ainsi une plate forme culturelle qui offre des produits portails narratifs permettant à chacun de se construire son histoire. 


Nike s’est très très directement inspiré de la stratégie de Lego qui à partir de pièces très simples permet à chacun de se construire son petit monde.


Et l'identité de Nike va donc changer une nouvelle fois


Elle va se déplacer de la qualité technique à l'expression culturelle.


Dit autrement.


En cinq décennies, le discours de Nike était passé de 

"Achetez Nike pour ce que vous pouvez faire.

à 

"Achetez Nike pour ce que nous savons faire."


Et aujourd'hui, le discours de Nike passe de 

"Achetez Nike parce que c'est de la bonne technologie

à 

"Achetez Nike parce que cette technologie 

vous donne le pouvoir d'être qui vous voulez être."


Avouez que c'est une toute autre histoire !!


Et que c'est passionnant à suivre.


On en reparlera bien évidemment longuement le 28 novembre prochainlors des Rencontres  "C'est quoi demain, une marque de sport ?"

Monday, October 13, 2025

LA MARQUE DE SPORT COMME PARTI IDÉAL ?

Faisons une fois encore une hypothèse pour essayer de réfléchir un peu différemment au monde du sport et plus particulièrement à l’évolution des marques de sport à plus ou moins long terme 

L'hypothèse est la suivante : et si dans un contexte de désaffection politique, d'individualisation de la sphère publique et de défiance envers les institutions, les individus étaient tentés de se regrouper autour de nouvelles entités disposant d’une identité forte, d’un récit cohérent et un cadre d'action concret  ?

Et si parmi ces entités qui offraient ces trois choses, on pouvait compter aujourd'hui un certain nombre de marques de sport ?

Dit autrement, et si demain les marques de sport contribuaient à construire une nouvelle catégorie politique que nous pourrions appeler le Parti idéal © ?

Alors ça serait quoi ce Parti idéal © ?

- Le Partis-idéal © ne s’occuperait pas des élections, et n'interviendrait jamais dans le débat politique classique.

- Le Partis-idéal © proposerait juste un mode de vie ou un manifeste existentiel dans lequel l'adhérent s'investirait corporellement et par son consommation, et ce uniquement pour son propre bénéfice.

- Le Parti idéal © serait ce qu'on pourrait appeler un parti identitaire post-idéologique

- Identitaire car il s'adresserait avant tout aux personnes cherchant à affirmer leur individualité à travers une ou des marques. 

- Post-idéologique au sens où il se positionnerait en dehors des segmentations politiques traditionnelles (gauche/droite, libéral/social...)

Il serait donc en phase avec le grand repli sur soi que l'on constate actuellement.

Certaines marques de sport sont déjà plus ou moins des partis idéaux


Avec leurs produits et leurs sagas publicitaires, les marques de sport offrent déjà à tout ceux qui ne se reconnaissent pas dans le jeu politique traditionnel, l’occasion de se construire une identité.


Elles offrent déjà l'occasion de voter avec son corps et sa carte de crédit. 


Acheter est pour beaucoup de personne aujourd'hui, un acte bien plus concret que le bulletin de vote.


Et si dans un monde de post-partis et de fin des grands récits, les marques de sport devenaient un nouvelle catégorie politique ?


Et si c'était aussi cela l'une des conséquences politiques d'une société d'individus obsédés par leur corps ?


On y reviendra le vendredi 28 novembre prochain lors de nos Rencontres organisées autour de la question « C’est quoi demain, une marque de sport ? »