Monday, August 31, 2009

LA CHINE EST-ELLE ENCORE CHINOISE ?

En 1939, était organisée la New York World's Fair qui avait pour thème "Building the World of Tomorrow".

General Motor y avait financé un pavillon appelé Futurama, dont la mise en scène avait été confiée au designer Norman Bel Geddes, et qui était destiné à présenter de façon assez spectaculaire ce que pourrait être une ville américaine à l'horizon des années 1960. (voir les images ci-dessous)

Soixante dix ans plus tard, ces images se révèlent particulièrement justes, notre urbanisme actuel étant encore complètement sous-tendu par ces visions urbaines permises notamment par l'automobile et une énergie pas cher. Et même si on sait que ce modèle est largement remis en cause (Voir ou ), il n'en reste pas moins toujours la grande référence dans de très nombreux pays.

Evidement je n'ai jamais visité GM Futurama, et n'en ai vu que des vidéos et . Mais, par contre, je crois avoir mieux compris la fascination qu'a eu le public américain face à cette maquette en visitant pour la première fois, il y a maintenant sept ou huit ans, le Shanghai Urban Planning Exhibition Hall et sa fameuse maquette géante de la ville à l'horizon 2020.

En effet, le regard plein d'émerveillement et de fierté d'une bonne part du public chinois devant cette maquette est un grand moment. L'idée que Shanghaï puisse ressembler à une ville américaine d'ici 20 ans, a clairement quelque chose de magique pour beaucoup de visiteurs. On sent que l'Occident reste le modèle et la référence.

Cette fascination pour le modèle occidental est d'ailleurs affirmée dès l'entrée du musée de façon presque caricaturale avec la sculpture ci-dessous, synthèse kitsch et ultra compacte des idéaux du Futurama américain.

Et, aujourd'hui, concrètement cette vision donne l'image ci-dessous.

Alors pourquoi je vous parle de cela aujourd'hui ? Tout simplement parce que ce week-end, en rangeant une de mes nombreuses piles de dossiers, je suis tombé coup sur coup sur "Traité de l'efficacité" du sinologue François Jullien, et sur un ancien numéro de Newsweek acheté en juin dernier à l'aéroport de Tokyo (couverture ci-dessous).

Un numéro dont la couverture est plus qu'ambiguë, car si celle-ci se veut a priori positive pour la Chine et inquiétante pour les USA, la situation économique et urbaine de Détroit actuellement peut difficilement apparaître comme un modèle (voir ). Mais bon ...

Deux documents de nature donc totalement différentes, mais qui sur le coup, semblaient dialoguer et ... se contredire l'un et l'autre. Une bonne partie de l'oeuvre de François Jullien est, en effet, fondée sur l'idée que la vision chinoise du monde est d'une telle altérité par rapport à l'approche occidentale, que le métissage des cultures ne restera toujours que de surface. Une théorie critiquée par certains avec beaucoup de violence (voir ) et qui avait fait l'objet d'un Atelier sous le titre : Et si la Chine était en train de se démarquer du modèle occidental ?

Je ne vais évidement pas tenter répondre à la question dans ce post. Reste quand même l'idée que, loin de se défaire du modèle occidental, la Chine semble plutôt vouloir le copier ... quitte à en exacerber tous les défauts avec 50 ans de retard (voir ). A tel point que dire aujourd'hui que c'est c'est General Motor qui fonde la pensée urbaine des dirigeants chinois peut surprendre, mais n'est pas forcément une totale ineptie. Et c'est en tout cas, ce que j'ai voulu suggérer par le rapprochement de ces images de New-York et Shanghaï.

Et on pourrait dire la même chose avec le fordisme en matière industrielle, comme si c'était les modèles et les visions des constructeurs automobiles américains qui servaient de références aux chinois aujourd'hui en matière de développement. On se demande aujourd'hui où est la voie chinoise et le modèle chinois pour demain ? Car aucun signe montre actuellement une volonté de faire autrement, de penser autrement, d'innover autrement par rapport à l'histoire occidentale du XX° siècle.

Sur cette question du modèle urbain, voir le très bon site movingcities.org .

Lisez aussi, à propos de la question de l'influence du modèle occidental, le passionnant livre "La Fabrique des femmes" de Leslie T. Chang, sur la vie de toutes ces anonymes travaillant à la chaîne et qu'a photographié de façon si impressionnante Edward Burtynsky (photo ci-dessous). On y retrouve du Dos Passos matiné de Zola high tech, et on comprend un peu mieux le moteur de "la folle croissance" chinoise et le pourquoi de la "sinophilie" des grandes entreprises mondiales.