Wednesday, December 31, 2025

ET S'IL ÉTAIT TEMPS DE FONDER UNE NOUVELLE GÉOPOLITIQUE DE LA PRATIQUE SPORTIVE ?

Aujourd’hui quand on parle de géopolitique du sport, on parle essentiellement et presque uniquement de la façon dont certains états tentent de récupérer l’organisation de grands évènements comme les J.O ou la Coupe du monde de foot.


Accueillir une Coupe de monde de foot serait glorieux… même si cela ne correspond absolument pas aux pratiques locales du pays - voir les Etats-Unis et le Canada en 2026 et surtout l’Arabie Saoudite en 2034.


La géopolitique sportive traditionnelle est centrée sur le «hard power" des médailles et des stades cathédrales, pas sur la réelle sportivité du pays hôte. 


La géopolitique du sport se fonde donc sur le sport spectacle - le sport que l’on regarde - pas sur le sport que l’on pratique.


Pourtant avec le dérèglement climatique, il serait sans doute judicieux que les nombreux auto-proclamés spécialistes de la géopolitique du sport revoient leurs logiciels d’analyses !


Et s’il était temps de fonder une nouvelle géopolitique de la pratique sportive ?


Et si la véritable puissance sportive d'une nation ne devait plus se mesurer aux nombres de médailles ou de coupes, mais à sa capacité à offrir un "terrain de jeu" permanent et sécurisé à tous. 


Ce passage d'une géopolitique du spectacle à une géopolitique de l'habitabilité réelle marquerait la fin d’un prestige de façade (souvent très temporaire) au profit d'une santé sociale beaucoup plus concrète et pérenne.    


Ce passage pourrait prendre au moins quatre formes


1. La fin du prestige monumental au profit des infrastructures du quotidien

- Aujourd’hui la géopolitique traditionnelle analyses les infrastructures, les stades de 80 000 places. 


- La nouvelle géopolitique des pratiques déplacerait son regard vers les infrastructures diffuses qui irriguent le quotidien des citoyens. 


- La puissance sportive ne consisterait plus à accueillir une quinzaine olympique, mais à garantir par exemple des pistes cyclables ininterrompues sur plusieurs centaines de kilomètres et des parcs urbains où l'activité physique est favorisée. 


- Dans ce cadre, l'indicateur de réussite ne serait plus les podiums, mais le taux d'activité réelle de la population.

2. Le déclassement des empires sédentaires et artificiels

- Ce basculement révélerait la fragilité des puissances actuelles. 


- Des pays comme le Qatar ou l'Arabie Saoudite, malgré leurs investissements massifs, risquent de devenir des "zones d'exclusion sportive". 


- Courir sur un tapis roulant dans un dôme climatisé n'est pas un signe de force, mais le symbole d'une liberté supprimée, transformant le citoyen en "prisonnier de luxe". 


- De même, les États-Unis subiraient un déclassement violent : leur territoire conçu pour la voiture rend la marche suspecte ou dangereuse, les reléguerait au rang de nation "sous-développée" sur le plan physique et de l'autonomie du mouvement.

3. L'émergence des nouvelles superpuissances de la pratique

- La carte mondiale du sport s'en trouverait totalement redistribuée au profit de nations plus équilibrées:


- Les pays scandinaves deviendraient une vraie super puissance avec leur concept de Friluftsliv (vie au grand air) et à un droit d'accès à la nature sanctuarisé.

- La Slovénie s'imposerait comme une puissance centrale grâce à sa densité exceptionnelle de sentiers balisés et une culture nationale où la majorité de la population pratique la montagne.

- Le Japon dominerait par son design urbain, où la sécurité totale et l'intégration des transports permettent une pratique physique quotidienne et naturelle.

- L'Afrique de l'Est, avec des pays comme le Kenya ou le Rwanda, deviendrait la "banque mondiale de l'espace", offrant altitude et climat idéal pour un mouvement qui reste la base de la vie sociale.

4. Du « nation branding » à la santé sociale

- Dans ce modèle, le sport n'est plus un outil de relations publiques, mais un indicateur de liberté et d'inclusion. 


- La capacité pour une femme de courir seule dans l'espace public sans crainte devient un signal géopolitique bien plus puissant qu'une collection de médailles d'or. 


- Le poids diplomatique basculerait des diffuseurs de télévision vers les aménageurs du territoire. 


- En somme, la valeur d'une nation se mesurerait désormais à la distance qu'un enfant peut parcourir seul avec son ballon sans risque d'accident ou d'insolation


- On passerait d'une géopolitique de la puissance (le "hard power" des médailles) à une géopolitique de l'habitabilité et de l'usage (le "soft power" de la qualité de vie)

 

Ce post prolonge la réflexion esquissée avec :

Tuesday, December 30, 2025

ET SI LA GÉOPOLITIQUE SPORTIVE DEVAIT CHANGER DE VOCABULAIRE ?

On change de monde car la planète est en surchauffe.

Cette mutation climatique va entrainer une révolution de la géopolitique du sport.
Voir :

La géopolitique sportive va donc devoir oublier son vocabulaire habituel (soft power, nation building, désoccidentalisation, diplomatie sportive,...) pour en utiliser un nouveau.

C'est pour cela que l'on vous propose neuf mots qui devraient selon nous devenir incontournables pour expliquer les nouveaux rapports de forces en matière de géopolitique du sport dans les années qui viennent.

- Climatocratie : Le pouvoir n'appartient plus aux diplomates, mais aux experts de la donnée météo qui dictent le calendrier mondial. 

- C’est le règne du capteur sur le politique, où une variation de 0,5°C peuvent annuler une décision d'État.  

- Vassalisation : Les fédérations sportives perdent leur autonomie pour devenir les vassales des géants de la tech, de l’énergie et de la réassurance. 

- Leur survie dépend désormais d'une allégeance totale aux réassureurs et aux fournisseurs de solutions de refroidissement.  

- Artificialisation On assiste à la rupture finale avec le milieu naturel : le sport s'extrait du monde réel pour devenir une simulation climatique intégrale. 

- On ne s'adapte plus à la nature, on la remplace par un climat et des environnements de synthèse pilotés par ordinateur.

- Prédation : Les grands événements sont des prédateurs de ressources vitales (eau, électricité) au détriment des populations civiles. 

- Les compétitions effectuent des ponctions brutales sur des écosystèmes souvent déjà fragilisés pour maintenir un spectacle hors-sol.


- Relégation : Des régions entières du globe subissent une relégation sportive permanente, jugées « climatiquement incompatibles » avec le haut niveau. 

- Cette exclusion géographique crée une nouvelle carte du monde où le "prestige" est réservé aux zones tempérées ou artificialisées.


- Inertie : Le décalage entre les structures sportives rigides et la fulgurance du basculement climatique devient mortifère pour le monde sportif. 

- Les grandes institutions veulent continuer à organiser des événements qui appartiennent pourtant déjà à un passé climatique disparu. 


- Entropie : La multiplication des catastrophes menace de désorganiser le système sportif jusqu'au chaos logistique et financier total. 

- Chaque tentative de maintien du modèle actuel génère encore plus de désordre et de dette, épuisant les dernières réserves de résilience du secteur. 

- Paranoïa : Le sport développe une mentalité d'assiégés, se retranchant dans des enclaves ultra-sécurisées et climatisées. 

- Chaque stade devient une citadelle cernée par un environnement devenu hostile, isolant les athlètes du chaos extérieur.


- Transhumance : Les disciplines entament une migration perpétuelle à la recherche de refuges thermiques. 

- Le sport devient un nomade climatique, transhumant au grès des garanties financières imposées par les sociétés d'assurance.

Oui, évidement ces mots changent un peu de ce que l'on peut lire ou entendre ailleurs. 

Mais ces mots aident aussi probablement à mieux réfléchir au sport demain.

On poursuit la réflexion dans un prochain post.

Monday, December 29, 2025

ET SI C'ÉTAIT EUX LES VRAIS MAITRES DE LA NOUVELLE GÉOPOLITIQUE DU SPORT ?

Ce post prolonge "et si la vraie géopolitique du sport, était désormais celle du climat ?"



Pendant un siècle, le sport mondial a vécu sous l'illusion de sa propre autonomie. 


Le CIO et la FIFA régnaient en monarques, distribuant les Jeux et les Coupes du monde comme des faveurs diplomatiques. 


Cette époque est en train de prendre fin.


Car une nouvelle puissance jusque là invisible, mais beaucoup plus implacable que n'importe quelle fédération sportive, est en train de prendre les commandes : la ré-assurance.


Aujourd'hui, l'attribution d'un événement n'est plus une question de soft power, mais une question de solvabilité environnementale


Le rôle des assureurs et des réassureurs (ceux qui assurent les assureurs, comme Swiss Re ou Munich Re) est le pivot invisible de cette nouvelle géopolitique. 

Les réassureurs ne sont plus de simples prestataires financiers, ils sont devenus les nouveaux cartographes du possible.

Si Swiss ReMunich Re, Lloyd’s refusent de couvrir un événement, celui-ci n'existe pas. 


L'isotherme, nouvelle frontière du possible


Le concept d’universalisme sportif est en train de disparaitre derrières les cat models, ces outils algorithmiques qui simulent des milliers de scénarios de catastrophes naturelles (séismes, canicules, inondations...) pour prédire statistiquement l’ampleur des pertes financières potentielles sur un lieu donné 


Pour Los Angeles 2028, le défi n'est pas de construire des stades, mais de sécuriser un "bouclier thermique". Les assureurs imposent désormais un diktat fondé sur l'AQI (Air Quality Index).


Ça ne sera pas le comité d'organisation qui décidera du maintien ou non d'une épreuve, mais les capteurs de particules fines !!


À Los Angeles, si la fumée des incendies de forêt devenus chroniques sature l'air, le contrat de ré-assurance s'interrompt. 


Le sport devient un privilège thermique : seuls les pays capables de garantir une "bulle de fraîcheur" et un air filtré via une infrastructure énergétique colossale vont rester dans le jeu.


L'ère paramétrique


Avec l'attribution des JO 2030 aux Alpes française, nous avons assister à la mort de l'assurance classique


On n'assure plus un risque (l'aléa), on gère une certitude (la fonte). 


C'est ici qu'apparaît l'assurance paramétrique : un contrat froid, déclenché automatiquement par la donnée. 


Si la température moyenne dépasse un seuil de 2°C sur le site de compétition, l'indemnisation tombe sans discussion. 


L'assurance ne sert plus à se dire "Ouf, je suis remboursé", mais se à dire : "Je sais que le problème va arriver, et j'ai déjà programmé le virement bancaire pour payer les camions de neige ou les systèmes de refroidissement le jour J."


Cette bascule transforme le budget des Jeux en une gigantesque taxe climatique. 


La France n'a pas gagné les JO 2030 par son prestige, mais par sa capacité financière à s'auto-assurer car le risque climatique rendait le projet pas assurable par le seul secteur privé.


La ségrégation par le risque


Le pouvoir des ré-assureurs va donc dessiner une nouvelle carte du monde. 


C'est le phénomène dit du bluelining, cette pratique financière par laquelle les assureurs et les banques décident de se retirer de façon pure et simple des zones à haut risque environnemental.


Un pays du Sud, même avec des infrastructures ultra-modernes, peut se voir rayer de la carte sportive si son exposition aux cyclones ou aux vagues de chaleur rend la prime d'assurance prohibitive.


L'assurance par la fragmentation


Pour réduire le "risque d'agrégation" (trop d'actifs au même endroit), les assureurs forcent les organisateurs des grands événements sportif à l'éclatement ou à la fragmentation géographique des épreuves.


Le Mondial de foot 2030 sur trois continents (Afrique, Amérique du Sud, Europe) n'est pas une hérésie écologique par accident, c'est une stratégie de couverture financière ("hedging"). 


La FIFA a utilisé le hedging géographique en éclatant le Mondial 2030 sur trois continents afin que si un sinistre climatique majeur touche l’un des continent cela ne coule pas l'intégralité du tournoi… et évidement les revenus financier du tournoi.


L'Arabie Saoudite 2034 ou la « bulle de survie »


Le cas saoudien est l'aboutissement de cette logique. 


Pour se voir attribuer l'organisation de la Coupe du monde 2034, l'Arabie Saoudite n'a pas vendu du football... mais de l'ingénierie de résilience


Dans un monde plus chaud, la puissance ne va plus se mesurer au nombre de licenciés, mais à la capacité de maintenir une pelouse à 22°C par 45°C extérieurs.


Le sport devient le laboratoire marketing de la survie technologique. 


Les ré-assureurs valident ces projets car ils reposent sur un contrôle total des variables physiques. 


Le Neom Stadium intégré dans une structure urbaine régulée, est un actif parfait pour un assureur : un environnement clos où l'aléa climatique est techniquement supprimé.


Le passage du prestige au risque


Nous avons donc changé d'ère. 


Ça se sait peu, mais le sport de haut niveau est désormais classé par les assureurs et ré-assureurs dans la même catégorie que l'exploitation pétrolière offshore ou le transport nucléaire : une activité à haut risque systémique !


Le « soft power » sportif est mort.


Il est aujourd'hui remplacé par le «hard risk power management », c’est à dire par les impératifs techniques et financiers (modélisations climatiques, clauses d'assurance, contraintes d'ingénierie) qui deviennent plus important que les considérations politiques ou sportifs pour déterminer la faisabilité d'un projet.



Ce nouvel ordre climatique et assurantiel va dessiner une double rupture :


Une rupture géographique : nous allons assister à l'émergence d'un véritable apartheid climatique, où l'universalisme sportif s'efface devant une "souveraineté thermique". 


Une rupture de légitimité : le pouvoir va changer de mains. Les présidents de fédérations vont désormais céder leurs places aux géants de la réassurance qui décideront de l'existence ou non des événements. 



On poursuit la réflexion dans le post suivant.