Friday, December 26, 2025

ET SI LA VRAIE GÉOPOLITIQUE DU SPORT ÉTAIT DÉSORMAIS CELLE DU CLIMAT ?

Les choses doivent être claires : les plus gros enjeux géopolitiques de demain ne sont pas les visées expansionnistes des dirigeants américains, russes, israéliens ou chinois, mais ceux liés au dérèglement climatique et aux catastrophes naturelles qui vont l'accompagner. 

Ca va changer nos modes de vies, nos façons de penser le futur.

Mais ça va aussi changer de façon tout aussi radicale nos façons de penser le sport - le sport que l'on pratique comme le sport que l'on regarde.

Et donc forcément changer notre façon de penser et de faire de la géopolitique du sport.

Jusque-là celle-ci se faisait sous le prisme du politique.

Désormais, elle devrait se pratiquer avec des critères climatiques.

On va passer d'une géopolitique de l'influence (le sport comme outil de puissance) à une géopolitique de la survie (le sport comme victime et révélateur des limites planétaires).


La carte du sport mondial ne va plus se dessiner selon les budgets des états, mais aussi - et de plus en plus - selon les isothermes.


Nous allons changer de paradigme pour penser.

Reste à déterminer les possible formes de cette nouvelle géopolitique climatique du sport.

Nous en avons identifié quatre en ce qui concerne le sport que l'on regarde, c'est à dire celui des grandes compétitions qui servaient jusque-là de base aux enjeux géopolitiques du sport. 

On vous les soumet ci-dessous.


1. Un nouvel ordre climatique

- La carte du sport mondial va se fragmenter encore un peu plus.


- Les pays pauvres du sud ne seront plus des "partenaires à développer", mais des zones devenues "hors-jeu" par la force des choses. 


- Le sport de haut niveau se repliera sur un club fermé de nations tempérées.


- Le stade climatisé ne sera plus un luxe, mais une condition de souveraineté. 


- Seuls ceux qui maîtriseront le refroidissement de masse (via le dessalement et l'énergie solaire ou fossile) pourront encore prétendre accueillir les grands événements sportifs.


2. La raréfaction de l'hiver


- L'hiver va devenir une ressource naturelle finie.


- Avec la disparition des glaciers, la géopolitique des sports d’hivers va être totalement chamboulée. 


- Le pouvoir basculera vers les rares nations possédant des sommets au-delà de 3000m ou des technologies de "snow-farming" (stockage de neige). 


- L'attribution des Jeux asiatiques d'hiver à l'Arabie saoudite (Trojena 2029) prouve que la technologie du froid va désormais remplacer la géographie. 


- On n'achètera plus des Jeux avec des votes, mais avec une promesse de "vaincre la nature".


- Le sport d'hiver quitteront leur berceau alpin (trop bas, trop chaud) pour devenir un produit de laboratoire. 


3. Les réassureurs comme nouveaux arbitres 


- La géopolitique se jouera ici sur la capacité d'adaptation : un pays incapable de protéger ses infrastructures sportives des menaces climatique sera perçu comme un état en déclin.


- Les nouveaux arbitres de la géopolitique du sport ne seront plus les présidents de fédérations ou le CIO, mais les grands réassureurs mondiaux (Swiss Re, Munich Re...). 


- Si ces géants décident qu'un pays est "non-assurable" à cause des risques cycloniques ou de canicule, ce pays disparaîtra de la carte sportive mondiale... et ce peu importe sa richesse. 


- Demain, ce sont les assureurs qui dicteront qui aura le droit d'exister sur la carte mondiale des grands évènements sportifs.


4. De la puissance à l'exemplarité (?)


- Le "soft power" classique apporté par le sport (rayonner par la victoire) pourrait être remplacé par un "soft power de la sobriété" (rayonner par la sobriété)


- Organiser un événement "zéro émission" deviendra le graal. 


- Un pays qui prouve sa sobriété gagnera une influence morale et une légitimité à dicter les règles aux autres. 


- À l'inverse, l'étalage de moyens carbonés deviendra une faiblesse politique que les adversaires utiliseront pour décrédibiliser l'État hôte.


- Un pays utilisant le sport pour masquer son inaction climatique (sportswashing) s'exposera à un risque de boycott d'un nouveau genre : un boycott éthique et générationnel. 



Le sport mondial ne va donc pas vivre une simple crise de transition, mais un vrai basculement de civilisation.

- Le sport ne va plus servir à conquérir le monde. 

- Mais il va devenir le laboratoire de notre adaptation à un monde qui rétrécit. 

- La véritable puissance sportive n'appartiendra plus à celui qui a le plus de médailles, mais à celui dont le territoire reste "jouable".


On poursuit la réflexion dans nos prochains posts.

Tuesday, December 23, 2025

ET SI ON UTILISAIT LE SPORT COMME CHEVAL DE TROIE ?

Nous avons un problème majeur avec l'écologie : elle s'adresse à nos têtes, mais elle oublie nos corps. 

On nous parle de rapports scientifiques, de pourcentages de CO2, de limites à ne pas franchir. 

Résultat ? On ressent de la culpabilité, de l'impuissance, ou pire, de l'indifférence.

Mais que se passerait-il si l'outil le plus puissant pour sauver notre planète ne se trouvait pas seulement dans les traités internationaux, les lois et le règlements plus nécessaires que jamais, mais aussi dans nos muscles ?

Nous chez Transit-City et au sein du Prospective Sport Lab ®, on a une conviction toute simple mais très forte : le sport peut et doit devenir le cheval de Troie de la transition écologique.

Pourquoi ? 

Parce que le sport réussit là où le politique échoue : il transforme la contrainte en désir .

Dans un monde saturé de discours anxiogènes sur le climat, le sport peut devenir une stratégie de contournement très efficace. 

Il ne demande pas la permission de changer le monde ; il le fait en changeant nos corps et nos désirs.

1. D’une écologie de la soustraction à une écologie de l’addition.

- La politique climatique traditionnelle échoue souvent parce qu’elle est perçue comme une écologie de la soustraction (moins de viande, moins de vols, moins de chauffage). C’est une rhétorique de la privation qui génère culpabilité et résistance.

- Le sport, à l’inverse, propose une écologie de l’addition : plus de vitalité, plus de plaisir, plus de connexion.

- On ne prend pas son vélo pour « réduire ses émissions de CO2 » (une abstraction mentale), on le prend pour ressentir l’air, muscler son corps et arriver au bureau l'esprit clair.


- Le sport transforme la contrainte environnementale en un gain personnel immédiat.


2. La politique de l’évidence matérielle

- Le sport possède une force que les institutions n'ont pas : il matérialise la transition. Une piste cyclable ou un aménagement urbain sportif ne sont pas des « promesses électorales », ce sont des programmes comportementaux.

- En modifiant l'infrastructure, on modifie la trajectoire des corps.


- Les aménagements en faveur des mobilités actives ont vocation à rendre les comportements écologiques désirables, voir inévitables.


3. De la prise de conscience à la prise de corps.


- Courir en forêt ou nager en eau libre crée une reconnexion sensorielle au vivant bien plus puissante que n'importe quel rapport scientifique. 

- Le sport permet de passer de la « prise de conscience » (théorique) à la « prise de corps » (pratique).


- Le sportif devient une « sentinelle » : quand son terrain de jeu (la rivière, la montagne, la rue) est dégradé, son engagement n'est plus idéologique, il est viscéral. 


- Sa pratique fait de lui un activiste par destination.


4. De la contagion sociale à la contamination positive.

- Le sport opère par contamination positive. Il crée des micro-sociétés (groupes de running, communautés de vélotaffeurs) qui inventent de nouvelles normes sociales.

- Ce n'est plus l'État qui impose une règle, c'est le groupe qui rend une pratique cool, valorisante et normale.


- Cette dynamique crée des « effets de seuil » : lorsqu’une masse critique de citoyens adopte le mouvement, c'est tout le système (politique, économique, urbain) qui bascule pour s’adapter à cette nouvelle réalité physique.


Le sport n’est plus une parenthèse dans nos vies, c’est la grille de lecture et d’action du XXIe siècle. 

En remplaçant le modèle de la consommation passive par celui de l'incarnation active, il nous offre une boussole pour naviguer dans l'incertitude.

La question politique n'est plus de savoir comment nous allons gérer la crise, mais comment nos corps en mouvement pourraient inventer la suite. 

Le sport ne doit pas seulement accompagner la transition écologique: il doit l'accélèrer en la rendant irrésistible.

Quitte à se cacher dans un cheval de bois…

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Ce post est le prolongement de :

Monday, December 22, 2025

ET SI LE SPORT ÉTAIT LE GRAND ACCÉLÉRATEUR DE NOS NÉCESSAIRES TRANSITIONS ?

Ce post est le prolongement de "quand le sport va devoir changer ses vocations".


Chez Transit-City et au sein du Prospective Sport Lab ®, notre constat est simple : le plus grand défi des décennies à venir va être de maintenir notre planète habitable en luttant contre le réchauffement climatique et contre la destruction du vivant.


Ce combat vital va devoir se mener dans des sociétés dominées :

- par la figure de l’individu

- par la figure du corps.


La question politique est donc simple : comment engager des individus obsédés par leur corps dans la nécessaire mutation écologique de nos modes vie ?


Réponse : utiliser le sport comme outils de la nécessaire mutation civilisationelle qui s’annonce.


Mais pourquoi le sport ?


Car le sport est un formidable accélérateur des mutations.


Le sport accélère nos transitions par cinq mécanismes précis qui court-circuitent les lenteurs institutionnelles et les résistances idéologiques.


1 ° - L'accélération par l'incarnation. 

- Les politiques publiques échouent souvent parce qu'elles restent abstraites. "Réduire les émissions de CO2" ne fait pas sens pour le corps. 


- Mais pouvoir courir dans une ville non polluée, nager dans une rivière propre, monter les escaliers plutôt que prendre l'ascenseur – ça, le corps le comprend immédiatement. 


- Le sport transforme l'impératif climatique en expérience sensible. 


- Quand tu cours en ville et que tu respires la pollution, tu deviens militant sans même le décider. 


- Le sport court-circuite le débat idéologique pour créer une évidence corporelle.

2 ° - L'accélération par l'infrastructure. 

- Le sport a ce pouvoir de pouvoir matérialiser immédiatement les intentions. 


- Quand Amsterdam construit des infrastructures cyclables, elle ne "promeut" pas le vélo – elle le rend inévitable, désirable, évident. 


- L'infrastructure sportive n'est pas neutre : elle programme des corps, des gestes, des trajectoires. 


- Une piscine-forêt () ne sert pas qu'à nager – elle rafraîchit la ville, accueille la biodiversité, crée du lien social. 


- Le sport devient le cheval de Troie qui fait entrer la transition écologique dans le quotidien.

3 ° - L'accélération par le désir. 

- C'est peut-être le mécanisme le plus puissant. 


- Le sport rend désirable ce qui était vécu comme une contrainte. 


- Personne n'a vraiment envie "réduire son empreinte carbone" – c'est vécu comme une privation. Mais beaucoup veulent avoir un beau corps, se sentir bien, être performant. 


- Le sport transforme la nécessité écologique en projet de soi. 


- Le sport fabrique du désir là où un certain discours morale écologique fabrique de la culpabilité. 

- Et le désir est infiniment plus efficace pour changer les comportements.

4 ° - L'accélération par le contournement des institutions. 

- Les marques de sport transforment les comportements plus vite que l'État. 


- Les marques créent directement des récits, des imaginaires, des désirs. 


- Avec son Just do it, Nike a impulsé un mouvement bien plus puissant que ne le pourrait n’importe quel message de santé publique. 


- Le sport opère une politique par contournement. 


- Par ses pratiques, le sport transforme les pratiques quotidiennes plus que n’importe quelle politique publique.

5 ° - L'accélération par la contamination positive. 

- Le sport se propage par mimétisme, par envie, par contagion sociale. 


- Quand tu vois ton collègue arriver en vélo, en forme, souriant – ça crée une aspiration. Quand tu croises des coureurs le matin – ça normalise la pratique. 


- Cette contamination douce est plus efficace que mille campagnes gouvernementales. 


- Le sport crée des micro-communautés – le groupe de running du jeudi soir, le club de natation en eau libre, les vélotaffeurs. 


- Ces tribus deviennent des cellules de transformation sociale. 

- Elles inventent des usages, testent des innovations, créent des normes alternatives.


Ces cinq mécanismes déclenchent une boucle rétroactive puissante : des individus changent leurs pratiques, créent une demande d'infrastructures, les infrastructures transforment la ville, la ville transformée rend les nouvelles pratiques encore plus évidentes, de nouveaux individus basculent. 


C'est exactement ce qui s'est passé à Copenhague : un seuil de masse critique a été franchi, et soudain le vélo n'était plus une pratique marginale mais la norme. 


Le sport a la capacité unique de créer ces effets de seuil qui basculent tout un système.


Le sport transforme plus vite que la politique traditionnelle parce qu'il opère au niveau du corps, du désir, de l'expérience vécue. 


Il répond simultanément à trois besoins humains fondamentaux : le plaisir immédiat (je me sens bien quand je bouge), l'identité sociale (je deviens quelqu'un de désirable), le sens collectif (je contribue à quelque chose de plus grand). 


Les politiques climatiques classiques offrent le sens et la direction du combat à mener, mais sont incapables d'y apporter du plaisir et de l'identité. 


Le sport inverse l'équation.