Saturday, December 06, 2025

ET SI NIKE FAISAIT DU FOOT UN UNIVERS FICTIONNEL ?

Lorsque que nous avons annoncé que lors des Rencontres consacrées à la question "C'est quoi une marque de sport demain ?", nous allions demander "Et si Nike devenait un concurrent de Marvel et Star Wars ?", on ne va pas vous cacher que cela a créé un certain désarroi chez beaucoup de nos interlocuteurs.

"Pourquoi et comment comparer Nike à Marvel ?" nous demandaient-ils.

Lors de ces Rencontres, le toujours très pertinent Paul Vacca a expliqué pourquoi cette comparaison était au contraire totalement évidente au vu de la façon dont les univers de marques se construisent aujourd'hui.

Et pour ceux qui doutaient encore, Nike vient d'en apporter la meilleure démonstration en lançant sa collection "Hollywood Keepers", une pré-collection de maillots de gardien de but aux couleurs d'équipes nationales.

C'est très malin.

D'abord, parce qu'en lançant un maillot streetwear sans contrainte - les vrais maillots ne seront vendus qu'en 2026 -, Nike impose un style avant de se soumettre aux contraintes techniques de la compétition.

Ensuite, parque qu'en faisant des gardiens de but des héros, Nike a choisi le seul joueur qui a un maillot différent des autres et donc parfait pour vendre plus de références.

Enfin parce qu'en lançant des maillots aux designs uniques avec des motifs culturels forts (tigres coréens, lions anglais...), Nike transforme les équipes nationales en plateformes d'expression identitaire maximale.

En gros, Nike dit : "Le maillot n'est plus juste un uniforme sportif, c'est l'affirmation d'une nouvelle identité culturelle"… mais qui n’a plus rien à voir avec les codes nationalistes d’antan.

Et c'est pour cela qu'il n'est absolument pas abérrant de comparer Nike et Marvel.


Le foot devient un univers fictif plus qu'un sport

- La performance s'efface devant la mythologie. Nike ne vend plus "le maillot que portent les champions" mais "l'univers dans lequel tu veux exister". Les gardiens "Hollywood" n'existent pas  - c'est une fiction nostalgique des grands goals des années 90. 

Nike crée des personnages, pas des athlètes.

- Le terrain disparaît comme le montre la chronologie : collection streetwear en décembre 2025, maillots de match "plus tard" en 2026. Le stade devient presque accessoire. Le vrai terrain, c'est Instagram, TikTok, la rue. 

Le match n'est plus qu'un prétexte narratif.

- Le foot comme franchise Marvel Chaque équipe nationale devient un "univers" avec ses codes visuels, ses mythes. 

Nike transforme le football en multivers de marques. « Tu ne supportes plus une équipe, tu achètes un univers esthétique. »


Et pourquoi ça change tout.

- L'authenticité est inversée. Avant c'était : "C'est beau parce que c'est porté sur le terrain". Maintenant c'est : "C'est légitime sur le terrain parce que c'est déjà cool dans la rue"

- Le fan/supporter devient cosplayeur. Il ne porte plus le maillot pour ressembler à M'bappé. Il porte une pièce d'un univers fictionnel dont M'bappé est juste un player parmi d'autres.

- Le sport devient du lore, c'est à dire un ensemble d'histoires, de légendes et de mythes qui entourent un univers fictif. Cette notion du "lore" est apparue pour analyser les jeux vidéo et l'univers de la fantasy

Ce qui compte désormais c'est l'histoire qu'on raconte, pas le score. 

Nike fabrique des légendes avant même qu'elles existent.

Avant, le foot créait ses légendes par les exploits.

Maintenant, Nike crée d'abord des légendes, et le foot suit. 


La vraie révolution

Le foot pour Nike demain, c'est Disney qui possèderait la NBA

Le sport réel n'est que la légitimation d'un empire de fiction. 

Les vrais concurrents de Nike ne sont plus les autres marques de sport - ce sont Netflix, Fortnite et tous les grands créateurs d'univers comme Star Wars et Marvel.

CQFD

Et ça peut être assez vertigineux quand on y pense : si la fantaisie vend mieux que la performance, pourquoi Nike aurait-il encore besoin... de vrais matchs ?

Friday, December 05, 2025

SOLDATS, SPORTIFS : LA MÊME ÉVOLUTION ?

Et si les soldats et les sportifs connaissaient les mêmes évolutions ?

Pour prolonger - avec exactement la même grille de lecture - la réflexion esquissée dans notre précédent post sur l'évolution de la figure du soldat entre le XX° et XXI° siècle.

- L'incarnation.


Le sportif du XX° siècle est un pur produit de l'ère des masses et de la standardisation olympique. Il marque la transition de l'amateurisme aristocratique aux grandes compétitions nationales télévisées. Son essor coïncide avec l'apogée du sport-spectacle et de la Guerre Froide, période où la performance sportive était un enjeu géopolitique. Ce sportif incarne l'athlète générique d'une nation, portant fièrement ses couleurs dans des disciplines codifiées.

Le sportif du XXI° siècle est un phénomène de l'ère digitale, né de la culture des réseaux sociaux, du personal branding et de la data. Il est paradoxalement le reflet d'une génération qui refuse les restrictions des fédérations traditionnelles et revendique l'authenticité, la personnalisation extrême de l'entraînement et la monétisation directe. Il veut avoir un contrôle total de ses données individuelles.


- Le modèle économique.


Le sportif du XX° siècle est le triomphe des fédérations nationales et du sponsoring de masse. Il appartient au marché du sport-spectacle et des grands contrats collectifs. Sa valeur économique individuelle est encadrée par des structures pyramidales, mais il représente une rentabilité basée sur l'audience télévisuelle massive et les revenus publicitaires. Il est l'exemple parfait du champion formaté pour le grand public.

Le sportif du XXI° siècle est le modèle de l'économie de plateforme et du revenu diversifié. Les réseaux sociaux, NFTs, contenus premium et partenariats directs transforment l'athlète en une marque personnelle dont la valeur ajoutée repose sur l'engagement communautaire, l'authenticité perçue et la rareté des accès VIP. L'investissement dans quelques athlètes ultra-médiatisés remplace le soutien diffus aux équipes nationales.


- Le mode opérationnel.


Le sportif du XX° siècle est un produit de l'ère des équipes nationales et de la compétition olympique, incarnant l'archétype du conflit sportif symétrique entre États-nations. Il est formé pour opérer au sein d'une structure fédérale rigide où la conformité aux normes, le respect du règlement et la subordination à l'entraîneur national sont primordiaux. Sa valeur réside dans sa capacité à exécuter un plan de jeu collectif standardisé et à contribuer au tableau des médailles de sa nation.

Le sportif du XXI° siècle est le produit de l'ère des compétitions hybrides, des sports émergents et de l'influence médiatique décentralisée. Il est de plus en plus un performer spécialisé et technologique, dont l'efficacité repose sur sa capacité d'auto-analyse biométrique et sa maîtrise des flux de données de performance. Sa valeur ajoutée n'est pas dans le conformisme, mais dans le niveau d'innovation individuelle, l'équipement personnalisé (capteurs, intelligence artificielle, coaching algorithmique) et la précision de la narration personnelle ciblée.


Thursday, December 04, 2025

PETITS SOLDATS / XX° SIÈCLE vs XXI° SIÈCLE

Quand on se demande "Et si demain, la guerre changeait le sport ?" comme nous le ferons lors des prochaines Rencontres de la Prospective Sportive ®, cela suppose a minima de s'interroger sur les évolutions des conflits et sur celles des militaires.


Cette réflexion peut se faire sous de multiples formes, celle notamment de prendre une figure iconique du combattant, comme le fameux petit soldat en plastique vert remis au gout du jour par Toy Story et Lego, et essayer de comprendre ce qu’il

symbolisait dans la société - voir et .


Mais on peut aussi comparer cette figure avec un autre jouet, notamment celle du combattant Lego customisé par BrickArms et voir comment ils peuvent nous aider à penser le combattant du XX° siècle vs celui du XXI°.


Tentons l’exercice.


- L'incarnation.


Le petit soldat en plastique vert est un pur produit du XX° siècle, de l'après-guerre et de l'âge d'or du plastique. Il marque la transition des soldats de plomb et de métal chers et très fragiles à celui de jouet bon marché. Son essor coïncide avec l'apogée de la culture de masse américaine et la Guerre Froide, période où l'imagerie militaire était omniprésente. Ce soldat incarne le G.I. Joe générique fantassin d’une « nation » indéfinie.


Le soldat Lego customisé BrickArms () est un phénomène du XXIe siècle, né de la culture de l'Internet, de la micro-entreprise et de la niche. Il est paradoxalement le reflet d'une génération post-Lego qui refuse les restrictions de l’entreprise danoise de vendre des armements réalistes modernes. Il répond à une demande de technicité individuelle.


- Le modèle économique.


Le petit soldat en plastique vert est le triomphe des économies d'échelle. Il appartient au marché du jouet de masse et du bas coût. Sa valeur économique est infime par unité, mais il représente une rentabilité basée sur le volume de production et la vente en vrac. Il est l'exemple parfait du produit jetable.


Le soldat Lego/BrickArms est le modèle de la micro-économie de niche et du produit premium. L'accessoire BrickArms transforme la figurine Lego en un objet de collection dont la valeur ajoutée repose sur le travail de design, la précision du moulage et la rareté relative. 


- Le mode opérationnel.


Le petit soldat en plastique est un produit de l'ère des armées de masse et de la guerre industrielle, incarnant l'archétype du conflit symétrique entre États-nations. Il est formé pour opérer au sein d'une structure hiérarchique rigide où la conformité et la substitution des unités sont fondamentales. Sa valeur réside dans sa capacité à exécuter des ordres standardisés et à contribuer au volume de feu ou à l'occupation du terrain. 


Le soldat Lego/BrickArms est le produit de l'ère des conflits asymétriques, des opérations spéciales et de la guerre de l'information. Il est de plus en plus un opérateur spécialisé et technologique, dont l'efficacité repose sur sa prise de décision individuelle et sa capacité à analyser des flux de données complexes. Sa valeur ajoutée n'est pas dans le volume, mais dans le niveau de compétence individuelle, l'équipement personnalisé (drones, communications chiffrées, capteurs) et la précision de l'intervention ciblée.


Question : cette grille de lecture est-elle applicable aux sportifs ?


On poursuit la réflexion dans de prochains posts.

Wednesday, December 03, 2025

EN SACHET

sachet 


standardisation 


masse anonyme


simulation de conflits


postures d'action idéalisées


interchangeabilité


héroïsme stérilisé 


éphémère 


jetable 


Et si la figure du petit soldat en plastique vert permettait de réinterroger la figure du sportif ?


Où quand les jouets de mon enfance en disaient probablement beaucoup plus sur notre société et le sport que ce que je pouvais bien en comprendre à l'époque...


Et si demain, la guerre changeait le sport ?

Monday, December 01, 2025

ET SI DEMAIN, LA GUERRE CHANGEAIT LE SPORT ?

Les prochaines et dixièmes Rencontres de la Prospective Sportive ® auront lieu au printemps 2026 autour de la question "Et si demain, la guerre changeait le sport ?"

Ces Rencontres seront notamment l'occasion de présenter comment nous travaillons sur le thème de la guerre dans le cadre de notre démarche des "deux trilogies" - voir, .

Elles seront aussi le prolongement et l'enrichissement sportifs des réflexions engagées depuis plus de 10 ans par Transit-City sur les façons dont les guerres contemporaines irriguent nos imaginaires et nos pratiques.


Voir nos réflexions : 

On vous en dit beaucoup plus très vite.

Ces Rencontres auront lieu comme d'habitude au Petit Bain.

Thursday, November 27, 2025

FAUT-IL PENSER LES STADES COMME LES USINES DU XXI° SIÈCLE ?

Quand ce qui fut longtemps le lieu des machines devient la référence pour penser les lieux du corps.


Ou quand l’architecture d’un stade, même lorsqu'elle s'habille de symboles passés comme les cheminées, n'est jamais neutre et en dit parfois beaucoup plus sur les évolutions des imaginaires d’une société que bien des analyses.


Le projet du nouveau stade du Birmingham City FC.

Wednesday, November 26, 2025

ET SI CES DEUX TRILOGIES, AIDAIENT À PENSER MIEUX ET AUTREMENT LES FUTURS DU SPORT ?

C’est toujours bien et mieux d’expliquer sur quoi on travaille et comment on travaille.


Alors faisons le sur notre façon de travailler actuellement au sein de notre Observatoire des Nouveaux Imaginaires Sportifs ®.


Actuellement nous réfléchissons à l'avenir du sport, de ses marchés, et de ses pratiques à travers le prisme de deux trilogies qui devraient nous permettre d'anticiper les grands imaginaires sportifs du futur en catégorisant les forces de domination émergentes.


La première trilogie a vocation à analyser les sphères de domination du marché 


La deuxième trilogie a vocation - elle - à analyser les sphères de domination des pratiques


Explications ci-dessous.



- La première trilogie : les sphères de domination du marché sportif demain.


La première trilogie se concentre sur les facteurs de domination du marché sportif. 


Elle analyse ce qui fera la valeur et le pouvoir économique du sport de demain en le divisant en trois dimensions fondamentales :


- Le Corps (l'interne) qui correspond à la domination biométrique

En se concentrant sur les données physiologiques, la performance interne, et l'optimisation biologique (amélioration, réparation), ce prisme justifie la réflexion sur l'explosion des technologies wearables, de la médecine sportive personnalisée, et de l'analyse de la donnée de performance comme actif économique majeur. 


- L'Environnement (l'externe) qui mène à la domination de la résilience. 

Ce focus met en lumière l'importance croissante du contexte de la pratique. Il justifie la réflexion sur des thèmes comme le sport face au changement climatique, l'adaptation à des environnements extrêmes, ou la création de terrains de jeu immersifs et simulés (réalité virtuelle/augmentée), où la capacité d'adaptation et de survie devient une valeur.

- L'Expérience (le lieu) qui aboutit à la domination du luxe. 

Ce prisme justifie la réflexion sur la monétisation de l'accès, de l'émotion et de l'exclusivité. Il concerne l'évolution des stades, l'hospitalité VIP, les événements haut de gamme, et les services ultra-personnalisés, où l'expérience vécue (le lieu) devient un produit de luxe, qu'elle soit physique ou digitale.


- Voir, . 



- La seconde trilogie : les sphères de domination des pratiques sportives demain.


La seconde trilogie s'intéresse aux moteurs profonds des pratiques sportives, décrivant les motivations et les cadres symboliques qui orienteront les activités sportives elles-mêmes :


- La Colère (l'individu) liée à la domination émotionnelle

Ce prisme justifie la réflexion sur les pratiques sportives comme exutoires ou thérapies. 

Il couvre les sports extrêmes, les compétitions à haute intensité émotionnelle, et la recherche de sensations fortes, où la gestion et l'expression des émotions sont centrales.


- La Guerre (le terrain) associée à la domination stratégique. 

Ce prisme justifie l'analyse des pratiques basées sur la confrontation, la tactique, et l'affrontement (collectif ou individuel). 

Cela inclut les sports d'équipe traditionnels, les e-sports (le "terrain" numérique), ou toute pratique où la victoire dépend d'une planification et d'une exécution supérieure.


- La Religion (le dogme) attaché à la domination spirituelle. 

Ce prisme justifie la réflexion sur les pratiques sportives comme quête de sens, discipline de vie, ou communauté quasi-mystique - voir,

Il englobe les disciplines de bien-être, les pratiques holistiques, la fidélité inébranlable aux clubs/marques (le "dogme"), et l'élévation personnelle par le sport.


Deux trilogies pour une grille d'analyse exhaustive et prospective ?


En combinant chacune de ces deux trilogies via par des diagrammes de Venn visualisant les zones d'intersection, on obtient une grille d'analyse très complète permettant de réfléchir et d'identifier les innovations et les tendances futures :


Anticipation des hybrides : Les croisements entre ces sphères (par exemple, CorpsGuerreReligion) sont les zones où les innovations les plus disruptives pourraient apparaitre demain.


Structuration du changement : Le prisme de la domination permet de comprendre non seulement ce qui change, mais pourquoi et comment ces changements vont prendre le pouvoir sur le marché et les esprits.


Notre double approche devrait a priori nous permettre de garantir que nos réflexions sur l'avenir du sport ne restent pas superficielles, mais embrassent les dimensions profondes (les pratiques) et les conséquences économiques (les marchés) de l'évolution sportive.


C'est un gros travail.


Mais c'est passionnant, car ça permet d'ouvrir de nouveaux champs de réflexions et d'analyses autour d'acteurs économiques bien identifiés, mais pas encore suffisamment dans le domaine du sport alors que... - voir notamment nos analyses sur LVMH, L'Oréal et Danone et la combinaison des trois, .


On y revient très très vite.