Tuesday, December 16, 2025

ET SI NOUS ARRÊTIONS D'IMAGINER POUVOIR TOUJOURS MOTORISER NOS EXCÈS ?

Imaginons la réunion de publicitaires  : "Et si pour montrer que prendre le train c’est facile, on imaginait une système qui ferait qu'en assemblant trois valises, on aurait un vrai véhicule électrique ? On aurait plus à marcher avec nos valises dans la gare, on roulerait dessus !"


Et on passerait ainsi de la valise à roulettes à la valise-voiture comme on peut le voir dans «The Way to the Train», une pub pour le site Trainline.


«Brillant !» diront certains.


«Affligeant !» dirons d'autres, dont nous.


Car ce concept car de valises motorisés est juste un symptôme de plus d'une société qui a déclaré la guerre à son propre corps. 


Remontons trente ans en arrière.


1991, lancement des premières valises à roulettes. 


À l'époque, beaucoup ont vu cela comme un progrès. 


On n'avait plus à porter 20 kilos, juste à les tirer ou les pousser. 


Sauf qu'on a oublié de se poser la question : pourquoi voyageons-nous avec 20 kilos ?


La vraie innovation aurait été de réduire. 


D'apprendre à partir avec moins. 


De distinguer le nécessaire du superflu. 


Mais non !


On a préféré l'escalade : puisqu'on peut maintenant traîner 30 kilos sans effort, pourquoi se limiter ? 


Les valises ont enflé. 


Le voyageur est devenu un déménageur récréatif.


Et maintenant certains imaginent la suite "logique", comme cette valise-voiture présentée comme un idéal de liberté et de mobilité.


Parce que marcher dans un couloir est devenu pour certains une épreuve insupportable (on ne parle pas ici bien évidement des handicapés ou des vieux séniors).


Parce que tirer 15 kilos sur 500 mètres, c'est encore trop demander à certains valides biens portants. 


Parce que certains ont visiblement décidé que marcher et faire des efforts étaient devenus une forme d’agression contre notre bien être et notre société de la flemme.


Nous sommes la première génération de l'histoire à considérer la marche comme un effort extraordinaire. 


Alors plutôt que de voyager léger, nous préférons motoriser nos excès…


...et nous imaginer que nous pourrons continuer à le faire encore longtemps.

Monday, December 15, 2025

ET SI LEGO ET NIKE VENDAIENT EXACTEMENT LA MÊME CHOSE ?

Et si le "jeu" de Lego vendait la même chose que le "je" de Nike ?


Voilà de possibles réponses.


Les deux vendent du "faire

Nike : "Just Do It".

Lego : "Just Build It".


Les deux vendent de la performance 

Nike :  faire du sport comme affirmation identitaire.

Lego :  construire comme acte d'affirmation personnelle.


Les deux vendent de la construction

Nike : jouer c'est se construire

Lego : construire c'est jouer à être soi


Les deux vendent du corps en action

Nike : le corps en mouvement.

Lego : le corps en manipulation.


Les deux ont fait d’un verbe d'action un verbe d'existence

Nike : courir = exister pleinement.

Lego : construire = exister créativement.


Dans un monde ...

... où les institutions ne structurent plus les identités,

... où les parcours de vie sont de moins en moins standardisés,

... où l’authenticité devient une injonction, 

... Nike et Lego vendent la même chose : des briques (littérales ou métaphoriques) pour s'auto-édifier.


Les deux marques sont donc les deux versions d'une même injonction : "Construis-toi toi-même"


Et les deux marques disent la même chose : le "jeu" est fondamental pour construire "je". 


Récemment, nous nous demandions "C'est quoi demain, une marque de sport ?"


Peut-être devrions nous maintenant nous demander "C'est quoi demain, une marque de jouets ?"

Friday, December 12, 2025

ET SI LE MAILLOT D'ÉCHAUFFEMENT ANNONÇAIT LA FIN D'UN CERTAIN SENS DU COLLECTIF ?

Pendant des décennies, le maillot avec lequel jouait un club a été le symbole de l'identité dudit club et donc de l'appartenance à une entité collective forte et fière de ses couleurs.


Mais aujourd'hui, une mutation semble être en train de s'opérer. 


Et les raisons en sont multiples.


D’abord car il n’existe plus de maillot type, toutes les grandes équipes ont 3, voir 4, maillots pour les matchs et - surtout - ne cesse de développer des maillots d'échauffements !


De simple vêtement technique relégué aux avant matches, ce dernier est en train de voler la vedette au maillot officiel - voir, .


Et cela s’explique facilement. Là où le maillot de match est prisonnier de son héritage – couleurs historiques, sponsors imposés, codes stricts –, le maillot d'échauffement bénéficie lui d'une liberté créative totale. Motifs futuristes, couleurs flashy, collaborations audacieuses : c'est le support créatif idéal des designers qui peuvent ainsi s'affranchir des contraintes institutionnelles. 


Résultat ? Des maillots instagrammables, qui génèrent plus de buzz qu'un troisième ou quatrième maillot classique.


Le PSG et sa collaboration avec Jordan Brand a ouvert la voie en transformant le training gear en objet de désir streetwear. Et ça paie, et ça paie même très bien sur le plan commercial.


Le maillot d'échauffement n'est donc déjà plus un produit dérivé, mais a en plus de grande chance de devenir un vrai produit original.


L'échauffement n'est plus une routine technique, c'est un spectacle visuel regardé par des millions de personnes


Désormais match ne commence plus à 21h, mais à 19h30


Dans cette nouvelle économie de l'attention, les 20 minutes de warm-up génèrent parfois plus d'engagement sur les réseaux sociaux que les 90 minutes de jeu. Et le maillot d’échauffement est omniprésent.


Mais ce maillot d’échauffement est peut être en train de devenir le laboratoire d’une autre vraie disruption : celle de l’émergence du maillot individualisé !


Pourquoi, en effet, ne pas imaginer que ce maillot d'échauffement soit demain personnalisé pour chaque joueur ??


Cette fragmentation des couleurs d’une équipe existe déjà avec les chaussures !


De nombreux professionnels jouent avec aux pieds une marque concurrente de l'équipementier officiel de leur club. Et certaines stars ont déjà des modèles à leur nom. 


L'individualisation des équipements est donc déjà en partie en cours et acceptée !!!


Les maillots d'échauffement personnalisés ne seraient donc que la suite logique de cette évolution.


Pourquoi - et ce dans le prolongement du précédent post  - chaque joueur du Real ne porterait-il pas lors de l'échauffement un maillot individualisé à l'effigie d’un héros de l’univers Marvel ?


Et on peut poursuivre en imaginant que demain chaque joueur aura son propre design d'échauffement, reflétant sa marque personnelle, ses codes couleur et son storytelling


Le maillot de match resterait l'uniforme sacré des 90 minutes, mais l'échauffement deviendrait le moment d'expression individuelle – un Instagram live en trois dimensions.


Le maillot officiel ne disparaîtra pas jamais.


Il restera l'emblème, le collector, la pièce de cérémonie associée aux moments de gloire. 


Mais il perd déjà du terrain sur le segment lifestyle où se joue désormais une part croissante du merchandising - voir,


Et si demain, les supporters portaient plus souvent leur maillot d'échauffement que leur maillot officiel


Ce ne serait pas un reniement, mais juste l'aveu que le football moderne ne se joue plus seulement sur 90 minutes, mais sur une expérience de marque totale, 24/7.


L'un des enjeux demain pour les grandes équipes de foot sera donc leur capacité à accepter (ou pas) et à abriter (ou pas) sous leur marque ombrelle, une multiplicité de petites marques.


On passera alors d'une logique d'équipe à un «écosystème de micro-marques».


Et si le collectif de demain n'était plus l'uniformité, mais le support de nouvelles singularités ?

Thursday, December 11, 2025

ET SI C'ÉTAIT MARVEL QUI EXPLIQUAIT LE MIEUX LA DIFFÉRENCE ENTRE NIKE ET ADIDAS ?

Dans un récent post nous nous demandions "Et si Nike faisait du foot un univers fictionnel ?"

C'était le prolongement de "Et si Nike devenait un concurrent de Marvel ?"

Ces questions sont venues percuter une actualité que nous n'avions pas prévue, le lancement il y a quelques jours par Adidas de collections aux couleurs de Marvel avec le Réal de Madrid () et les All Blaks ().

C'est pour nous une occasion idéale de mettre en lumière une distinction stratégique fondamentale entre Nike et Adidas dans leur approche de la pop culture et de la construction narrative de leurs univers de marque. 


- Nike se positionne comme un producteur de fiction autonome, capable de générer son propre lore au sein même du sport. Comme l'illustre la collection "Hollywood Keepers", Nike ne vend en effet désormais plus seulement de la performance, mais une mythologie. La marque américaine a assimilé les codes des grandes franchises narratives (Marvel, Star Wars, Fortnite) pour transformer le sport en un multivers esthétique et culturel.


Adidas par sa collaboration avec Marvel, montre au contraire sa faiblesse - voir son incapacité - à générer son propre monde et donc son besoin de se greffer à un imaginaire préexistant. C'est le panthéon des super-héros du groupe Disney qui fournit le scénario, les personnages, et la structure mythologique (le bien contre le mal) nécessaires à Adidas.


Contrairement à Nike qui ambitionne d'être le créateur d'IP (Intellectual property), Adidas agit ici comme un utilisateur/licencié d'IP


Adidas achète un billet d'entrée pour le multivers, là où Nike construit les murs de son propre "parc thématique".


Nike prétend pouvoir être le nouveau Marvel du sport, tandis qu'Adidas choisit de s'associer au Marvel historique pour créer un monde commun.


En terme de marketing, ce n'est pas du tout la même chose à long terme.



Et si Adidas symbolisait le déclin d'une grande marque de sport ?

Tuesday, December 09, 2025

ET SI NIKE FAISAIT DU FOOT UN UNIVERS FICTIONNEL ?

Lorsque que nous avons annoncé que lors des Rencontres consacrées à la question "C'est quoi une marque de sport demain ?", nous allions entre autres nous demander "Et si Nike devenait un concurrent de Marvel et de Star Wars ?", on ne va pas vous cacher que cela a créé un certain désarroi chez beaucoup de nos interlocuteurs.

"Pourquoi et comment comparer Nike à Marvel ?" nous demandaient-ils.

Lors de ces Rencontres, le toujours très pertinent Paul Vacca a expliqué pourquoi cette comparaison était au contraire totalement évidente au vu de la façon dont les univers de marques se construisent aujourd'hui.

Et pour ceux qui en douteraient encore, Nike vient d'en apporter la meilleure démonstration en lançant sa collection "Hollywood Keepers", une pré-collection de maillots de gardien de but aux couleurs réinventées d'équipes nationales.

C'est très malin.

D'abord, parce qu'en lançant un maillot streetwear sans contrainte - les vrais maillots ne seront vendus qu'en 2026 -, Nike impose un style avant de se soumettre aux contraintes techniques de la compétition.

Ensuite, parce qu'en faisant des gardiens de but des héros, Nike a choisi le seul joueur qui a un maillot différent des autres et donc un excellent moyen de vendre toujours plus de références originales.

Enfin, parce qu'en lançant des maillots aux designs uniques avec des motifs culturels forts (tigres coréens, lions anglais...), Nike transforme les équipes nationales en plateformes culturelles.

En gros, Nike dit : "Le maillot n'est plus juste un uniforme sportif, c'est l'affirmation d'une nouvelle identité culturelle" qui n’a plus rien à voir avec les codes nationaux d’antan.

Et c'est là que ça devient très intéressant !


Le foot devient un univers fictif plus qu'un sport

- La performance s'efface devant la mythologie. Nike ne vend plus "le maillot que portent les champions" mais "l'univers dans lequel tu veux exister". Les gardiens "Hollywood" n'existent pas  - c'est une fiction nostalgique des grands goals des années 90. 

Nike crée des personnages, pas des athlètes.

- Le terrain disparaît comme le montre la chronologie : collection streetwear en décembre 2025, maillots de match "plus tard" en 2026. Le stade devient presque accessoire. Le vrai terrain, c'est Instagram, TikTok, la rue. 

Le match n'est plus qu'un prétexte narratif.

- Le foot comme franchise Marvel. Chaque équipe nationale devient un "univers" avec ses codes visuels, ses mythes. 

Nike transforme le football en multivers de marques. « Tu ne supportes plus une équipe, tu achètes un univers esthétique. »


Et pourquoi ça change tout.

- L'authenticité est inversée. Avant c'était : "C'est beau parce que c'est porté sur le terrain". Maintenant c'est : "C'est légitime sur le terrain parce que c'est déjà cool dans la rue"

- Le fan / supporter devient cosplayeur. Il ne porte plus le maillot pour ressembler à M'bappé. Il porte une pièce d'un univers fictionnel dont M'bappé est juste un player parmi d'autres.

- Le sport devient du lore, c'est à dire un ensemble d'histoires, de légendes et de mythes qui entourent un univers fictif. Cette notion du "lore" designer les univers fictionnels des jeux vidéo et de la fantasy

Ce qui compte désormais c'est l'histoire qu'on raconte, pas le score. 

Nike fabrique des légendes avant même qu'elles existent.

Avant, le foot créait ses légendes par les exploits.

Maintenant, Nike crée d'abord des légendes, et le foot suit. 


La vraie révolution

Le foot pour Nike demain, c'est Disney qui possèderait la NBA

Le sport réel n'est que la légitimation d'un empire de fiction. 

Les vrais concurrents de Nike ne sont plus les autres marques de sport - ce sont Netflix, Fortnite et tous les grands créateurs d'univers comme Star Wars et Marvel.

CQFD

Et ça peut être assez vertigineux quand on y pense : si la fantaisie vend mieux que la performance, pourquoi Nike aurait-il encore besoin... de vrais matchs ?