Friday, September 04, 2009

LA VRAIE VIOLENCE INDIENNE (suite - 3 )

Certains jours vous ouvrez le journal et vous trouvez, en quelques lignes, des choses que vous expliquez depuis plusieurs années à vos amis ou à des clients, mais qui ne passent pas.

Parmi ces choses, il y a cette idée que l'Inde, loin d'être un pays non violent, est, au contraire, un pays ultra-violent et ce, à l'opposé de l'image dont elle bénéficie notamment en Occident (voir mes précédents posts et )

Alors, dans ce post, je laisse la parole à Tarum Tejpal, rédacteur en chef de Tehelka.com, et qui, à l'occasion de la sortie de l'excellent "Histoire de mes assassins", explique dans un long interview à Libération ceci :
"De manière très étrange, l'Inde a une image de société tolérante et non violente, mais il n'y a absolument aucune vérité là-dedans : nous sommes une des plus cruelles et des plus violentes sociétés qui existent au monde. Nous pratiquons toutes les sortes de violences : religieuse, sexuelle, de caste, domestique, envers les enfants et les animaux ...

Mais à cause d'hommes comme Bouddha et le Mahatma Gandhi, on a l'idée d'une Inde non violente.

Pourtant si on regarde dans l'histoire, il n'y a aucun signe qu'elle ait été non violente, au contraire.

En fait, curieusement, la raison pour laquelle d'incroyables penseurs et réformateurs comme Bouddha et Gandhi sont apparus, c'est justement pour contrer cette grande violence
"
Sur le même sujet, voir aussi l'excellent interview de Aravind Adiga, l'auteur du très efficace Tigre Blanc, paru dans Le Monde au printemps dernier sous le titre, "L'Inde démocratique, derrière les clichés".
"Dans Le Tigre blanc, j'ai cherché à renverser les clichés sur l'Inde.

Ce ne sont pas des clichés uniquement pour vous les Européens, ce sont des clichés pour les gens de la classe moyenne indienne, comme moi.

Quand on grandit à Mangalore d'un père docteur, l'Inde des pauvres demeure un pays totalement étranger. Nous n'en savons pas plus que vous. Nous en savons encore moins peut-être, car nous sommes formés dès le plus jeune âge à ne pas voir l'autre Inde. C'est notre fameux système des castes.Nous sommes 300 millions d'Indiens de la middle-class, enrichis pendant le boom économique des années 1990, qui ignorons 600 millions de pauvres.

J'ai découvert la réalité en reportage, quand je suis retourné en Inde après avoir fait des études aux Etats-Unis, comme beaucoup d'Indiens aisés. J'ai été reporter pour le magazine Time de 2003 à 2006. J'ai sillonné le pays, j'ai été choqué.

L'Etat de l'Uttar Pradesh se révèle pire que le Soudan, un des pays les plus pauvres au monde, dès qu'on enquête sur le taux de natalité et de mortalité. Les femmes qui accouchent en hôpital ont plus de chance de perdre la vie en Inde du Nord qu'en Afrique de l'Est. Je suis allé dans les bidonvilles de Calcutta, j'ai enquêté sur les conditions de travail des rickshaws, les conducteurs de cyclo-pousse, je connais des régions où 15 % de la population ne sait toujours pas lire, j'ai visité des hôpitaux où la qualité des soins est effroyable. Mon héros appelle cette Inde-là les " Ténèbres ".


Alors oui, j'ai imaginé ce roman pour casser les clichés de l'Inde démocratique, du " grand pays émergent en pleine expansion " dépeint dans les médias occidentaux, et d'autres contre-vérités encore."
Oui, évidement, ce genre d'analyses change un peu des nombreuses niaiseries mystico-béates publiées régulièrement en Europe et dont "Le Bénarès-Kyôto", de Olivier Germain-Thomas, est un excellent exemple. Quand ce monsieur voyage en Inde, il voit partout Vishnou et ses copains, mais pas la violence ou la pauvreté. Et quand il les voit, c'est pour nous lâcher un "mystérieuse Inde éternelle" censé tout expliquer. A force de voir des dieux partout, il en oublie les hommes, et comme souvent avec ce genre de mystique, en arrive à justifier l'injustifiable.

PS / Ci-dessous une vision de la "formidable croissance indienne" à Mumbai, très proche des images de Sao Paulo - voir .


Et si c'était cela la vraie figure de l'Inde de demain ? Un pays toujours plus riche, mais - aussi - toujours plus inégal ?

Voir sur ce sujet l'excellent : Violence et urbanisation : le cas de Mumbai de Djallal-Gérard Heuzé paru dans Urbanisme en juillet 2007 (voir, )