En 2003 est paru aux Etats-Unis un passionnant bouquin signé de l'historienne Lizabeth Cohen, titré «A Consumers' Republic: The Politics of Mass Consumption in Postwar America».
Ce livre analyse le moment où la société américaine s'est transformée après la seconde guerre mondiale, quand la consommation de masse fut élevée au rang d'idéologie nationale et de fondement de la citoyenneté. Cette nouvelle "république des consommateurs" promettait une démocratisation de l'abondance et une nouvelle égalité sociale. On connait la suite de l'histoire...
Question : Et si on remplaçait la voiture en couverture du livre de Lizabeth Cohen, par une paire de sneakers ?
Dit de façon plus concrète et claire ; et si aujourd’hui c’était l’obsession du corps qui devenait centrale pour analyser et penser une société ?
On assiste actuellement à un glissement des valeurs et donc à ce que les sociologues appellent une redistribution du capital de consommation.
On est passé de l'extérieur (la maison, la voiture) à l'intérieur (le corps, la santé).
Le XXI° siècle est le siècle du corps.
Et ça change tout.
- Le corps est devenu l’objet de consommation centrale.
- Le corps est devenu le produit de consommation le plus visible et le plus intime.
On est clairement passé de la richesse matérielle à la richesse corporelle.
L'individu est passé du "citoyen-automobiliste" décrit par L.Cohen, au citoyen "entrepreneur de soi".
Le sport est devenu un des grands marqueurs de notre nouvelle citoyenneté au sein de notre société d'individus.
Et les analyses de L. Cohen fonctionnent parfaitement pour analyser notre nouvelle situation.
On retrouve aujourd'hui la même et tout aussi fallacieuse promesse démocratique de la forme comme le nouvel égalisiteur social, alors que l’on sait tous que la "richesse corporelle" (santé, minceur, forme) est un puissant marqueur de stratification sociale.
Théoriquement, tout le monde peut courir ou faire un régime, sauf qu’évidemment c’est loin d’être aussi simple et vrai. Les inégalités corporelles (obésité, maladies chroniques) sont souvent l'expression visible des inégalités économiques.
Mais qui aujourd’hui accompagne et répond à cette mutation fondamentale de notre société ?
- Les politiques ? Non, évidemment (là)
- Les dirigeants sportifs ? Pas vraiment non plus.
- Les marques de sport ? Oui, en très grande partie.
- Les groupes pharmaceutiques ? Oui, et encore plus demain (là).
Et c’est pour cela qu’il faut s’intéresser à ces marques !
Et c’est ce que nous ferons le 28 novembre prochain lors de nos Rencontres organisées autour de la question « C’est quoi demain, une marque de sport ? »
Ce n’est pas une question marketing.
Et encore moins une question de sport.
C’est juste et fondamentalement une question politique !