«Jamais un ordinateur ne pourra avoir le degré de finesse que nous avons nous », avait affirmé le commis d’un agent de change parisien, sceptique face à l’arrivée des machines. En 2013, cette phrase fait bien évidemment hurler de rire n’importe quel connaisseur des marchés financiers. La naïveté humaine fit que personne (ou presque), à la fin des années 1980, n’avait idée de ce que pouvaient devenir les marchés financiers du XXI e siècle, pas même ceux qui passaient à l’époque pour les Dark Vador des marchés. Le Côté Obscur allait devenir bien plus sombre encore, même pour les banques qui avaient soutenu l’informatisation des Bourses en exaltant la plus grande transparence des ordinateurs et le partage égal de l’information. En réalité, les banques allaient construire des boîtes si noires que personne – y compris les plus grandes banques elles-mêmes – n’y verrait plus rien. (...)
En 1977, la Commodity Futures Trading Commission (CFTC, l’autorité de régulation des marchés de produits dérivés, consœur de la sec) organisa une conférence « sur l’automatisation de l’industrie des produits dérivés ». Ces premières réflexions sur l’importance croissante des machines eurent vite fait de convaincre tous les acteurs que l’avenir des marchés financiers reposait sur les machines. Grâce à la montée en puissance de la technologie, les Bourses allaient radicalement changer de visage. Elles allaient même perdre tout visage. Il faudra pour cela faire sauter les filtres humains. Libéraliser les marchés et déréguler la finance. Changer des règles qui remontaient parfois à deux siècles. Il faudra investir des centaines de millions de dollars, puis des milliards. Il faudra concevoir un algorithme capable de gérer la priorité de temps. Puis soumettre les humains à la temporalité des ordinateurs. Ainsi débutera une nouvelle ère, celle du soulèvement des machines."
Ces quelques lignes sont extraites du fascinant "6 - Le soulèvement des machines" de Ervin Karp ( tous détails là) qui narre avec brio la mutation des bourses et des places financières sous l'influence de l'informatisation des marchés et l'arrivée du "trading à haute fréquence".
Ca se lit comme un polar !! Et pour ceux qui en douteraient, jetez un coup d'oeil là, où vous pourrez en télécharger de très très larges extraits.
C'est aussi une excellent prolongement et complément au livre de Fred Turner "De la contre-culture à la cyberculture" auquel nous consacrerons une bonne partie du prochain Atelier Transit-City du 22 mars prochain - là, les infos - et qui revient longuement sur tous ces chantres du réseau qui aller participer d'une façon ou d'une autre à "la déréglementation des places de marché désormais en réseau" et qui "pourraient bien être les hérauts d'une révolution culturelle à venir".
Avec "6 - Le soulèvement des machines", on y est, mais dans son côté le plus obscur ... et dangereux, tant les pratiques qui y sont décrites et les crises financières et économique que cela fait peser sur le monde sont assez terrifiante
Avec "6 - Le soulèvement des machines", on y est, mais dans son côté le plus obscur ... et dangereux, tant les pratiques qui y sont décrites et les crises financières et économique que cela fait peser sur le monde sont assez terrifiante
Parmi les pages les plus étonnantes de "6", il y a celles qui décrivent les conséquences physique de cette course à la milliseconde et qui a aboutit, entre autres aux Etats-Unis, à de nouvelles logiques d'implantations de vastes fermes de serveurs part afin qu'aucun acteur du marchés ne soit défavorisé de quelques microsecondes en étant éloigné ne serait que de quelques mètres de l'unité centrale qui enregistre tous les achats et vente.
Reste que si les échanges se font aujourd'hui à la vitesse de la lumière reste "physiquement indépassable et fait qu'une information ne parviendra jamais au même moment à Londres et à New-York". Et les marchés étant aujourd'hui totalement mondialisés, certains se penchent déjà vers de nouvelles solutions afin que toutes les acteurs soient sur un vrai pied d'égalité.
"Deux chercheurs du MIT semblent avoir trouvé la solution ultime pour résoudre le problème : dans un article intitulé "Relativistic Statistical Arbitage", publié en 2010, A. D. Wissner-Gross et C. E. Freer proposent de construire des plateformes qui soient à égale distances des opérateurs de marché. Ces plateformes contiendraient toutes les informations financières nécessaires, et comme la distance à parcourir pour y accéder serait la même pour tous, les algorithmes prendraient exactement le même temps pour exécuter leurs stratégies. L'article fournit une carte détaillées où des centaines de plateformes sont réparties à égale distance de tous les marchés mondiaux. Certaines d'entre elles se trouvent en plein milieu des océans, et comme il est probable que, si le projet voit le jour, la technologie utilisée pour transmettre l'information soit les micro-ondes, il n'est pas impossible que les marchés du futurs deviennent des îles perdues dans les océans.
L'avenir du trading à haute fréquence repose sur des archipels de machines éparpillés dans le monde entier.
(...) "Qu'est-ce que c'est que ce truc ?", demandera le petit fils d'un riche retraité américain lorsqu'un bateau de plaisance croisera une île artificielle bourrée de technologie ultramodernes. "C'est la bourse", répondra le grand -père, avant que peut-être qu'un algorithme sauvage ne réduise sa pension de retraite à néant." (...)