Friday, October 24, 2025

ET SI UNE MARQUE SE DÉCIDAIT À VALORISER LA QUATRIÈME PLACE ?

Parfois certaines photos valent mieux que de long discours.

C'est le cas de la série "Fourth" réalisée par la photographe australienne Tracey Moffatt lors des J.O de Sydney en 2000.

Dos vouté, regard perdu, mine déconfite, accolade sans conviction... toutes les souffrances du quatrième y sont exposées.

Le ton sépia des clichés accentue la tristesse et rend vaine toute tentative de valorisation héroïque de l'effort fourni.

Ne reste dans ces images que le dépit et la souffrance.

Et on sait que pour certains athlètes, ça restera la blessure de toute une vie.

La quatrième place est la pire des places pour un compétiteurs.

On reste au pied de la boite.

On est pas sur la photo.

Certains l'appellent la place du con.

Alors nous au sein du Prospective Sport Lab ®, on a réfléchi à la façon dont cette quatrième place pourrait être un jour valorisée à sa juste valeur.

Et nous avons tout simplement imaginé qu'un jour une marque de sport utiliserait cette quatrième place avec une signature forte lui permettant à la fois de se démarquer de ses concurrents, mais aussi de réévaluer la notion de succès dans la compétition.


Voilà ce que cela pourrait donner pour quelques-unes d'entre elles.

- Adidas avec un slogan "We Stand With The Fourth" rappellerait que son rôle n'est pas d'être qu’avec les champions, mais avec tout ceux qui font du sport.

- Asics avec un slogan "Mens sana in 4th loco" valoriserait le premier de ceux qui ont tout donné sans être récompensé.

- Decathlon avec un slogan "Quatrième, et alors ?" dédramatiserait la notion de classement et que l'exploit, c'est déjà d'être là.

Li-Ning avec un slogan "4th is Not the End. It’s the Ascent." affirmerait que le quatrième est le premier à savoir exactement ce qu'il faut changer pour que, la prochaine fois, l'histoire soit différente.

- Nike avec un slogan "Fourth is the New First Step" pourrait prétendre que le vrai courage, c'est de se relever le lendemain.

Puma avec un slogan "The Unseen Winner" valoriserait l'athlète que l'on ne voit pas, mais qui a fait le job.

- Salomon avec un slogan "La nature ne donne pas de médaille" rappellerait les vrais fondamentaux de l'outdoor.

- Under Armour avec un slogan "Hunger For The Fourth" affirmerait que la rage et l'insatisfaction ne peuvent que donner une volonté encore plus forte de s'entraîner.

Soit des messages possiblement très puissants, et ce quelle que soit la culture d'origine de la marque.

Chaque discours transforme, en effet, la pitié en respect, l'échec en tremplin, et la déception en énergie pour une prochaine tentative.

Il y a donc clairement plein de choses créatives à imaginer autour du "quatrième" pour penser un peu autrement le marketing des marques.

Et c'est pour cela que l'on en reparlera vendredi 28 novembre lors des cinquièmes Rencontres Sport/Équipement/Stratégie organisées autour de la question "C'est quoi demain une marque de sport ?"

Tuesday, October 21, 2025

ET SI "ERROR 404" DEVENAIT UNE MARQUE DE SPORT ?

Et si demain, une marque de sport décidait de s'appeler "Error 404 ®" ?

Ça pourrait être drôle, mais pas que...

Ça pourrait drôle, mais ça devrait aussi permettre de faire réfléchir sur les valeurs du sport et sur le marketing sportif d'aujourd'hui.

Son identité serait construite contre les discours dominants des grands équipementiers.

Les valeurs d'Error 404 ® seraient, en effet, l'inverse exact de celles promues par les grandes marques (l'exploit, la performance, la perfection).

Et c'est loin d'être inintéressant et négatif !

- À la performance obsessionnelle, elle opposerait le droit de célébrer l'échec (le sport juste pour se défouler)

- Aux héros et célébritéselle opposerait l'anonymat et la discrétion (les heureux anonymes)

- Aux innovations et aux tendances, elle opposerait l'intemporel et le démodé (l'anti-mode)

- À la perfection du corps, elle opposerait l'acceptation du bug (le corps comme un système imparfait)

- À l'envahissement technologique, elle opposerait la simplicité et la déconnexion (moins de data, plus de sueur)

Error 404 ® serait donc une des rares marques qui fassent réellement réfléchir sur le sport.

Elle pourrait pousser le vice à être difficilement trouvable dans les magasins, avec parfois des pop up très éphémères difficilement localisables et - évidement ! - un site internet régulièrement défaillant. 

Le logo Error 404 ® pourrait être un détail subtil, souvent mal placé (cousu à l'envers ou dans une poche) pour renforcer l'idée d'anonymat et d'anti-marque.


Porter du Error 404 ® serait donc un vrai signe de distinction et de reconnaissance discret entre ceux qui acceptent et revendiquent leur humanité imparfaite dans un monde d'hyper-performance. 

Error 404 ® serait un luxe de l'esprit.

Error 404 ® serait le luxe de pouvoir revendiquer sa déconnexion et son imperfection.


- On en reparlera vendredi 28 novembre lors des cinquièmes Rencontres Sport/Équipement/Stratégie organisées autour de la question "C'est quoi demain une marque de sport ?"

Tuesday, October 14, 2025

QUAND NIKE DEVIENT UNE PLATEFORME ET SES PRODUITS DES PORTAILS NARRATIFS

Nike vient de confirmer qu'il s'apprêtait à changer de statut.

Dans les années qui viennent, l'équipementier ne sera plus une marque de sport, mais une plateforme culturelle.

Et ses produits ne seront plus des produits, mais des portails narratifs

Cette mutation se concrétise de façon flagrante avec les partenariats que Nike vient d'annoncer avec les marques de mode plutôt pointues KNWLS et Windowsen, chargées de donner une nouvelle jeunesse à la Air Max Muse.

Un produit unique, donc, - la Air Max Muse mais deux marques pour des cibles différentes et des histoires différentes :

KNWLS cible la consommatrice "chic-performante" qui valorise "la fonctionnalité, l'élégance transitoire et l'innovation technique appliquée à une esthétique high-fashion".

Windowsen, elle, cible la consommatrice "expérimentale/rebelle" qui valorise "l'art et l'expression radicale de soi".

Dans ses communiqués, Nike parle de "costume d'armure high-femme" pour KNWLS et d'"univers d'expression de soi ultramoderne" pour Windowsen

On ne parle plus de sport, mais juste de "mouvement" comme une forme de construction identitaire.


Avant Nike vendait des produits liés à un sport. 


Désormais, la marque vend des produits pour que chacun puisse se construire son identité !!!


Et ce n'est plus la marque qui va construire l'identité, mais l'acheteur !!!


On retrouve ce que nous posions au départ : Nike devient ainsi une plate forme culturelle qui offre des produits portails narratifs permettant à chacun de se construire son histoire. 


Nike s’est très très directement inspiré de la stratégie de Lego qui à partir de pièces très simples permet à chacun de se construire son petit monde.


Et l'identité de Nike va donc changer une nouvelle fois


Elle va se déplacer de la qualité technique à l'expression culturelle.


Dit autrement.


En cinq décennies, le discours de Nike était passé de 

"Achetez Nike pour ce que vous pouvez faire.

à 

"Achetez Nike pour ce que nous savons faire."


Et aujourd'hui, le discours de Nike passe de 

"Achetez Nike parce que c'est de la bonne technologie

à 

"Achetez Nike parce que cette technologie 

vous donne le pouvoir d'être qui vous voulez être."


Avouez que c'est une toute autre histoire !!


Et que c'est passionnant à suivre.


On en reparlera bien évidemment longuement le 28 novembre prochainlors des Rencontres  "C'est quoi demain, une marque de sport ?"

Monday, October 13, 2025

LA MARQUE DE SPORT COMME PARTI IDÉAL ?

Faisons une fois encore une hypothèse pour essayer de réfléchir un peu différemment au monde du sport et plus particulièrement à l’évolution des marques de sport à plus ou moins long terme 

L'hypothèse est la suivante : et si dans un contexte de désaffection politique, d'individualisation de la sphère publique et de défiance envers les institutions, les individus étaient tentés de se regrouper autour de nouvelles entités disposant d’une identité forte, d’un récit cohérent et un cadre d'action concret  ?

Et si parmi ces entités qui offraient ces trois choses, on pouvait compter aujourd'hui un certain nombre de marques de sport ?

Dit autrement, et si demain les marques de sport contribuaient à construire une nouvelle catégorie politique que nous pourrions appeler le Parti idéal © ?

Alors ça serait quoi ce Parti idéal © ?

- Le Partis-idéal © ne s’occuperait pas des élections, et n'interviendrait jamais dans le débat politique classique.

- Le Partis-idéal © proposerait juste un mode de vie ou un manifeste existentiel dans lequel l'adhérent s'investirait corporellement et par son consommation, et ce uniquement pour son propre bénéfice.

- Le Parti idéal © serait ce qu'on pourrait appeler un parti identitaire post-idéologique

- Identitaire car il s'adresserait avant tout aux personnes cherchant à affirmer leur individualité à travers une ou des marques. 

- Post-idéologique au sens où il se positionnerait en dehors des segmentations politiques traditionnelles (gauche/droite, libéral/social...)

Il serait donc en phase avec le grand repli sur soi que l'on constate actuellement.

Certaines marques de sport sont déjà plus ou moins des partis idéaux


Avec leurs produits et leurs sagas publicitaires, les marques de sport offrent déjà à tout ceux qui ne se reconnaissent pas dans le jeu politique traditionnel, l’occasion de se construire une identité.


Elles offrent déjà l'occasion de voter avec son corps et sa carte de crédit. 


Acheter est pour beaucoup de personne aujourd'hui, un acte bien plus concret que le bulletin de vote.


Et si dans un monde de post-partis et de fin des grands récits, les marques de sport devenaient un nouvelle catégorie politique ?


Et si c'était aussi cela l'une des conséquences politiques d'une société d'individus obsédés par leur corps ?


On y reviendra le vendredi 28 novembre prochain lors de nos Rencontres organisées autour de la question « C’est quoi demain, une marque de sport ? »

Friday, October 10, 2025

FRANCHEMENT, QUI EST À LA HAUTEUR DE CETTE MUTATION POLITIQUE ?

En 2003 est paru aux Etats-Unis un passionnant bouquin signé de l'historienne Lizabeth Cohentitré «A Consumers' Republic: The Politics of Mass Consumption in Postwar America».


Ce livre analyse le moment où la société américaine s'est transformée après la seconde guerre mondiale, quand la consommation de masse fut élevée au rang d'idéologie nationale et de fondement de la citoyenneté. Cette nouvelle "république des consommateurs" promettait une démocratisation de l'abondance et une nouvelle égalité sociale. On connait la suite de l'histoire...


Question : Et si on remplaçait la voiture en couverture du livre de Lizabeth Cohen, par une paire de sneakers ?


Dit de façon plus concrète et claire ; et si aujourd’hui c’était l’obsession du corps qui devenait centrale pour analyser et penser une société ? 


On assiste actuellement à un glissement des valeurs et donc à ce que les sociologues appellent une redistribution du capital de consommation.


On est passé de l'extérieur (la maison, la voiture) à l'intérieur (le corps, la santé).


Le XXI° siècle va être (et c’est déjà bien parti) le siècle du corps.


Et ça change tout.


- Le corps est devenu l’objet de consommation centrale.


- Le corps est devenu le produit de consommation le plus visible et le plus intime


On est clairement passé de la richesse matérielle à la richesse corporelle.


L'individu est passé du "citoyen-automobiliste" décrit par L.Cohen, au citoyen "entrepreneur de soi".


Le sport est devenu un des grands marqueurs de notre nouvelle citoyenneté au sein de notre société d'individus.


Et les analyses de L. Cohen fonctionnent parfaitement pour analyser notre nouvelle situation.


On retrouve aujourd'hui la même et tout aussi fallacieuse promesse démocratique de la forme comme le nouvel égalisiteur social, alors que l’on sait tous que les inégalités corporelles (obésité, maladies chroniques) sont souvent l'expression visible des inégalités économiques.


Mais qui aujourd’hui accompagne et répond à cette mutation fondamentale de notre société ?


- Les politiques ? Non, évidemment ()


- Les dirigeants sportifs ? Non, malheureusement.


- Les marques de sport ? Oui, en très grande partie.


- Les groupes pharmaceutiques ? Oui, et encore plus demain.


Et c’est pour cela qu’il faut s’intéresser aux marques de sport et à celles qui se présenteront demain comme telles, et on pense plus particulièrement à celles du luxe () et à celle de la santé ().


Et c’est ce que nous ferons le 28 novembre prochain lors de nos Rencontres organisées autour de la question « C’est quoi demain, une marque de sport ? »


Ce n’est pas une question marketing.


Et encore moins une question de sport.


C’est juste et fondamentalement une question politique !